« Avez-vous un programme ? »

« Avez-vous un programme ? » Question simple, inoffensive en apparence. Mais on est bien dans le vif du sujet. Dès la première question, et la suivante, et encore la suivante : « Il faudrait affirmer plus les valeurs » ; « il faudrait appliquer la méthode à des orientations de projets » ; « il faudrait des projets concrets, au moins un socle, des bases : par exemple, comment dynamiser Pénestin en y attirant des trentenaires ou des quadras ? »

On dirait que les 60 personnes venues assister lundi soir à cette première grande rencontre électorale du groupe GLP (Gouvernance locale partagée) sont diplômées de Sciences Po’ ! Elles mettent le doigt là où ça fait mal. Elles ont d’emblée perçu le point sensible qui a déjà suscité tant de discussions parmi les membres de la GLP. En réalité, elles ne font que s’appuyer sur leur expérience d’« usagers ». Et exercer leur esprit critique qui, par chance, ne s’est pas trop émoussé de n’avoir guère été valorisé ces dernières années.

Bénédicte Dupé, tête de liste de cette candidature « Pour une commune qui nous re / rassemble », bataille pour répondre à toutes ces objections. « Lors de la campagne précédente, les programmes disaient tous la même chose : favoriser la venue des jeunes, favoriser l’économie locale. Tout le monde est d’accord là-dessus, mais personne n’a rien fait. La question, c’est de savoir comment on s’y prend. C’est une question de méthode. » Elle poursuit : « Nous proposons un changement radical dans le fonctionnement de la démocratie. Les citoyens exerceront en continu un contrôle sur les choix qui sont faits. Ils seront acteurs. Je suis persuadée que c’est le mode de fonctionnement qu’il nous faut et qui répond aux attentes. »

«  A partir de maintenant, nous serons tous chefs »

Pierre ajoute : « Nous sommes habitués à avoir des chefs. A partir de maintenant, nous serons tous chefs. » Denis présente la démarche GLP sur la base d’un exemple : créer un jardin d’enfants à proximité de l’office du tourisme et de la médiathèque. Lorsqu’une personne émet un tel voeu, on lui propose soit d’intégrer une commission participative existante, soit d’en créer une sur mesure. Dans ce cas, on peut imaginer qu’y participeraient des personnes de la médiathèque et de l’école Jean-Émile Laboureur. On y jugerait la faisabilité de la proposition, son intérêt, on l’affinerait, on la budgèterait. Elle passerait ensuite devant l’assemblée citoyenne, ouverte à tous, et qui aurait pouvoir de décision. Il est possible que la proposition soit amenée à refaire un tour supplémentaire avant d’être votée. Puis le conseil municipal valide la décision de l’assemblée.

Les questions fusent. « Cela va prendre un temps fou ! » Réponse de Bénédicte Dupé : « On regagnera du temps grâce à la communication qui circulera tout au long du projet. Grâce aussi à la concertation mise en place dès le début, très en amont. On sait ce que coûte l’absence d’une telle concertation en amont. Il suffit de regarder le projet Loscolo ! » « Et qu’est-ce qu’il se passera s’il y a un désaccord entre la maire et l’assemblée citoyenne ? » Bénédicte Dupé : « Le critère, ce seront les fondamentaux, c’est-à-dire la liste des valeurs définies dès maintenant et présentées durant la campagne électorale. Un Comité des sages sera d’ailleurs chargé de veiller à leur respect. » Quelqu’un objecte que les valeurs sont relativement floues et peuvent être interprétées. Astrid ramène la balle au centre : « Ce n’est plus le maire qui aura le pouvoir, il s’agit d’un changement profond. »

« Et comment tiendra-t-on compte de Cap Atlantique ? », demande un fin politique qui a sans doute observé les rapports de forces dans l’Union Européenne tout autant que les débats entre Staline et Trotski sur le « Socialisme dans un seul pays » au début des années 1920. Mais c’est à ce moment-là que soudain la lumière s’éteint. « C’est un coup de la mairie ! », rigole quelqu’un. Heureusement, la panne est de courte durée.

« Lorsque les personnes se désinhibent, c’est un gain pour la démocratie. »

Kyra suscite l’approbation lorsqu’elle dit que les techniques d’animation de réunion de la GLP, avec leurs « inclusions », « déclusions » et autres « tours d’objections », permettent aux timides de se faire entendre plus facilement que dans d’autres enceintes. « Lorsque ces personnes se désinhibent, c’est un gain pour la démocratie. » Puis on en revient à Loscolo : « Un projet dont l’objectif de départ, qui était de regrouper l’ensemble des mytiliculteurs, a été loupé. Si la liste GLP est élue, on remettra tout à plat. Si les mytiliculteurs disent majoritairement qu’il faut faire Loscolo, on le fera, mais sinon, on réexaminera les alternatives et on peut aller assez vite s’il y a une réelle volonté », déclare Bénédicte Dupé.

Au détour des phrases, on entend se répéter des tournures comme « J’ai peur que… », « Je crains… » Les visages sont graves. Le ton des interventions est sérieux, guère d’humour, peu de sourires, même s’il est clair que l’assemblée est majoritairement acquise à l’idée d’une candidature d’opposition. Il semble que le « changement radical » effraie. « On sent de l’inquiétude », commente Coline à la fin de la réunion. Les présents ont conscience que c’est eux qui seront le fer de lance de la future assemblée citoyenne, et ils n’ont certainement pas tort d’en anticiper les difficultés autant que les réussites espérées. « C’est une première réunion et il y en aura d’autres. Les gens sont logiquement encore un peu sceptiques, ils ont besoin de temps pour s’approprier un mode de fonctionnement qui sera aux antipodes de celui qui prévaut actuellement », analyse un participant.

Selon Bénédicte Dupé, le projet est ouvert : « Nous n’avons pas encore les 19 personnes pour constituer une liste. Tout le monde est bienvenu aux réunions de stratégie dont la première aura lieu lundi 4 novembre à 18 h 30 au Foyer socioculturel. » « Mais venir à une réunion n’oblige pas à ‘signer’ pour se retrouver sur la liste », sourit Astrid. On se doute qu’être élu sur cette liste ne sera pas une sinécure. Dire que « la mairie appartient aux habitants » impose un vrai « challenge » à la future maire, si elle est élue, et à toute son équipe. Mais la tête de liste en est persuadée, “c’est une tâche difficile, certes, mais enthousiasmante. On pense qu’on sera utiles et qu’on pourra apporter quelque chose à la population, chez qui la demande est très forte.”

3 commentaires sur “« Avez-vous un programme ? »”

  1. bof. j’ entends ” on,on, on” mais on ne voit qu’ une personne assise à côté de l’ oratrice . où est donc l’équipage du ĢPL ?

  2. Bonjour Gérard, je pense que cet article reflète bien la teneur de la réunion telle que je l’ai vécue.
    Cependant , une remarque de détail concernant la panne d’éclairage, tu aurais pu ajouter que les personnes qui ont dit “c’est un coup du maire”, l’on dit sur le ton de l’humour et que ça a fait rire, ne tombons pas dans le travers de notre époque, le complotisme.
    Par ailleurs, je regrette que tu n’ais pas mentionné le nom de notre liste : pour une commune qui vous re/rassemble”. Il faut dire à ta décharge que ce n’est qu’ en fin de réunion qu’il en a été fait mention brièvement.
    Pourtant, c’est l’objectif de tout notre travail, en finir avec les clans et faire que chacun se retrouve dans les décisions de la municipalité.

    1. Bonjour Pierre,
      Merci pour ton message. J’avais bien compris que la remarque sur la panne d’éclairage était humoristique, mais ne l’ai sans doute pas fait apparaître clairement. Je vais essayer de faire un petit ajout.
      Idem pour le nom de la liste : je ne l’avais pas (il me semble, je peux me tromper) et ne m’en souvenais pas… Même chose d’ailleurs pour le schéma utilisé pour l’exposé de Denis, que je n’ai pas réussi à me procurer.
      Merci en tous cas pour le compliment !

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