Journaliste, des techniques professionnelles et une déontologie exigeante, avec ou sans carte de presse

Je vais ajouter ici quelques compléments à l’article précédent. Je juge normal en effet que les lecteurs de ce blog qui le souhaitent sachent quel est mon statut pour exercer une activité de journaliste, au moment où ce statut est mis en doute par certains, peu nombreux heureusement.

Avoir une carte de presse est une fierté. Je n’ai pas cet honneur. Les règles de la commission de la carte sont strictes : pour bénéficier d’une carte de presse, il faut exercer son activité dans une ou plusieurs entreprises de presse et en tirer au minimum 50% de ses revenus. Étant retraité de l’enseignement supérieur depuis deux ans et demi, cela signifierait – à supposer que je sois rémunéré pour mon activité, ce qui n’est pas le cas actuellement – renoncer à ma retraite.

Je me trouve donc dans la même situation que des centaines de journalistes indépendants, de reporters, de photographes et de réalisateurs qui ne demandent pas la carte ou à qui elle est refusée. Dans le domaine du journalisme télé, « les reportages et documentaires de ces journalistes indépendants ‘écartés’ sont regardés par des millions de téléspectateurs et contribuent à la réputation de sérieux et de courage d’une profession de plus en plus attaquée, qui prend des risques sur le terrain, mène des investigations solides et produit des sujets de société essentiels. » (Lettre ouverte de Stéphane Bentura, « Journalistes, avec ou sans carte », parue dans Libération le 16 mai 2018). Certains, comme Gaspard Glanz, arrêté et placé en garde à vue à plusieurs reprises alors qu’il couvrait, entre autres, les manifestations des Gilets Jaunes, se sont retrouvés ces derniers temps sous les feux de l’actualité. D’autres traversent la Méditerranée avec des migrants ou se rendent dans des zones de guerre sans bénéficier d’aucune protection. Être considérés néanmoins comme journalistes en fait soit des confidents, soit des cibles.

Bien entendu, le développement des supports numériques, dont les blogs font partie, accroit le nombre de personnes se trouvant dans la situation d’être des “journalistes sans carte”.

“Je vous prends à l’essai pour trois semaines.”

Mais quelle est votre compétence, me direz-vous ? J’ai soutenu une thèse de doctorat en 1983 sur le journalisme de télévision. J’ai ensuite enseigné durant 33 ans la communication et le journalisme dans les universités de Rennes 2 et Nantes. J’y ai encadré au fil des années plus de 1000 reportages réalisés par des étudiants. Dans les années 1990, j’ai été chargé de la communication auprès du président de l’université de Nantes : j’ai créé à cette occasion un magazine bimestriel, « Prisme », dont j’ai assuré la rédaction en chef. J’ai réalisé des reportages écrits et audiovisuels en Roumanie, en Espagne, ou à l’occasion de divers colloques et festivals. J’ai par ailleurs mené des recherches universitaires sur l’histoire des techniques de lisibilité aux Etats-Unis à partir des années 1940 et sur la notion d’angle journalistique depuis les années 1960-70 en France.

Arrivé à Pénestin il y a trois ans, je me suis proposé comme correspondant à L’Écho de la Presqu’île en voyant une annonce dans ce journal. Une jeune journaliste m’a dit : « je vous prends à l’essai pour trois semaines. » L’expérience de repartir du bas de l’échelle et de refaire ses preuves passée la soixantaine est passionnante et je la conseille à tous. Pour ma part, je n’avais encore jamais été dans la situation d’un correspondant local qui change chaque jour de sujet, de la vie associative à la culture et à la politique locale en passant par les accidents de la route. Je suis resté 6 mois dans ce journal, en charge des communes de Pénestin, Camoël et Férel.

J’ai ensuite créé le blog penestin-infos en août 2018, après en avoir informé M. le Maire de Pénestin. A ce jour, 214 articles ont été publiés. J’espère à terme valoriser financièrement certains articles en les vendant à d’autres médias, et profiter de cette rentrée d’argent pour recruter et former des stagiaires, mais je me satisfais de la situation actuelle où ce blog ne rapporte rien et ne coûte rien. C’est l’un des avantages du statut de retraité que d’être en mesure de choisir ses activités et de les mener selon les cas sur le mode de la gratuité, de l’échange de services, ou d’une rétribution modeste pour quelques (rares) activités telles que des cours de piano ou l’écriture d’une biographie, du moment que ma retraite me permet de subvenir à l’essentiel de mes besoins.

L’esprit critique, qui est l’exact contraire de l’esprit partisan

J’ai exposé le projet de ce blog dans un article intitulé « Voici Pénestin-infos ! » paru le 26 août 2018. J’y parlais de « décrire le quotidien, les habitudes, les gestes, les sourires », ou de l’esprit critique qui est « exactement le contraire de l’esprit partisan ». Je disais que ce blog serait « curieux et aimant ». Ce sont là des valeurs fondamentales du journalisme, et mon approche, parfois un peu littéraire et qui utilise la liberté dont je jouis d’être mon propre chef, est inséparable d’un ensemble de techniques professionnelles, tout autant que d’une déontologie à laquelle je suis très attaché, comme j’ai eu plusieurs fois l’occasion de l’exposer. En cela, je crois légitime de me définir comme journaliste, à défaut de recevoir un salaire et de posséder une carte de presse. L’un de mes anciens étudiants, Denis Ruellan, a d’ailleurs publié il y a longtemps déjà un livre intitulé “Le professionnalisme du flou”, qui soulignait les paradoxes d’une profession structurée dans ses pratiques, mais floue dans ses contours sociologiques.

 Le blog penestin-infos a trouvé ses lecteurs. Les statistiques font apparaître des chiffres en augmentation : en moyenne 180 lecteurs et 600 « lectures » par jour. Chaque article est lu, selon sa nature, entre 100 et 850 fois. Et j’apprécie plus que tout la rencontre avec des personnes qui me font part de leurs réactions ou de leurs suggestions… ou qui me reprochent la longueur de mes articles, voire parfois ma difficulté à faire abstraction de mes convictions personnelles sur le projet de parc Loscolo.

Je conçois qu’une période électorale suscite un peu de fébrilité. Je gère pour le mieux les diverses situations au fur et à mesure qu’elles se présentent. Je viens de proposer aux trois candidats aux Municipales de réaliser un portrait de chacun d’eux afin de mieux les faire connaître aux Pénestinois. Faire preuve d’esprit critique est inhérent à la presse dans ce qu’elle a de meilleur depuis le 18e siècle. Je ne vais pas vous citer à nouveau Kant, comme je l’ai déjà fait, mais plutôt Albert Londres qui utilisait la première personne quand il s’agissait de raconter le bombardement de la cathédrale de Reims en 1914… ou les conditions de vie scandaleuses au bagne de Cayenne. Camus, grand journaliste autant qu’écrivain, est aussi pour moi une source d’inspiration permanente.

Si vous avez des réactions ou des questions suite à cet article, j’y répondrai très volontiers dans les « commentaires ».

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