Le compte rendu officiel du comité de suivi est arrivé par la Poste un mois jour pour jour après la réunion du comité. Je reviendrai sur ce compte rendu. Je vais dans un premier temps, comme il se doit, faire part de mes remarques au comité de suivi lui-même, et je reviendrai ensuite vers vous sur ce blog.
Le retard de ce compte rendu n’est toutefois pas un fait anodin. Un bon connaisseur du dossier me disait cette semaine : « Ils ont le temps avec eux. » Il voulait dire par là que les artisans du projet font circuler l’information au moment où il est déjà trop tard pour réagir. Aujourd’hui, le défrichement de la zone – ou plus probablement son débroussaillage comme on le verra dans la suite de cet article – est imminent, mais certains documents destinés à informer les citoyens par le biais des membres du comité de suivi viennent tout juste d’être diffusés.
L’émergence à Pénestin d’une opinion publique informée et active
Certains semblent vouloir empêcher l’émergence à Pénestin d’une opinion publique locale informée et active. Le temps est une arme à cet égard. J’ai donc choisi de commenter en priorité le document qui aide à gérer ce temps : le calendrier prévisionnel. Ce document a été projeté et commenté lors de la réunion du 21 septembre, mais il était illisible à ce moment-là et nous n’en avons pris connaissance que cette semaine.
J’ai conscience, bien évidemment, du rôle que j’assume en portant à nouveau devant les citoyens de la commune des analyses concernant le comité de suivi dont je suis membre. Dans le « règlement intérieur » (série de diapos pré-rédigées), il est indiqué que « des documents seront remis et diffusables : chaque participant utilisera ces éléments avec la rigueur et l’honnêteté intellectuelle qui s’imposent, sans les déformer ou sortir de leur contexte les informations qu’ils contiennent. » Je n’adhère pas au procédé qui consiste à imposer des règles aux participants sans qu’ils en aient débattu, mais je relève le défi ! Je vais élaborer une critique honnête, rigoureuse et constructive, même si elle est sévère. « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » : vous connaissez bien sûr cette citation de Beaumarchais qui figure en en-tête du Figaro depuis sa création en 1826.
Expédions, pour commencer, les questions de forme. Oui, je sais, deux fautes de frappe dans le titre : j’en parle ou pas ? Je passe… Plus grave : dans la version papier, une année « mesure » 6,8 cm et un trimestre (lire avril au lieu de mars et octobre au lieu de septembre), 1,7 cm. Avec ça, on n’ira pas loin dans le détail… Cela ne traduit pas non plus un grand respect pour les membres du comité de suivi, comité dont le premier objectif (diapo 3 du règlement intérieur) est de « partager l’information sur le déroulement du projet ». Ce schéma ressemble à un travail d’étudiant. Critique constructive : il serait préférable, à l’avenir, de ne plus confier à des stagiaires des travaux qui ont des répercussions sur l’information et sur la vie des citoyens d’une commune, la nôtre en l’occurrence.
On n’y voit nulle part le mot « défrichement »
Le contenu à présent : le « déroulement du projet » dont parle le règlement intérieur, est surtout représenté dans la partie « Environnement et travaux » du schéma. Une surprise : on n’y voit nulle part le mot « défrichement », alors que c’est à l’évidence l’élément central des opérations qui vont transformer la friche actuelle en un parc d’activités avec ses entreprises, ses bassins de décantation et ses multiples réseaux viaires, électriques et autres. Le défrichement est la seule opération qui réclame une autorisation explicite du préfet à l’issue d’une longue procédure. Et c’est aussi, bien sûr, l’opération qui symbolise les dommages causés à la biodiversité et qui cristallise toutes les oppositions.
Au lieu de cela, on trouve une partie « Travaux préparatoires puis archéologie », puis, à partir du second trimestre 2020, une partie « Travaux d’aménagement ». Entre les deux, il y a la demande de permis d’aménager, qui est prévue pour la fin de l’année. Lors de la réunion du 21 septembre, Mathieu Roeper, directeur de l’aménagement et du renouvellement urbain à Loire Atlantique Développement, a parlé à propos des travaux préparatoires d’un « démarrage du défrichement » pour « permettre le diagnostic archéologique, qui est le préalable avant l’aménagement des voiries ». J’ai demandé des éclaircissements :
« G. Cornu : Les travaux préparatoires, qu’est-ce que cela veut dire ? Concrètement, c’est un défrichement quand même ?
Mathieu Roeper : Oui, c’est un défrichement, mais en maintenant les arbres. On ne défriche pas la totalité. On ne défriche que la partie qui est nécessaire à l’aménagement et ensuite, les archéologues interviennent et font des tranchées d’à peu près 3 mètres de large qui quadrillent la zone pour savoir si oui ou non, il y a des vestiges potentiels. Si c’est le cas, il y a un arrêté de fouilles. » (1)
Cette réponse est étonnante. Par définition, un défrichement est une opération qui détruit l’état boisé d’un terrain et met fin à sa destination forestière. Il change l’affectation de son sol. Un terrain boisé peut, par exemple, être transformé en une terre cultivée. Défricher, cela consiste à couper et à dessoucher des arbres. Le terrain est ensuite disponible, dans notre cas, pour des opérations de terrassement et de viabilisation qui relèvent déjà de l’aménagement. Cependant, vous avez peut-être vous-mêmes été amenés à faire réaliser des opérations de terrassement, par exemple, sur un terrain dont certains arbres avaient été conservés, un terrain « arboré ». Est-ce le sens de la réponse faite par M. Roeper ?
Dans les deux citations ci-dessus de M. Roeper, le défrichement est présenté comme une étape, une sorte de passage obligé, qui rend possible deux choses distinctes : l’aménagement, d’une part, le diagnostic archéologique d’autre part. Procédons par ordre et observons-les tour à tour.
À propos de l’aménagement, M. Roeper indique qu’« on ne défriche que la partie nécessaire à l’aménagement ». Quelle est cette partie ? Pour le savoir, ou tout au moins pour s’en faire une idée, on peut se référer à deux documents que je vous reproduis : le tableau parcelle par parcelle des surfaces à défricher, qui se trouve dans l’article 9 de l’arrêté du préfet du 23 juillet, et auquel je joins pour plus de clarté l’extrait du cadastre correspondant ; le plan de la zone de Loscolo et de ses alentours publié dans le document « État initial » de la première enquête publique de août-septembre-octobre 2018 (p. 53).
En dehors des 25 m2 de zone humide, l’arrêté du préfet autorise le défrichement de 7995 m2, qui correspondent à des boisements de plus de 30 ans (2). Les zones à défricher semblent correspondre aux chênais (colorées en marron) sur le plan de l’État initial. Les 6,2 ha restants dans la zone 1 sont composés pour l’essentiel de fourrés préforestiers et de fourrés d’épineux. Ces fourrés seront, sauf erreur, arrachés et broyés au bulldozer ou à la broyeuse, et cette opération est indépendante du permis de défricher.
Pour ce qui est du planning, le débroussaillage des fourrés semble être intégré parmi les « travaux préparatoires » qui précèdent à la fois le diagnostic archéologique et l’aménagement. C’est probablement pour très bientôt, logiquement juste après la fin des vacances de la Toussaint.
Quant au défrichement des 7995 m2, en l’état des informations fournies par le comité de suivi ou accessibles dans le dossier, c’est un mystère absolu… Et pourtant, un plan de masse comme celui reproduit ci-dessous montre bien que le résultat visé, avec ses arbres supprimés beaucoup plus nombreux que ses arbres conservés, suppose à un moment ou à un autre le défrichement des chênaies.
S’il vous plaît !! Encore un petit effort pour améliorer la qualité de l’information
Remarque constructive : je suis un citoyen qui ne connait rien aux sujets dont je suis en train de parler et je mets des heures à rassembler les différents éléments et à tenter de les interpréter. D’ailleurs, il est 3 heures du matin au moment où j’écris ces lignes, et j’espère que cela sera reversé au compte de ma rigueur + honnêteté intellectuelle ! Le comité de suivi veut agir dans la transparence et faire de la pédagogie. Alors – s’il vous plaît !! -, encore un petit effort pour améliorer la qualité de l’information qui circule par le biais de ce comité…
Je poursuis néanmoins. Vous avez peut-être remarqué que la carte tirée de l’ « État initial » est datée de 2011. D’ailleurs, le lotissement de H.L.L. (habitations légères de loisirs) n’y apparaît pas… Mais alors, et les arbres ? Pour ceux qui avaient déjà 30 ans en 2011, tout va bien… ou mal, c’est selon : ils sont bons pour la tronçonneuse. Mais ceux qui avaient entre 22 et 29 ans à l’époque ? Ils sont passé à présent de l’enfance, de l’état d’arbustes relevant de « fourrés préforestiers », à l’âge adulte où ils évoluent désormais dans de belles chênaies.
Mais les chiffres de l’arrêté indiquant les surfaces à défricher ? Ont-ils été actualisés, ou bien avaient-ils été fournis, comme la carte et en même temps qu’elle, par l’agence TBM en 2011 ? Vous saisissez certainement le problème : si les chiffres n’ont pas été actualisés, il va y avoir des arbres de 30 ans et plus qui n’auront pas été comptabilisés, et qu’il ne sera pas possible d’abattre sous peine de se mettre dans l’illégalité.
Une possible augmentation de la surface à défricher…
Nous avions pourtant été nombreux à insister pour que les études jointes aux dossiers des enquêtes publiques, dont certaines sont encore plus anciennes, soient actualisés. Il y a un couple que je me permets de citer, M. et Mme Chardron, qui a rédigé l’observation n° 35 jointe au dossier de la première enquête publique, et qui attirait l’attention, justement, sur une possible augmentation de la surface à défricher… La commissaire enquêtrice avait répondu dans son rapport du 2 novembre 2018 (p.21) que ces questions seraient reprises lors des deux enquêtes publiques à venir. Or, le rapport d’enquête de M. Zeller, en avril 2019, n’y fait aucune référence. Une fois de plus, il semble que les deux enquêtes se sont renvoyées la « patate chaude », comme je l’avais déjà mentionné à propos de l’analyse des localisations alternatives pour le projet Loscolo.
Le fait que je rapporte ici peut sembler anecdotique, mais il est sans doute significatif de l’un des défauts principaux de ce projet, que M. et Mme Chardron ont bien formulé : « Il s’agit d’un projet ancien : le document devrait donc présenter des éléments d’actualisation des donnes économiques, sociologiques, écologiques ». Et ils poursuivaient en dressant une « liste non exhaustive » des points à actualiser, dont l’évolution, par rapport aux premières démarches, du nombre d’entreprises effectivement intéressées, l’état d’envasement de l’embouchure de la Vilaine, la prise en compte du nouveau PLU à l’étude, l’actuel ayant été invalidé, etc.
Pour en terminer avec la question spécifique de la mesure des surfaces à défricher dans l’arrêté préfectoral, j’ai contacté hier la DDTM à ce sujet et n’ai obtenu encore qu’une information partielle. Il semblerait néanmoins que la procédure appliquée par les services de la DDTM dans un cas de figure comme celui-ci consiste à « apprécier les éléments qui sont dans le dossier », plutôt qu’à faire effectuer de nouvelles mesures sur le terrain. Affaire à suivre.
M. et Mme Chardron, pour leur part, soulevaient encore un autre problème dont je ne suis pas capable d’évaluer la pertinence : ils indiquaient que « la reconnaissance de la DDTM ne souligne pas (l’) état de futaie, ce qui peut constituer une erreur manifeste d’appréciation ». A suivre aussi, peut-être.
Vérifier si des vestiges archéologiques sont présents sur la zone
Après l’adaptation à l’« aménagement », la zone sera soumise à une série de ponctions destinée à vérifier si des vestiges archéologiques sont présents sur la zone. Selon M. Roeper, ce sont des tranchées d’environ 3 mètres de large. Elles seront creusées sur un terrain déjà débroussaillé.
C’est la DRAC (Direction Régionale
des Affaires Culturelles) qui a la charge de prescrire et de réaliser les
diagnostics archéologiques lorsqu’un terrain ou un bâtiment à fort potentiel
archéologique fait l’objet d’un projet d’aménagement. « Le diagnostic consiste en des études,
des prospections et des sondages réalisés à la pelle mécanique.
7 à 10 % de la surface de terrain soumise à aménagement est testée de manière à
mettre en évidence et à caractériser les vestiges archéologiques :
étendue, profondeur, nature, datation, état de conservation. » Il « donne lieu à un rapport. » (https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Pays-de-la-Loire/Politique-et-actions/Archeologie/En-pratique/Archeologie-preventive)
7 à 10 % de la surface totale de 8,5 ha, cela représente entre 0,6 et 0,85 ha répartis sur la zone afin de la quadriller, comme nous l’indiquait M. Roeper. A noter qu’environ un hectare est déjà défriché sous les pylônes électriques et que la DRAC aura sans doute à cœur d’y situer certains de ses sondages afin de limiter à la fois son travail et l’atteinte à la friche au cas où l’aménagement devrait être interrompu. Idem pour la tranchée de 5 m de large qui fait le tour de la zone et abrite la « barrière anti batraciens ».
Que se passe-t-il ensuite ? Selon F. Durieux : « Si un arrêté de fouilles est pris, on ne maîtrise plus grand chose au niveau du planning. »
Conclusion critique, mais toujours constructive : le calendrier prévisionnel est la pièce essentielle de l’information supposée être partagée à propos du déroulement du projet. Il serait extrêmement souhaitable d’étendre et d’approfondir cette information bien au-delà du schéma commenté ici et qui ne peut être considéré que comme un simple amuse-bouche. Passons aux choses sérieuses !
(1) Ces éléments ne sont pas repris dans le compte rendu fourni par Cap Atlantique, qui n’aborde pas les questions de défrichement. Je m’appuie ici sur mes notes personnelles.
(2) Voir par exemple p. 3 du mémoire en réponse de Cap Atlantique du 28.3.2019 qui se trouve en annexe du rapport de l’enquête publique de février-mars 2019.
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Merci
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Merci pour toutes ces informations fouillées et pédagogiques
Tous vos articles sont intéressants, instructifs et permettent d’être informés sur ce qui se passe dans la commune de façon objective
surtout continuez !
Toutes mes félicitations pour ce travail .
Bon courage
Bravo pour cette ce commentaire et cette critique fouillée. Les plans aident à bien comprendre ce dont il s’agit. Tous mes encouragements.