Mercredi 13 juillet, 15 h. Il fait 32°. Plusieurs ouvriers s’affairent autour du parking du Maresclé. Une pelleteuse vient se positionner avec des ronds rapides. J’interroge l’opérateur : « Vous n’arrêtez pas de bosser quand il fait cette chaleur ? » « On aimerait bien. » « Mais vous continuez quand même. » « Oui, il faut bien. » Plus loin, un camion se porte à ma hauteur. « Vous cherchez quelque chose ? Il y a un problème ? » « Vous êtes le chef de chantier ? » « Oui. » « Vous les faites travailler par cette chaleur ? Il fait 31, 32. » « Oh ! A peine. » « Moi, je n’y connais rien, je suis juste riverain. Je viens voir ce qu’il se passe. » « Si on devait s’arrêter à chaque fois qu’il fait 30°… » « Vous travaillez pour Cap ? » « Oui, on est sous-traitants pour Cap. » « Et vous êtes équipés en réserves d’eau et tout ce qui obligatoire ? » « Oui, il n’y a pas de problème. D’ailleurs, on ne nous fait pas encore passer en rouge, parce qu’ils prévoient que ça va baisser les prochains jours. » « Oui, on est en jaune pour le moment. Bon je vous laisse bosser. Je voulais juste savoir parce que j’habite ici. »
Je répète : ce ne sont pas des personnels de la mairie de Pénestin. Le feu d’artifice est annulé ce soir en raison de la chaleur et des risques d’incendie : bonne décision. Hier, un quadragénaire est mort sur la plage de la Mine d’Or. Avant-hier soir, un incendie s’est déclaré au camping du Cénic, des matériels de feux d’artifice ont explosé. Ce camping a une capacité de 3500 personnes. Les services de secours et trois casernes de pompiers ont fait leur travail de façon exemplaire.
La semaine dernière, une pelleteuse était collée contre une haie sur la falaise du Maresclé, à la hauteur de l’endroit où elle s’est effondrée. Elle était donc séparée de la faille par la largeur de la haie, une quinzaine de centimètres. A deux mètres de là, un marteau-piqueur était en action. J’en ai parlé aux ouvriers. Ils m’ont dit non non, il n’y a pas de danger. Et les vibrations ? La faille ne risque pas de s’agrandir ? Non non. Je n’ai pas insisté : « C’est pour vous que je vous pose la question. Moi, je n’y connais rien. » Le chef de chantier d’aujourd’hui, à qui je rapporte l’anecdote, me répond : « Là, c’était une question de bon sens. » Ah ! Ce serait intéressant d’avoir une réponse.
J’espère que je ne suis pas seul à sortir de temps en temps de chez moi pour aller poser des questions. Il fait quand même chaud, non ?
C’est tout.
Enfin, non, pas tout à fait. Il y a des pays où quand on voit quelqu’un bosser dans la fournaise, on traverse la rue pour lui apporter une bouteille d’eau, ou alors on l’invite à boire un café. Ici, non, et de toutes façons, ils vous répondront qu’ils n’ont pas le temps, ils doivent terminer à telle heure. Dans d’autres pays, comme les Emirats Arabes Unis, les villes sont des chantiers permanents. Je ne sais plus exactement, mais je crois qu’on n’arrête de bosser qu’à partir de 41 ou 42°. Il y a beaucoup d’accidents, les ouvriers sont Indiens, Pakistanais, Sri-lankais…
Nous, par rapport à ça, on est le pays des Droits de l’Homme, non ? De la fraternité, non ? Ca veut dire qu’on réagit en tant que citoyen, on s’intéresse à ce qui se passe autour de soi, on pose des questions, on s’informe, on donne son opinion. D’ailleurs, ça tombe bien, demain c’est le 14 juillet. Vous avez une invitation, vous ? Moi, non… Pourtant, j’aimais bien y aller quant on m’y invitait, c’est d’ailleurs là que j’avais eu ma première longue conversation avec M. Puisay qui s’interrogeait pour savoir s’il allait se présenter ou non à la mairie. Il se demandait si la fonction de maire s’inscrirait bien dans le prolongement des fonctions qu’il avait exercées jusque là. « Si je considère que non, je ne me présenterai pas », m’avait-il dit. Je lui avais fait quelques suggestions qu’il avait semblé apprécier.
Qu’est-ce qu’on me reproche maintenant ? Je crois que c’est de poser des questions, de m’informer, de donner mon opinion. Je me répète ? Ben forcément ! « Et ça veut dire que… » « Oui, je vous laisse compléter : en gros, on peut se demander si le système républicain n’a pas été un peu détourné. » « Détourné de ses origines ? » « Oui, c’est ça, citoyen. Ceux qui exercent le pouvoir aujourd’hui n’ont pas tellement réfléchi sur ce que veut dire le 14 juillet. » « Mais alors, citoyen, il faudrait recommencer ? Remonter à l’assaut des Bastilles ? » « Citoyen, vous êtes libre, mais aussi responsable de vos paroles !! »