Chroniques locales du temps jadis, 28 juin 1936 – L’inauguration de la colonie de vacances Sainte-Thérèse au Loguy

par Jean-Yves R.

1936 : l’année du Front Populaire, des premiers congés payés, et de la découverte pour beaucoup de familles des plaisirs simples des bords de mer….

Émanations à la fois des milieux laïques et religieux dès la fin du 19ème siècle, les colonies ou camps de vacances, parfois rattachés au scoutisme, allaient connaître à partir de la période de l’entre-deux-guerres un développement tel que le Front Populaire se préoccupera de les structurer en créant même une école destinée à la formation des éducateurs de « colo ». Sans compter que le premier gouvernement Blum avait, pour la toute première fois en France, nommé un « Sous-secrétaire d’État aux sports et à l’organisation des loisirs » en la personne de Léo Lagrange. Lui-même ancien membre dans sa jeunesse de la troupe des Eclaireurs Français du Lycée Henri IV – un mouvement de scoutisme neutre confessionnellement fondé en particulier par le baron Pierre de Coubertin – il allait occuper ce poste ministériel du 4 juin 1936 au 8 avril 1938, sous trois gouvernements successifs, avant de tomber pour la France le 9 juin 1940.

Léo Lagrange, « Ministre des Loisirs »

Localement, le climat de Pénestin et son air iodé ne pouvaient que se prêter à accueillir de tels centres pour les enfants et adolescents comme l’avait d’ailleurs souligné le Nouvelliste de Vannes dans un article annonçant l’inauguration et, à l’encontre de ceux qui pouvaient penser secondaire la création d’une colonie ou imaginer une éducation « sans guide ni frein dans l’oisiveté de la rue » : que les enfants y trouveraient « la gaîté et l’entrain qui sont l’apanage de leur âge », qu’ils y fortifieraient « leurs jeunes muscles et leurs poitrines au cours de jeux sur la dune et dans les excursions » sans compter que « leurs petites âmes » s’élèveraient « vers un idéal plus lumineux » et que ce séjour serait peut-être « le plus beau rayon de soleil qui illuminerait leur existence ».

La commune allait ainsi voir s’installer successivement plusieurs Colonies dans des installations« en dur » : celle de Sainte-Thérèse au Loguy, celle de Sainte-Jeanne-d’Arc au Palandrin que suivrait encore un peu plus tard celle de Dunlop près de la plage de Poudrantais.

En 1936, c’est à l’initiative de l’Abbé Le Breton soutenu par l’association des chefs de familles de La Roche-Bernard, avec la bénédiction de l’Évêché morbihannais, que la Colonie dite de Sainte-Thérèse se voyait édifiée à peu d’encablures de la plage au Loguy. C’était encore l’époque où l’on pouvait construire en bord de mer, qui plus est dans ce cas à des fins sociales, sans pour autant risquer de se voir traîner en justice pour atteinte au littoral ou autres motifs. L’architecture y était simple, voire même simpliste, construite à peu de frais, du moment que l’on satisfisse aux quelques exigences de fonctionnement, le ou les bâtiments s’accompagnant alentour d’un vaste terrain pour des jeux collectifs, voire pour un hébergement sous tentes.

La construction de la Colonie Sainte-Thérèse, à laquelle avaient aussi spontanément prêté main forte, par solidarité, des habitants de Pénestin, avait été menée par plusieurs centaines de « constructeurs bénévoles » de tous âges de La Roche-Bernard et de tous métiers (ouvriers, artisans, commerçants…) Chacun avait ainsi joint ses efforts à ceux de l’entreprise professionnelle locale chargée des ouvrages les plus conséquents, qui pour le transport du gravier, qui pour la fabrication des parpaings, le terrassement ou les travaux d’aménagements intérieurs ou extérieurs.

Dans la partie principale dont la longue façade de 28.00 mètres était agrémentée de 7 grandes fenêtres ouvrant sur la mer avaient été installés le réfectoire et le dortoir où tables dans le premier et lits blancs dans le second n’attendaient plus que les premiers petits colons, tandis que ses deux ailes abritaient la cuisine, des chambres pour les encadrants, un garage et une cave, sans oublier une chapelle toute simple.

A l’entrée de la propriété, un vase ornemental de deux mètres de haut d’où retombaient des capucines accueillait les visiteurs tandis que Sainte Thérèse, sur un piédestal rustique de rochers au milieu d’un parterre de fleurs, veillait sur la cour intérieure située entre les deux ailes et que l’on avait clos la propriété d’un large remblai planté.

Les cérémonies d’inauguration l’après-midi du dimanche 28 juin 1936 pour lesquelles l’Évêque de Vannes en personne, Monseigneur Hippolyte Tréhiou, avait promis de se déplacer après être déjà venu une fois sur le chantier, allait ainsi faire l’objet d’un évocation dans la presse.

Bien avant 17h00, horaire d’arrivée prévue de l’Évêque, une foule nombreuse se pressait déjà autour de la Colonie, arrivant par groupes par le sentier d’accès et franchissant le portail d’entrée près duquel avait été dressé un mât portant les couleurs tricolores. Chacun profitait du moment libre pour y aller de sa visite des installations intérieures : réfectoire, cuisine confortablement aménagée et dortoir, sans oublier la petite chapelle décrite comme reposante où, sous l’autel en acajou, avait été placée une statue gisant de la sainte protectrice souriant à l’éternité.

A 17h00, près d’un millier estimé de personnes, pour la grande majorité de La Roche-Bernard et de Pénestin, s’était massé aux abords du bâtiment et de l’entrée de la propriété, patientant et palabrant en écoutant quelques airs populaires bretons joués par des musiciens vivement applaudis.

A 17h03, annoncée par une sonnerie de clairons, arrivait enfin la voiture épiscopale qui se garait sur le chemin cahoteux de la dune. Monseigneur Tréhiou, accompagné de son Vicaire général, le Chanoine Joseph Moisan, et du Chanoine Drouet, le directeur des Œuvres, se voyaient accueillis à l’entrée de la Colonie par le curé de La Roche-Bernard, le Chanoine Riffaut, qu’accompagnaient le Maire de la commune le Docteur Cornudet (maire de 1915 à 1945) et le conseiller général M. Valentin Vignard (1931 à 1940, futur membre du Comité départemental de la Libération en 1944 puis Député de 1956 à 1958). Sans compter un aréopage fourni d’ecclésiastiques.

Mgr Hippolyte Tréhiou, Évêque de Vannes de 1929 à 1941 (Cliché Cardinal)

Accompagné par une marche solennelle jouée par la Lyre Rochoise, le cortège s’avançait jusqu’au milieu de la cour intérieure de la Colonie où prônait donc une statue de Sainte Thérèse. Prenant alors la parole le Docteur Cornudet souhaitait la bienvenue à Monseigneur Tréhiou au nom de l’association des chefs de famille de La Roche, se faisant l’interprète du plaisir de tous de voir Son Éminence présider l’inauguration de la colonie. Puis, s’élançant dans une évocation historique jusqu’aux temps les plus reculés de l’histoire de la côte de Pénestin et du Loguy, il allait captiver l’auditoire par un récit tout aussi remarquable qu’empreint de curiosité.

Lui succédant, l’Abbé Le Breton non sans quelque émotion exprimait sa joie d’avoir enfin pu mener à bien ce qu’il avait rêvé pour les enfants. Malgré quelques péripéties de chantier – l’inclémence des éléments durant la période de l’hiver, l’état de la route d’accès, des difficultés de moteur, … – rien n’avait fait reculer ni découragé finalement l’ardeur des constructeurs bénévoles qui avaient prêtés main-forte à l’entreprise en charge des travaux principaux, leur adressant à tous de chaleureux remerciements.

Après que le Chanoine Riffaut lui aussi eut remercié tous ceux qui, professionnel et bénévoles, avaient contribué à la réussite du projet, prenant alors la parole Monseigneur Tréhiou, tout en improvisant son discours, allait prendre soin de répondre à chacun. Vantant d’abord la commune de La Roche-Bernard qui avait bien mérité de l’action catholique par ce « bel exemple de charité sociale », il soulignait la parfaite entente entre les autorités civiles et religieuses qui ne pouvait aboutir, comme dans le cas présent, qu’à de fructueux résultats. Portant ensuite sa sollicitude plus personnelle à l’Abbé Le Breton qui avait été à l’initiative de la Colonie et avait œuvré sans compter pour elle, il s’adressait pour finir aux enfants présents, parmi lesquels sans nul doute de futurs petits « colons », en leur disant que durant leur séjour ils auraient à s’exercer à l’accomplissement de quelques sacrifices afin d’aider leur âme, la vie n’étant pas que partie de plaisir, à avancer sur le chemin de la vertu.

Procédant à la suite à la bénédiction des locaux, l’Évêque la concluait par un salut solennel, le Saint Sacrement étant porté vers la petite chapelle par l’Abbé Nicolet de Pénestin. Et tandis que la chorale Rochoise enchaînaient plusieurs chants religieux, l’Évêque présentait l’ostensoir sacré aux fidèles.

Cette cérémonie terminée, l’inauguration de la Colonie allait se conclure comme il se doit par un vin d’honneur servi au réfectoire et offert à tous les bienfaiteurs et à ceux qui avaient œuvré à sa construction, entreprise et bénévoles.

La Colonie Sainte-Thérèse, vue aérienne

Et tandis que la foule se dispersait peu à peu, qui à pied, qui en voiture ou vers les cars stationnés dans une prairie avoisinante, le Loguy allait retrouver peu à peu son calme, n’attendant plus désormais que ses tous premiers jeunes vacanciers qui viendraient y faire leur cette célèbre maxime dont avait d’ailleurs usé l’un des orateurs : « Mens sana in corpore sano », « Un esprit sain dans un corps sain ».

Aujourd’hui rénovée et agrandie, la Colonie Sainte-Thérèse a désormais laissé place au centre de vacances des « Amis de la Nature ».

La Colonie Sainte Jeanne d’Arc au Palandrin
(aujourd’hui Centre d’éducation et d’hébergement du Palandrin.)
La Colonie Dunlop, domaine de Maresclé à Kerfalher
(aujourd’hui centre de vacances de l’Oeuvre Universitaire du Loiret)

© Jean-Yves R. – Brancelin

Sources consultées : Presse morbihannaise, sites sur le Front Populaire, les colonies de vacances…

Illustrations : Collection de l’auteur (sauf mention) 5 décembre 2019

7 commentaires sur “Chroniques locales du temps jadis, 28 juin 1936 – L’inauguration de la colonie de vacances Sainte-Thérèse au Loguy”

  1. Bravo et merci pour l’histoire de la colonie Ste Thérèse au Logui !
    Auriez-vous des renseignements sur l’histoire du manoir et de la colonie Ste Jeanne d’Arc au Palandrin avant 1957 ?
    Cordialement.
    Bernard Le Mené

    1. Bonjour Guy.
      Merci de vous intéresser à mes “reconstitutions” qui font partie de la mémoire et du patrimoine de Pénestin. D’autres sont en préparation…
      JYR

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