L’accueil des réfugiés ukrainiens : et concrètement, à l’échelle de la commune, comment on va faire ? (2 / 2)

Dans une première partie, j’ai présenté les données sur l’accueil des Ukrainiens dans le département et le rôle des différents organismes appelés à intervenir : la DDETS (direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités à la Préfecture du Morbihan), l’agence Soliha et l’association Criollia. Le souci majeur s’était révélé être celui du nombre important des « ruptures d’hébergements », lorsque soit les hébergeurs, soit les réfugiés, souhaitent mettre fin à leur cohabitation. J’ai terminé en émettant quelques hypothèses sur les raisons qui mènent à ces situations d’échec.

Dans ce second texte, je vais poursuivre cette analyse en m’efforçant de fournir partout où cela sera possible un maximum d’exemples et de propositions concrètes. Je précise à nouveau que ce texte n’est pas à caractère journalistique, puisque je suis partie prenante du sujet abordé, mais aussi parce que les réflexions qui vont suivre relèvent d’une expertise en sciences sociales et interculturalité acquise en tant que membre d’un labo de recherches universitaire spécialisé, le CRINI (centre de recherches sur les identités nationales et sur l’interculturalité) à l’université de Nantes. En mentionnant cette dimension qui range ce texte dans une catégorie de discours d’autorité, je vous adresse un seul conseil : comme pour tout discours d’autorité, exercez votre esprit critique !

Les questionnaires ne débordent pas d’imagination

L’une des étapes clés de l’accueil des réfugiés ukrainiens est celle de l’« appariement », qui consiste à choisir quels réfugiés iront dans quelle famille d’accueil. C’est l’association Coallia qui a la charge de cette mise en relation, en s’appuyant sur la sélection de logements réalisée par l’agence Soliha. Je n’ai pas obtenu de l’association Coallia toutes les informations que je souhaitais, mais selon ce que l’on peut constater lorsqu’on répond soi-même aux questionnaires en ligne (« démarches-simplifiées.com »), cette mise en relation repose sur un nombre d’éléments assez limité : des informations de base sur le logement, la durée de sa disponibilité, la présence ou non d’un accès handicapé, puis une rubrique où l’on nous invite à apporter des « informations complémentaires ». Le sous-titre indique : « langues parlées, matériels pouvant être mis à disposition des enfants en bas âge, animaux de compagnie acceptés… »

Voilà qui ne déborde pas vraiment d’imagination. On aurait pu ajouter, pour les familles d’accueil, mais aussi pour les réfugiés afin de faciliter leur mise en relation : le niveau d’études, l’origine géographique (ville ou campagne, loisirs de type urbain / rapport à la nature), l’appartenance socio-culturelle, le mode de vie (relative autarcie dans un appartement urbain ou grande maison ouverte sur l’extérieur et recevant de nombreuses visites), les activités susceptibles d’être partagées (musique, jardinage, pêche, chasse, bateau…)

En lisant ce qui précède, vous avez dû remarquer : 1) que je ne suis pas spécialiste de la conception de questionnaires, et2) qu’il n’est en fin de compte pas tellement souhaitable de rendre les questionnaires trop précis. On risque vite de tomber dans le travers d’une sorte de sélection sur catalogue. Ou même de reproduire un modèle plus ou moins équivalent à celui des tests d’affinités sur les sites de rencontre ! Or, ces sites donnent de la rencontre une vision déformée, inversée, même, à la limite. Une rencontre, cela ne signifie pas trouver un « alter ego », ni dresser une liste prédéterminée de critères auxquels il doit satisfaire. Une rencontre, cela signifie au contraire que l’on se confronte à la différence, à l’altérité, dans un contexte qui fait la part belle au hasard, à la surprise et à l’inattendu (voir Alain Badiou, Eloge de l’amour, 2009).

Des gens simples habitués à privilégier ce qui est familier par rapport à la nouveauté

D’un point de vue pratique, on peut essayer d’imaginer comment se passerait par exemple la cohabitation entre des hébergeurs définis en termes naïfs comme des « gens simples », retraités, passant beaucoup de temps devant la télévision, sortant peu, habitués à privilégier dans toutes sortes de domaines (cuisine, déco, jardin, conversation…) ce qui est familier par rapport à ce qui est nouveau, et des réfugiés cultivés et cosmopolites relevant d’une catégorie sociale dite « supérieure » ou « moyenne-sup ». Réponse selon moi : cela se passerait sans doute très bien alors que les uns et les autres ne se correspondent sur aucun critère. Une curiosité réciproque leur permettrait de s’entendre plutôt bien pendant assez longtemps. Finalement, on en vient à se demander à quoi sert le questionnaire !

Et l’inverse ? Hébergeurs de niveau socio-culturel élevé et réfugiés « simples » ? Sans doute mal ! Je suppose que le manque de maîtrise de certains usages par les invités, les conceptions opposées en matière de propreté et d’hygiène, l’absence de thèmes d’intérêt commun pour alimenter une conversation déjà difficile via un logiciel de traduction, auraient vite raison des bonnes volontés. Cela peut sembler caricatural : j’affine donc cet exemple en me l’appliquant à moi-même… 

Gardez le niveau culturel et descendez de quelques crans pour ce qui est du niveau social. En appliquant des souvenirs d’expériences passées, je crois que je supporterais mal que des personnes invitées chez moi monopolisent la pièce principale pour regarder la télé ou y laissent leurs enfants regarder des dessins animés (surtout avec le son !) Ou qu’elles me fassent la réflexion que si elles devaient passer comme moi plusieurs heures par jour à jouer du piano et à écrire, elles trouveraient cela ennuyeux. Ou encore qu’elles me fassent sentir qu’il serait temps que j’arrête pour aller accomplir une tâche matérielle quelconque avec eux. Vous saisissez le principe, je pense : inutile de vous dévoiler plus avant les détailsde ma vie quotidienne !

Des comportements de la part de vos invités que vous jugeriez rédhibitoires

Sans prolonger plus que nécessaire cette sorte d’« expérience de pensée », ni examiner d’autres cas possibles de décalages entre les modes de vie ou les valeurs des hébergeurs et des réfugiés, on pourrait envisager à ce stade d’ajouter deux items aux questionnaires, en leur donnant un caractère suffisamment ouvert pour qu’ils puissent inclure un large éventail de situations :

« Y a-t-il dans votre mode de vie ou dans vos habitudes des éléments que vous considérez comme vitaux pour votre équilibre et dont l’acceptation par vos invités ne souffre pas de compromis ? »

« Y a-t-il certains comportements potentiels de la part de vos invités que vous jugeriez rédhibitoires ? »

On saisit volontiers, je pense, la nécessité d’aborder en amont des questions aussi importantes. Mais la solution que je viens de proposer – ajouter deux questions aux questionnaires – n’est pas non plus très satisfaisante. Dans la pratique, il faudrait que les questionnaires passés par les réfugiés eux-mêmes au moment de leur arrivée dans le départementapportent le même type d’informations sur les limites qu’ils mettent à la cohabitation, auxquelles s’ajouteraient les« complémentaires » des items proposés aux hébergeurs. 

Mais tout cela a-t-il un sens, alors que cette cohabitation est censée avoir lieu dans un contexte interculturel, les uns se trouvant chez les autres en pays étranger ? Et peut-on poser ce type de questions à des personnes qui arrivent d’un pays en guerre (et ont peut-être passé des jours et des nuits dans la promiscuité des caves pour se protéger des bombes) ? Ce dernier point rejoindrait sans doute l’objection que l’on a peut-être été tenté de me faire : nous sommes dans le cadre d’une gestion de l’urgence. 

Une discussion argumentée débouchant sur une forme de contractualisation

A l’issue de cette discussion, je dirais que le questionnaire n’est pas la seule technique imaginable, ni sans doute la meilleure. Il pourrait être utilisé comme un outil d’appoint, en complément d’autres techniques de recueil d’informations.Pourquoi ne pas envisager, par exemple, une voie plus complexe, mais plus naturelle : celle d’un processus de négociation entre les deux parties qui s’apprêtent à cohabiter ? Ou même un dispositif de médiation. Le recueil d’informations y seraittoujours présent, mais la prise de décision se ferait dans le cadre d’une discussion argumentée et déboucherait sur une forme de contractualisation ?

Ne me dites pas que cela est trop complexe, irréaliste, que cela coûterait trop cher, prendrait trop de temps… Le système actuel prend aussi beaucoup de temps pour un rendement qui n’a pas fait ses preuves. Lorsque l’on réfléchit sur un sujet, il y a une étape dont le nom savant est l’heuristique, qui consiste à agiter des idées, à ouvrir des portes, à jeter des ponts, plutôt qu’à ériger des murs et des barrières. Cette étape réclame une grande liberté : il sera toujours temps ultérieurement d’étudier les ajustements ou les panachages nécessaires pour se plier aux réalités.

J’en resterai là sur le sujet des questionnaires, en espérant que la méthode que j’ai choisie pour « agiter des idées » aura suscité chez les uns et les autres quelques réflexions. Je vais à présent me consacrer à un autre aspect, situé plus en aval, de la cohabitation entre les hébergeurs et leurs hôtes : celui des facteurs qui font courir un risque d’échec de cette relation. 

Ici, il faut placer au premier rang la question de l’argent. Un réfugié touche 6,80 euros par jour et 3,40 euros par personne supplémentaire. Les ressources d’un adulte accompagné d’un enfant sont de 306 euros par mois. Ajoutez à cela les retards dans les versements. Un réfugié est ainsi à la charge de la famille qui l’héberge, et cette famille doit savoir qu’elle y sera de sa poche, et même de façon substantielle si l’hébergement se prolonge sur 6 mois minimum, comme le souhaite l’administration, et dans une période déjà marquée par l’inflation et la hausse des prix de l’essence, du gaz et de l’électricité. 

La question de l’argent constitue une véritable gageure

Pour une famille d’accueil, c’est une véritable gageure. Le plus souvent, elle ne découvrira cette situation que lorsque ses hôtes seront déjà installés chez elle. A elle d’improviser et de trouver des solutions. Mais l’argent ne se définit pas seulement comme une quantité, suffisante ou insuffisante : c’est un symbole que l’on interprète, et ce d’une façon souvent différente les uns des autres. Il intervient dans la construction de l’image de soi (et de celle des autres). Une réflexion maladroite peut atteindre profondément nos interlocuteurs dans ce qu’ils ont de plus précieux, leur dignité. Un non-dit peut produire le même résultat. Or, nous Français, avons fortement tendance à multiplier les non-dits, justement, lorsqu’il est question d’argent…

J’ignore quels sont les comportements et les ressentis des Ukrainiens dans le domaine de l’argent. Ce qui est probable, c’est que dans le contexte de leur statut de réfugiés probablement sans travail et dépendants d’une maigre allocation, ils seront sûrement très gênés, très embarrassés de représenter ainsi une charge pour leurs hôtes. Ils seront attentifs à toutes les dépenses et, même s’ils ne disent rien, toutes ces situations leur seront très pénibles. Il faut aussi garder à l’esprit qu’ils ont été fragilisés par les épreuves subies. Il faudra à tout prix éviter de laisser se développer dans votre « discours intérieur » un ressentiment vis-à-vis d’eux, comme vous le feriez face à des amis qui vous sembleraient, de façon quasi systématique, ne pas arriver à atteindre leur carte bleue dans son étui ou leur porte-monnaie dans leur sac à main au moment de payer.

Ne vous autorisez aucune différence de traitement entre vous et eux. Symboliquement, ce serait considérer qu’ils n’ont pas les mêmes droits que vous. Ils ne sont pas responsables de l’invasion de leur pays, ni d’avoir échappé, parfois de peu, à la mort et de se retrouver à présent en exil, dépendants de règles fixées par l’administration française. C’est vous qui vous êtes proposés pour être mis en relation avec eux, en sachant (ou au moins en imaginant) que vous seriez ainsi amenés à subir certaines conséquences d’un état de guerre : vous ne risquez pas votre vie, mais vous êtes touché au portemonnaie. Il faudra faire, obligatoirement, certains sacrifices. Ne vous achetez pas une tablette de chocolat en cachette. N’allez pas faire les soldes sans eux, et si vous contribuez au remplacement du vieux pull qui les suit depuis Kharkiv, soyez d’une absolue discrétion, minimisez la portée des cadeaux que vous êtes amenés à leur faire. 

Ne cherchez pas à savoir quel usage ils font de leur argent : ils ont le droit d’offrir un petit plaisir à leur enfant sans vous en demander la permission, cela les infantiliserait eux-mêmes. Ils ont même le droit de faire une ou plusieurs dépenses qui vous apparaîtront irrationnelles : nous avons tous une part d’irrationnel dans l’usage que nous faisons de notre argent, et eux, de surcroît, se trouvent dans un pays étranger où ils font comme tout un chacun l’expérience de perdre ou de gaspiller de l’argent parce qu’ils ne maîtrisent pas encore certains usages. Enfin, dans la situation psychologique qui est la leur, ne les privez pas plus qu’ils ne le sont déjà de cet antidépresseur efficace que sont certaines dépenses, qui ne servent souvent à rien d’autre qu’à cela…

Un réseau de voisins et d’amis pour vous offrir des œufs, des légumes, des poissons

Mais alors, comment on fait s’il nous faut prendre à notre charge la quasi totalité de leurs dépenses au quotidien ? D’abord, vous devrez prendre l’initiative de sortir du non-dit pour définir ensemble des règles. Je serais d’avis de fixer ensemble un forfait peu élevé, qui vous aidera un peu à assurer vos dépenses, mais dont le rôle principal sera de permettre à vos invités de moins culpabiliser. Ensuite, vous allez devoir réduire vos dépenses. Concrètement, cela signifie renoncer à certaines d’entre elles, mais surtout cela signifie de les partager avec d’autres. Chaque hébergeur devra se constituer un réseau de voisins et d’amis susceptibles de lui offrir des œufs, des légumes, des fruits, des poissons, des coquillages, etc., puisque nous avons la chance de vivre à la campagne et en bord de mer. 

D’autres voisins et amis, ou les mêmes, devraient être en mesure d’inviter de temps en temps vos hôtes à manger, ce qui, outre la répartition des dépenses, vous fait gagner du temps et vous soulage un peu de la tâche de cuisiner. Il faut bien sûr se renseigner aussi sur les aides financières qui pourraient vous être accordées s’il en existe. Et aussi, lorsque cela est possible, passer des arrangements avec des restaurants, des commerces, des associations, désireux de contribuer. 

C’est la seule solution qui me vient à l’esprit face à cette question de l’argent qui est très certainement la cause de la majorité des ruptures d’hébergements. Elle demande de se préparer à l’avance afin que le réseau soit opérationnel au moment où les invités arriveront. Je pense qu’elle contribue aussi à fournir des solutions au redoutable problème posé au niveau relationnel et au niveau symbolique par le manque d’argent des réfugiés. Désormais, les deux parties peuvent partager un projet qui leur est commun et qui aura gagné à être explicité : celui de surmonter ensemble le challenge posé par cette dimension relationnelle et symbolique elle-même du problème de l’argent ou de son absence ! 

Certains jugeront sans doute cette réflexion hors sujet, mais je ne peux m’empêcher de penser aussi au beau sujet de méditation qui s’offre aux Chrétiens, moi qui ne le suis pas, sur les formes que prend la charité au 21e siècle, une charité moins spontanée que celle de Saint Martin découpant son manteau pour le partager avec un mendiant, et beaucoup plus complexe, technique même dans ses modalités pratiques, afin de ne pas causer plus de mal que celui que l’on essaie de soulager. Mais après tout, mis à part le terme de charité, un athée ou un agnostique est conduit à s’interroger autant ou plus que les Chrétiens sur les meilleures façons d’agir et de s’engager, et sur les raisons qui conduisent si souvent à y renoncer.

Une fois la question bien formulée, les solutions surgissent souvent comme un fruit mûr

Il fallait être long sur cette question de l’argent. Je le serai beaucoup moins sur celles, plus faciles à aborder, du temps, de l’espace et de la langue.

Le temps. Si vous hébergez des réfugiés, ils devront régulièrement se rendre à Vannes vers où il n’existe pas de transports collectifs. Je me souviens du livre d’un ethnologue anglais au Cameroun, que les membres des ethnies qu’il étudiait avaient transformé en taxi, ambulance, transport de marchandises… Son récit était teinté d’une bonne dose d’autodérision. Pour ma part, je serais très malheureux si on me retirait du temps inutilement alors que j’en manque cruellement pour mes diverses activités.

L’essentiel, comme souvent, est de prendre le temps de réfléchir au lieu de penser qu’il n’y a pas de solution, voire d’accuser les autres ou de s’auto-culpabiliser parce qu’on retombe toujours dans les mêmes pièges. Puis de bien formuler la question. Les solutions surgissent alors comme un fruit mûr  : initier vos hôtes à Blablacar, solliciter un voisin qui a peut-être quelque chose à faire de son côté à Vannes, vous renseigner auprès de votre assurance sur les conditions auxquelles vous pouvez prêter votre voiture…

L’espace. Vous n’êtes pas misanthrope, mais quelques heures passées à lire, à jardiner ou sur votre bateau sont essentielles à votre équilibre. Vous en priver serait équivalent à vous priver d’oxygène. Comment protéger cet espace personnel, quasiment intime, une fois que vous aurez reconnu sa nécessité et cessé de vous culpabiliser ? Je vous laisse y réfléchir par vous-mêmes, je crois que je vous suis de moins en mois nécessaire. Faites de même sur des points comme la propreté et l’hygiène, les horaires, le bruit, etc. En définitive, si vous manquez de sujets de conversation avec vos invités ukrainiens, tout en vous interrogeant sur les façons de surmonter les non-dits qui subsistent sur de nombreux sujets, organisez donc avec eux des séances de travail (et de détente !) sur tel ou tel de ces sujets. Il me semble que cette façon de procéder est susceptible de créer des liens forts entre vous, de structurer votre relation plus sûrement que des activités qui consisteraient simplement à « passer le temps ».

Reste un dernier point qui réclame certaines précisions : la langue. L’absence d’une langue commune est un facteur qui rend tout beaucoup plus compliqué, qui empêche de procéder sur tous les sujets déjà évoqués avec le sens de la nuance que l’on jugerait indispensable. Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de pratiquer ou de tester une application de traduction gratuite du type de « Google translate », laissez-moi vous dire que cette technologie est étonnante et que sa facilité d’utilisation est bluffante. D’autres applications, il est vrai, fonctionnent moins bien. Cependant, on comprend aussi qu’à la longue, on se lasse de ces conversations assistées par une machine. La question de l’apprentissage de la langue de l’autre se pose. 

Une langue ouvre la porte à tellement d’erreurs et de confusions : faites rire vos interlocuteurs !

S’il est clair que l’on se trouve en France et que les réfugiés ont plus de raisons d’apprendre le français que leurs hébergeurs en ont d’apprendre l’ukrainien ou le russe, il serait pourtant souhaitable d’appliquer ici le même principe de réciprocité que l’on a rencontré à propos de l’argent par exemple. Pour cela, il faudrait se convaincre que l’apprentissage, même très partiel, d’une langue, n’a rien d’une corvée comme un prof d’allemand a pu vous le faire croire au cours de votre bien lointaine scolarité. Chaque langue a quelque chose de charnel. Elle vous ouvre, par ses rythmes et ses sonorités, un accès à l’intimité du peuple qui la parle. Soyez attentif à ces sons qui sont un entraînement pour l’oreille tout comme la pratique du chant ou d’un instrument de musique. Répétez les mots que vous entendez, non pas avec la distance ou le quant-à-soi d’un lourd accent français censé vous protéger contre… Contre quoi, à propos ? Procédez par imitation, reproduisez les sons, comme le fait un bébé. 

Dans un premier temps, vous pouvez répéter les bouts de phrases que votre portable a traduits. Il les répétera autant de fois que vous le souhaiterez, et si à la longue vous en venez à vous lasser de cette médiation par un « outil », le moment viendra où vous commencerez à prononcer vous-mêmes les phrases les plus courantes. Ne sollicitez pas votre mémoire, laissez-la tranquille ! Apprendre une langue n’est pas une affaire de mémoire au sens où l’on apprendrait par coeur des mots, des conjugaisons, etc. 

Apprendre une langue est uniquement affaire de répétition. Un mot est prêt à être retenu lorsque vous le rencontrez pour la 8 ou 10e fois. C’est un processus très passif, et dont le rythme ne peut pas tellement être accéléré. Une affaire de patience où les mots, phrases, nouveautés diverses que vous rencontrez, prennent place peu à peu dans un coin de votre cerveau jusqu’à devenir des automatismes. Votre cerveau, justement, a la capacité d’apprendre des dizaines de langues, indépendamment de votre âge ou de votre expérience : il faut juste le lui demander…

Dernier point sur lequel je veux insister : il n’y a rien de plus drôle que l’apprentissage d’une langue lorsque cela se fait en situation, avec des locuteurs de cette langue. La langue vous offre tellement d’occasions de faire des confusions, des erreurs, des maladresses !! Autant qu’elle est capable de produire des jeux de mots. Alors, trompez-vous, faites rire vos interlocuteurs ! Et accentuez cet aspect de l’acquisition d’une langue : son caractère ludique. Transformez chaque situation en jeu, il en existe des dizaines, de toutes sortes, et vous pouvez en inventer autant que vous le souhaitez : imaginez, aucune langue n’est banale. Elle est la matière première des poètes et des humoristes…

I have a dream, comme Martin Luther King : que depuis chaque maison où seront hébergés des réfugiés ukrainiens, on vous entende rigoler à 100 mètres à la ronde !

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