Plus personne ne parle du projet de Parc conchylicole de Loscolo. Est-ce à dire que l’affaire est bouclée ? Ou au point mort ? Abandonnée ? Non, ça non, n’allez surtout pas imaginer cela. Vous allez vite comprendre qu’il se passe en fait beaucoup de choses et que le dossier Loscolo est loin d’être bouclé !
Petit résumé : la deuxième enquête publique s’est achevée le 18 mars. Le commissaire enquêteur a remis un avis favorable le 23 avril, tant pour l’autorisation environnementale en vue de défricher les 8,5 hectares de friche que pour celle d’utiliser le domaine public maritime afin d’installer des canalisations et des stations pour le pompage d’eau de mer et son rejet après utilisation sur la plage du Maresclé.
Le coût élevé des opérations de renaturation
L’avis favorable était assorti de deux réserves. La première : « prévoir l’acquisition (par les collectivités locales) des terrains délaissés et leur renaturation après démolition des infrastructures existantes », ce qui, comme je l’indiquais dans l’article du 23 avril intitulé « Le commissaire enquêteur émet un avis favorable pour la réalisation du parc conchylicole de Loscolo », ne manquera pas de créer des difficultés du fait que certaines entreprises envisageaient de les conserver, même si elles acceptaient de déménager à Loscolo. Le colloque récent organisé à Nantes par le département de Loire Atlantique sur le « zéro artificialisation nette » (cf. article « Un colloque sur la préservation des terres naturelles et agricoles » du 18.6) soulignait d’ailleurs le coût élevé des opérations de renaturation, qui n’a pas été chiffré dans le projet Loscolo.
La deuxième : créer un Comité de suivi du projet auquel participeraient l’association des Amis de Mès et Vilaine et l’Association des usagers du mouillage du Maresclé. Le recrutement de représentants des riverains par la Mairie et Cap Atlantique entamé durant la deuxième quinzaine de mai est toujours en cours.
Avis favorable aussi pour l’utilisation du domaine public maritime avec comme première réserve l’obligation faite à Cap Atlantique de remettre en état le chemin d’accès à la plage « sous lequel sont prévus d’être enterrés les réseaux de canalisations hydrauliques et câbles électriques nécessaires aux dispositifs de captage et rejet d’eau. » Et comme deuxième réserve, la recommandation d’utiliser des roches naturelles à la place du béton pour les enrochements protégeant les stations de pompage et de rejet.
C’est le préfet du Morbihan qui prendra la décision définitive… pour un projet dont la maîtrise d’ouvrage a été transmise de Cap Atlantique à Loire Atlantique Développement. D’ailleurs, ce midi, une délégation d’une dizaine de personnes a effectué une brève visite des lieux, 5 minutes environ, sur la plage du Maresclé.
Le délai est dépassé et le préfet… vient d’être muté
Le préfet disposait en principe d’un délai de deux mois pour ce faire. Il peut suivre ou ne pas suivre l’avis donné par le commissaire enquêteur. Aujourd’hui, le délai est dépassé, et le préfet… vient d’être muté en Seine-et-Marne par décision du dernier conseil des ministres ce mercredi 10 juillet. Il sera remplacé par M. Patrice Faure, préfet de Guyane ces trois dernières années. Cet ancien militaire a dû gérer les questions délicates de l’orpaillage clandestin qui rejette de grandes quantités de mercure dans les cours d’eau. Gageons qu’il ne tardera pas à comprendre les arcanes d’un dossier comme celui de Loscolo.
Selon Ouest France, la passation de pouvoir doit intervenir « dans les prochaines semaines ». Le préfet actuel, M. Raymond Le Deun, aura-t-il pris d’ici là un arrêté autorisant le projet Loscolo ? C’est possible… mais pas sûr ! Le dossier est passé devant le « CoDERST » la semaine dernière. Le Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques est un organisme consultatif qui a remplacé en 2006 le comité départemental d’hygiène et qui se réunit une fois par mois sous la présidence du préfet afin de lui fournir un avis sur les dossiers ayant un rapport avec l’environnement et les risques sanitaires.
Ce comité a donné la semaine dernière un avis favorable au projet Loscolo, mais assorti de demandes auxquelles Loire Atlantique Environnement dispose de 15 jours pour répondre. Cela nous renvoie donc à la semaine prochaine et le préfet, actuel ou futur, peut, là encore, suivre ou ne pas suivre l’avis de cette commission.
Une mobilisation générale pour la protection de la biodiversité
Le préfet Le Deun a reçu ces deux derniers mois plusieurs courriers émanant de citoyens de Pénestin, qui attirent son attention sur les déclarations du président de la République le 6 mai dernier, suite à la remise du rapport sur la biodiversité de l’IPBES (Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques). Emmanuel Macron réclamait une mobilisation générale pour la protection de la biodiversité, alors qu’on annonce la disparition d’un million d’espèces au cours des prochaines années. Le mot d’ordre est désormais celui du « zéro artificialisation nette », ce qui signifie que l’on cesse totalement de bétonner ou bitumer des terres agricoles, naturelles ou forestières, et qu’un nouveau projet devra logiquement se faire sur des terres déjà artificialisées. Il s’agit là d’un fait nouveau d’importance depuis la fin de l’enquête publique et qui est susceptible d’en invalider les conclusions.
Par ailleurs, ces courriers pointent les manquements graves de l’enquête publique menée par M. Zeller à Pénestin vis-à-vis des règles inscrites par la loi : conclusions qui contredisent les avis très majoritairement exprimés par les personnes consultées ; absence d’une étude sérieuse des localisations alternatives par rapport au site de Loscolo alors qu’une telle étude est obligatoire. Bien entendu, ces courriers ne se positionnent pas « contre » les intérêts des mytiliculteurs : ils proposent la tenue d’Assises de l’avenir de la mytiliculture à Pénestin afin de réunir tous les intéressés autour d’une table et de traiter enfin de façon pragmatique et raisonnable les questions de la modernisation de la mytiliculture. En conclusion : les acteurs professionnels et associatifs de Pénestin sont capables de porter rapidement un nouveau projet.
Dans une réponse datée du 11 juin, le préfet Le Deun disait « avoir pris connaissance avec attention des arguments » développés à propos de l’enquête publique. La décision, désormais, ne saurait tarder.
un film plastique pour empêcher les batraciens de pénétrer dans la friche
Le maître d’ouvrage prévoit dès la fin du mois de juillet d’entourer la friche de Loscolo d’un film plastique afin que les batraciens ne puissent plus y pénétrer. Cela afin de faciliter les opérations de défrichement. Le coût en serait d’environ 20 000 euros. La date prévue pour ce défrichement n’est pas clairement connue. Certains travaux prévus en septembre allée des Courlis afin d’enfouir les canalisations entre la plage du Maresclé et le parc Loscolo ont été reportés à plus tard. Par ailleurs, le projet d’un rond-point face à l’entrée principale du Maresclé est en cours d’élaboration. A cet endroit devraient en effet se croiser en été les tracteurs rejoignant le parc et les nombreux vélos et piétons circulant entre les campings et la plage. Le coût de cet aménagement, sauf erreur à la charge de la municipalité, n’a pas été évalué jusqu’à présent.
Les opposants au projet, considérant que celui-ci entraînerait Pénestin à contre-courant d’un nécessaire engagement contre le réchauffement climatique et pour la protection de la biodiversité, fourbissent leurs armes. L’association Cappenvironnement mènera prochainement des actions de sensibilisation auprès de la population et des vacanciers. Un ouvrage intitulé « Pénestin : main basse sur Loscolo » est sous presse et sera en vente à la fin de la semaine prochaine.
Par ailleurs, dans l’hypothèse où le préfet signerait un arrêté favorable au Parc Loscolo, s’ouvrirait le temps des recours. Les associations et les particuliers disposent de deux mois pour contester l’autorisation environnementale et de 4 mois celle d’utilisation du droit public maritime. Certains s’y préparent déjà. On considère souvent qu’une saine gestion réclame de laisser passer ce temps des recours avant d’engager des travaux au risque de devoir les interrompre et de gaspiller inutilement l’argent public. Affaire à suivre.
Un post apparemment bien informé. Merci pour cet utile update.