Nous avons maintenant nous aussi un « sécateur-maire »

De 1983 à 1989, M. Michel Chauty a été maire de Nantes. Il en a chassé toutes les associations culturelles (théâtre, musique…) sous des prétextes divers et elles se sont réfugiées dans les villes environnantes. On appelait à l’époque M. Chauty le « sécateur-maire », car il était aussi sénateur. En 1989, à l’arrivée à la mairie de Nantes de M. Jean-Marc Ayrault, les associations sont revenues et Nantes a connu une croissance poussée par la culture dans les années qui ont suivi.

M. Puisay n’est pas sénateur. Mais vu les circonstances exceptionnelles, nous lui décernons aussi ce titre de sécateur-maire.

Reprenons. Le relevé de décisions du conseil municipal du 8 avril 2024 (https://www.penestin.fr/fileadmin/PENESTIN/Conseil_municipal/Délibérations/2024/RD_08.04.2024.pdf ) est consultable par tout un chacun sur le site de la mairie (penestin.fr).

Le point 11 indique : « attribution des subventions 2024 aux associations ». Deux associations, le Collectif pour Pénestin (CPP) et l’association pour la Sauvegarde du Patrimoine de Pénestin (SPP) se voient refuser une subvention au motif suivant :

Le CPP a protesté dans un article de son blog : https://sites.google.com/view/collectif-pour-penestin/accueil . M. Boccarossa a protesté sur penestin-infos en date du 3 mai pour le SPP.

Le refus voté par le conseil municipal est motivé par le non-respect des articles 4 et 5 du contrat d’engagement républicain (CER), qui compte un total de 7 engagements (voir https://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/faq_cer_fevrier_2023_vf.pdf )

Voici le texte des engagements 4 et 5.

Engagement n°4 : Égalité et non-discrimination

Le principe d’égalité et de non-discrimination impose de ne pas opérer de différences de traitement qui ne reposeraient pas sur une différence de situation objective en rapport avec l’objet statutaire de la structure concernée. (…)

Engagement n°5 : Fraternité et prévention de la violence 

L’engagement à prévenir la haine s’entend comme le fait, pour une structure, tant dans le cadre de son activité, de son fonctionnement interne que de ses rapports avec les tiers :
– de ne pas provoquer à la haine ou à la violence envers quiconque ;
– de ne pas cautionner de tels agissements ; 

– de rejeter toutes formes de racisme et d’antisémitisme. 

Ainsi, porte une atteinte à cet engagement le fait pour un dirigeant, salarié, bénévole ou membre d’une association de tenir, au nom de l’association, des propos racistes ou antisémites ou provoquant à la haine ou la violence. (…)

L’engagement 4 a pour but d’empêcher la discrimination parmi les membres d’une association ou les personnes souhaitant y adhérer.

L’engagement 5 fait référence à des appels à la haine, pouvant prendre notamment la forme de propos racistes ou antisémites.

Le point 11 du conseil municipal justifie dans les deux cas le refus de subvention par l’argument suivant : « mise en cause des élus en poste ».

Questions :

– Y a-t-il un rapport entre l’argument donné par le conseil municipal pour refuser les subventions et les engagements 4 et 5 du Contrat d’engagement républicain ?

O oui – O non

– Si vous avez répondu non, qu’est-ce que cela signifie de la part de la mairie ? 

Cela signifie qu’elle détourne une loi de son sens qui était de défendre les principes de laïcité de la République. (Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Le contrat d’engagement républicain est annexé au décret pris pour l’application de l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.) La mairie donne à cette loi un autre sens qui est de bannir toute possibilité de critiques contre la majorité hors les structures explicitement partisanes. 

– Est-ce grave ?

Oui, car elle attaque la démocratie au nom de la République : il n’y a pas de démocratie sans un débat libre et non contraint entre différentes opinions. Elle restreint le champ de ce débat en en excluant toutes les structures à caractère associatif. Et elle attaque par ailleurs les principes de la République, dont font partie la liberté d’expression et la liberté d’association, alors qu’elle prétend « défendre » la République. Elle se pose en facteur de confusion.

– Est-ce « ridicule » ?

Oui, c’est ridicule ! Supposons que la mairie soit soumise aux mêmes règles que les associations, ce qui n’a rien d’absurde, puisqu’elle est supposée elle aussi défendre la laïcité et les principes de la République. Comment fallait-il envisager la vente du presbytère à l’évêché qui a suscité la création de la SPP ? Cette vente allait contre l’intérêt général, qui est un principe républicain (en 4 ans, la mairie n’a pas encore créé de logements sociaux ; des jeunes travaillant à Pénestin ne peuvent pas s’y loger). Elle constituait une faveur accordée à l’évêché. Où est la laïcité ? Les Pénestinois ne s’y sont pas trompés, dont 830 ont signé une pétition contre cette vente. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Ridicule et paradoxal : il faut être sacrément (oh ! Pardon !) gonflé pour utiliser maintenant une loi de défense de la laïcité contre ceux qui l’ont défendue contre elle…

1 commentaire sur “Nous avons maintenant nous aussi un « sécateur-maire »”

  1. Ces deux exemples m’en rappellent un troisième personnellement vécu en 1984 ; alors président d’une association patrimoniale connue sur le pays vannetais (et au delà) j’avais été candidat aux municipales de 83 en 3ème place (donc susceptible d’être élu) sur une liste réunissant « associatifs+écologistes » se présentant contre celle en place (à droite) et la traditionnelle à gauche. Ayant déjoué tous les pronostics – au grand dam de la seconde à qui on avait piqué des voix, et ayant réussi à avoir un élu (presque 2) -, nous avions continué à être « l’empêcheur de tourner en rond » en dénonçant notamment un gaspillage financier sur une prétendue « animation culturelle estivale » qui avait quand même coûté la bagatelle de 60 « bâtons » de l’époque aux Vannetais…. compris les régalades d’après-coup.
    Lors des obtentions des subventions l’année suivante, nous eûmes la surprise de découvrir, et sans qu’aucune explication ne nous soit évidemment donnée, que celle, confortable, habituellement allouée à notre association avait été diminuée de 50% ! (ce qui n’était pas rien dans notre budget). Une indiscrétion nous fit savoir que lors de la réunion de la commission ad hoc, l’adjointe à la culture de l’époque avait déclaré pour nous : « nous n’allons pas donner d’argent à des gens qui sont contre nous » … cette personne n’ayant ainsi eu comme argument que de faire la confusion entre l’asso (qui n’y était pour rien) et moi. Ce qui était là aussi ridicule mais surtout une preuve de grande faiblesse. L’asso surmonta cette épreuve financière et a même réussi, 40 ans plus tard, au-delà de nos espérances de l’époque. Quant à cette « charmante » dame (qui ne brilla d’ailleurs pas comme adjointe, étant souvent au ras des pâquerettes), elle n’est plus en poste depuis longtemps. Comme quoi, il ne faut pas désespérer des épreuves du moment qui peuvent paraitre injustes : car les élus passent et parfois beaucoup plus vite qu’ils ne le pensent… !

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