« Pénestin, main basse sur Loscolo » en vente au prix de 12 euros

C’est un objet rare, un petit livre de 80 pages, à couverture souple, format A5, largement illustré, tiré à 50 exemplaires seulement. D’autant plus rare qu’il a pour objet Pénestin et son projet de parc conchylicole de Loscolo. Un ouvrage militant, qui soigne l’esthétique. Un ouvrage à charge, mais qui ne sombre à aucun moment dans les stéréotypes des discours partisans. Au lieu de cela, il manie l’humour, la métaphore, et s’attache à la qualité d’écriture et d’illustration autant qu’au fond.

« Il y avait de quoi déprimer, tellement les deux enquêtes publiques étaient verrouillées, nous explique Edwige. La parole des Pénestinois a été noyée au milieu des contributions institutionnelles dans la première enquête. Puis purement et simplement niée, dans la deuxième, par un commissaire enquêteur qui s’est permis de disqualifier leurs contributions, trop floues et pas assez argumentées à son goût. On s’est demandé quoi faire, car le sujet était important. Ce projet, s’il voit le jour, urbanisera 8,5 hectares sans compter les voies d’accès, au moment même où se développe une prise de conscience des dangers qui pèsent sur la biodiversité et où le gouvernement envisage une loi pour imposer le ‘zéro artificialisation net’. On ne peut pas se contenter de subir, il faut faire quelque chose, il faut s’engager de façon concrète. C’est ainsi qu’est née l’idée de ce livre. Chacun devrait prendre ce genre d’initiative dans les domaines qui lui tiennent à cœur. »

« un engagement citoyen »

Edwige a avancé de sa poche les frais d’impression. Elle ne sera remboursée que si 40 exemplaires de ce livre sont vendus à 12 euros l’unité. C’est pour elle « un engagement citoyen ». L’ouvrage est en vente depuis hier au Bateau Livre, chez Carrefour Market (1) et auprès de l’association Cappenvironnement qui a rédigé l’introduction.

L’ouvrage se poursuit par un « Hommage à la friche » qui décrit le sort des animaux « expulsés » de la zone de Loscolo lorsqu’aura / aurait lieu le défrichement, dès octobre prochain au cas où le préfet prendrait un arrêté pour l’autoriser : « Ils ne savent pas qu’ils vont être expropriés, sans aucune indemnité et sans dédommagement. L’huissier a bien placardé des affiches aux quatre coins du terrain, mais aucun d’eux ne sait lire. Il n’y aura pas de car de CRS pour les déloger, mais pas non plus l’ombre d’une organisation humanitaire. Le bruit des engins de défrichement suffira à les faire fuir, mais les nids, les larves et les œufs resteront sous les roues des camions. »

Vient ensuite la partie centrale du livre, un Cahier botanique composé de 15 textes écrits de manière plaisante. Chacun est consacré à une plante ou à un arbuste, avec l’histoire de son implantation dans la région, ses usages dans la vie quotidienne (médicinaux, culinaires) et les références littéraires qui lui font honneur. Un cahier bien utile pour tous ceux qui souhaitent mieux connaître la flore de nos côtes et de nos landes. Nombre de ces textes ont paru auparavant dans le présent blog.

Puis pour conclure, on trouvera le poème « Loscolo morne plaine » composé par Paul Daulon, et un texte à l’humour grinçant, « Vous reprendrez bien un criquet ? », qui évoque ce moment où nous aurons fini de saccager la planète : « Il n’y aura plus de moules, nous mangerons des criquets, une serviette humide sur les épaules pour se rafraichir, pour ceux qui auront la chance d’avoir de l’eau. »

Une approximation à propos du périmètre des études

On pourra reprocher une approximation dans la légende de la carte reproduite p. 78-79, extraite des dossiers publiés à l’occasion de la première enquête publique. Elle indique en effet « En rose, le périmètre concerné par le projet », alors qu’il s’agissait du « périmètre des études ». En tous cas, si le projet voit le jour, il n’englobera pas toute la zone teintée de rose.

Cela soulève d’ailleurs l’intéressante question de la compétence technique exigée désormais de militants amenés à intervenir dans des débats qui sont largement devenus des débats d’experts. Faut-il laisser aux experts le monopole de questions dont on pourrait dire comme Clémenceau en 1887 : «La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » La protection de la biodiversité, la qualité de vie des riverains, la modernisation même de la mytiliculture : toutes ces questions peuvent-elles vraiment être confiées à de jeunes chargés d’études certes diplômés, comme l’étaient les urbanistes des années 1950 qui ont conçu les barres d’immeubles de Sarcelles et d’ailleurs, mais peu formés à l’écoute des citoyens et peu préparés à remettre en question des dogmes déjà dépassés par la rapidité des évolutions techniques et sociales.

Les militants se forment, par la force des choses, à l’écologie, au droit et à l‘économie, tout comme les élus, bien sûr. Et tout comme les simples citoyens. A chacun de s’informer et de réfléchir. Les défis sont d’importance.

Lisez. Ce petit livre est porteur d’un message. À chacun de se faire sa propre opinion. Et à chacun de débattre et d’agir comme citoyen pour faire valoir un bien commun pas mal menacé par les temps qui courent.

(1) Rectificatif 25.7.2019 : le livre n’est pas en rayon chez Carrefour Market. Le gérant a reçu un appel lui demandant de ne pas le mettre en vente. Il semble que l’appel provenait de la mairie. Cette dernière aurait été prévenue par une personne qui a écouté ma conversation avec le gérant lorsque je lui ai déposé 4 livres. J’avais indiqué à celui-ci que la vente de ce livre chez Carrefour pouvait entraîner des réactions et qu’il n’insiste pas dans ce cas-là. En revanche, je n’avais pas imaginé qu’une fois de plus (ce fut le cas pour les panneaux accrochés le long des routes par l’association Cappenvironnement le week-end dernier), la mairie puisse s’appuyer sur un réseau de délateurs. La délation est une pratique honteuse, comme on l’apprend déjà dans les cours de récréation. Craindre la diffusion d’un livre est un aveu de grande faiblesse.

4 commentaires sur “« Pénestin, main basse sur Loscolo » en vente au prix de 12 euros”

  1. Ping : Le préfet a signé l’arrêté d’autorisation environnementale de Loscolo et ne l’annonce pas sur son site internet… - penestin-infos

  2. Est-ce qu’il n’est pas un peu facile de critiquer les architectes et concepteurs qui ont construit les ensembles de tours et de barres. Facile de simplifier et de rendre cette architecture responsable d’une mal-vie, comme il y a une mal-bouffe.

    La même politique de construction a été menée en Russie. Surprise, les bâtiments, pourtant bien moins bien construits et entretenus avec beaucoup moins d’argent ne sont en rien des foyers de délinquance ou de désespoir. Ils restent propres, non tagués, non dégradés, sinon par le temps.

    Il faut aussi se rappeler la pression extrême exercée par le retour des rapatriés d’Algérie et l’exode rural : il fallait construire très vite et sur une surface limitée. Les alternatives (cités-jardins) ne pouvaient, de loin, être construites aussi rapidement.

    On a aussi un argument a contrario. La cité de Creil, bien connue pour l’affaire du foulard, est faite de bâtiments de 4 ou 5 étages, bien construits, aérés. A l’origine destinés à une utilisation bourgeoise, ce qu’elle a été pendant vingt ans, dans le calme et l’harmonie. On sait ce qu’il en est advenu – une zone où la police ne passe que très rarement, lieu de tous les traffics. En revanche, Parly II, fait sur le même modèle, n’a pas été investi par les mêmes populations, et reste un endroit parfaitement paisible.

    Ce n’est donc pas le type d’habitat qui, principalement, engendre le trouble. Il y a bien d’autres facteurs.

    Alors de là à incriminer les urbanistes ou autres chargés d’étude, surtout s’ils commettent l’affreux péché d’être jeunes ! Vive la jeunesse, et surtout quand elle se donne la peine d’étudier ! De toute manière, ce ne sont pas eux les décideurs en l’occurrence.

    (ps : citation hors contexte de Clémenceau qui a produit cette charmante boutade quand il a refusé qu’un militaire soit nommé au ministère de la défense en 1917 : il ne critiquait en rien la compétence des militaires sur les opérations, mais leur incompétence au niveau politique)

    1. Merci, Denis, pour ces informations. Il me semble toutefois que tu te concentres sur des aspects périphériques, avec une certaine véhémence, parfois, et ne t’exprimes pas sur le coeur des sujets abordés. Les derniers articles ont été rédigés vite, dans une certaine urgence, et le message prime parfois sur la forme, en attendant de pouvoir se relire à tête reposée. Néanmoins, j’apprécie la précision et la rigueur de tes interventions et j’apprends, comme les lecteurs de ce blog je pense, souvent des choses utiles et intéressantes en te lisant.

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