Pénestin la Bretonne se fait irlandaise pour la Saint Patrick

Une Saint Patrick, cela se passe rarement au sec. Que ce soit côté météo, ou côté boissons ! Et autant à Dublin qu’à Pénestin (ça, c’est pour la rime !) Mais il y faut des musiciens endurcis. « On est tout-terrain ! », rigole Clément, le guitariste, après avoir rejoint l’intérieur de l’Annexe les doigts gourds et s’être installé dans un angle, coincé entre Marie, la violoniste, et le mur. Brewen, qui manie les whistles (sortes de flûtes) et la cornemuse est aussi frigorifié, mais cela agrandit son sourire.

Leur groupe s’appelle Coaltar. Ils ont entre 25 et 28 ans, tournent dans toute la Bretagne, ont tous vécu en Irlande, joué avec des musiciens du cru. Bref, ce sont des passionnés. Ils aiment Tréhiguier et l’Annexe, car le public y est réactif et sait écouter. Hier soir à Brest, l’ambiance n’était pas la même. Il est vrai que le public d’ici s’est formé grâce à la qualité de la programmation proposée par Lili, la patronne, qui mobilise tous ses réseaux pour sélectionner les meilleurs groupes.

Un style empreint de folk british

Revenons sur les musiciens. Clément joue de la guitare dans un style empreint de folk british qui donne au groupe une partie de sa couleur. Il pratique aussi le concertina, un petit accordéon typique de la musique irlandaise et à la sonorité chaude. Marie joue du fiddle, le violon populaire des musiques celtiques, mais ne croyez pas qu’elle le fait crisser comme les crincrins qu’on entend parfois. Elle a fait le Conservatoire et cela s’entend ! La justesse, le rythme, l’acuité, tout est là.

Brewen pratique les instruments classiques de la musique trad. Il joue du uilleann pipe, la cornemuse irlandaise, qui comporte un soufflet qu’on place sous le coude (d’où son nom en gaélique où uille = coude) et qu’actionnent les mouvements du bras, une « poche », comme toutes les cornemuses, et une chanterelle emboitée dans la poche, dont on joue comme d’une flûte. Les mélodies entraînantes sont jouées à l’unisson du fiddle ou parfois à la tierce. De même pour le tin whistle, littéralement « sifflet d’étain ». Tiens, cela sonne comme Pénestin, et pour cause ! Et puis aussi le low whistle, plus long et au son plus grave.

Des sonorités qui ne dépareraient pas dans un pub de Limerick

Je vous disais que l’Annexe compte un public de connaisseurs. D’ailleurs, au bar, certains entonnent les airs de Coaltar avec un entrain et des sonorités qui ne dépareraient pas dans un pub de Limerick. Oui, mais un jour de Saint Patrick, après quelques heures à siroter les bières et les vins amoureusement sélectionnés par Lili, les sourires s’élargissent, la démarche devient hésitante, les embrassades sont fougueuses, les phrases s’ébouriffent. Les musiciens ne se départent pas de leur calme. Ils boivent du coca ! Il faut être très fort pour jouer en partageant l’ivresse de son public, quelque sens que l’on donne au mot ivresse.

Marie, Clément et Brewen me font penser au joueur de flûte de Hamelin. En 1284, le maire de Hamelin promet au joueur de flûte 1 000 écus s’il débarrasse sa ville des rats qui l’ont envahie. Puis les habitants le chassent à coups de pierres. Il revient et attire les enfants de la ville vers la rivière où ils se noient. Les interprétations de ce conte des frères Grimm sont nombreuses et vont jusqu’à y mêler les travers de la politique locale… Mais la musique d’Irlande, ce beau pays tout vert, est une musique qui bat comme un cœur et qui tourne comme une toupie. Les musiciens y sont des sortes de magiciens qui précipitent avec un sourire tranquille des guirlandes de danseurs et de buveurs dans des rondes sans fin. Ce dimanche, Pénestin la Bretonne était devenue un morceau d’Irlande.