Pourquoi des conflits de voisinage ?

Claude Lévi-Strauss avait élaboré une théorie de la « bonne distance » à propos des tribus de la forêt amazonienne. Si elles sont trop proches, elles se gênent, empiètent sur le territoire l’une de l’autre et multiplient les raisons d’entrer en conflit. Si elles sont trop éloignées, elles ne se connaissent pas et développent de l’hostilité l’une envers l’autre si elles se trouvent en contact, ou bien réagissent à l’hostilité supposée de l’autre, ce qui revient au même.

Dans les lotissements de nos banlieues, dans les pavillons de nos hameaux, le problème  ne vient pas de la distance, mais plutôt de ce qu’on est à touche-touche. Quand j’avais 17 ans, je jouais de la guitare électrique dans le garage avec mes copains et le voisin disait à mon père avec un air de profonde mélancolie plutôt que de reproche : « Vous savez, je n’aime pas ça ! » Et mon père : « Vous savez, moi non plus ! »

Il a considéré que chez moi, c’était un dépotoir

Mon actuel voisin, que j’appellerai M. Niet pour des raisons que certains comprendront, est reparti ce matin vers la capitale sans avoir l’idée de ramasser les branches qu’il a coupées sur un arbre qui déborde vers mon jardin par-dessus sa palissade. En un mot, il a considéré que chez moi, c’était un dépotoir. Ce ne sont que quelques branches, me dis-je, car je n’entends pas entrer dans le jeu trop classique des interactions sans fin : « il m’a fait ci », « oui, mais c’est lui qui a commencé », etc.

C’est gonflé tout de même, me direz-vous ? C’est un goujat ! Oui, c’est vrai. Il a peut-être été trop gâté dans son enfance. En tous cas, il considère que chez moi, c’est un prolongement de chez lui, du type dépôt, remise, voire chiottes… L’endroit où l’on balance ses détritus, ses déjections, en un mot ses déchets. Vous savez ce que c’est qu’un déchet ? Dé-chet : ce qui se tache et choit. Il y a une belle théorie des déchets en psychanalyse. Belle et amusante, car on ne va quand même pas se laisser abattre !

Il y a des quantités de voisins qui ont le moral dans leurs chaussettes. Ils se rongent les sangs, finissent par avoir le teint blafard à force de ressasser pendant des nuits entières les méfaits qu’ils subissent. « Il a osé. » Transgression. Manque de respect. Mépris. « Il tond à n’importe quelle heure. Déverse chez moi les odeurs de son barbecue ou de ses fours. Me bouche la vue. Etc. Etc. » Il m‘affecte sans égard pour ce que je peux ressentir. Je ne compte pas. Il se fout de moi.

Le conflit de voisinage est souvent le plus nocif de tous les conflits

Oui, c’est cela. À la base, surtout un manque de respect, de considération. Vous n’existez pas pour lui. Seule compte sa propre personne. Il est sujet, vous n’êtes qu’un objet. Alors, déjà que dans notre société, on cumule les frustrations de ce type, le conflit de voisinage est le plus « proche », le plus arbitraire, souvent le plus nocif de tous les conflits.

Buste de Marc-Aurèle, philosophe stoïcien

Que faire ? Une idée parmi d’autres : vous connaissez les Stoïciens ? Ce à quoi vous ne pouvez rien, laissez tomber. Ce sur quoi vous pouvez agir, c’est sur cela qu’il faut vous concentrer : go ! Donc effort pour différencier ce qui relève de votre action et ce qui lui échappe. Puis action, justement, là où c’est possible. Passivité au contraire, faire le gros dos, là où il n’y a rien à faire : mettez-vous un casque sur les oreilles, un bandeau sur les yeux, une capuche sur la tête…

Ou mieux que cela : méditez !! L’idéal, ce serait de tirer un bénéfice des nuisances que vous cause votre voisin. Pouvoir lui dire : Merci, honorable voisin ! Par votre infinie connerie, vous m’avez permis d’explorer les ressources insoupçonnées de mon psychisme et de ma capacité à résister au stress. Plus vous vous abaissez à vouloir me rabaisser, plus je grandis et m’épanouis grâce à vous !

Ah ! J’ai rêvé ? J’ai dû sommeiller un moment. Excusez-moi !

(Si vous souhaitez apporter des témoignages sur ce sujet néanmoins bien intéressant il me semble, utilisez les commentaires !)

4 commentaires sur “Pourquoi des conflits de voisinage ?”

  1. Appliquer la maxime “rendre à César ce qui appartient à César” et au camarade Niet ce qui lui appartient ; et donc : “et hop, par dessus le mur !”. Ce n’est effectivement pas très chrétien, … mais personne n’est obligé de croire, et c’est surtout la loi en matière d’élagage. Mais le tronc du dit arbre est-il à au moins 2.00m de la clôture ? car à moins il serait aussi dans l’illégalité.
    Ceci dit, pour remettre ces quelques branches à leur juste place, il y a un “énergumène” (? mot gentil pour ne pas évoquer le domaine médical voire psychiatrique) qui sévit depuis déjà un certain nombre d’années sur le secteur du haut Pénestin en en faisant 10 fois plus à ses voisins tout en étant lui-même dans l’illégalité.
    Ce qui amène à réfléchir sur la relativité des choses !!

  2. Restons calmes en effet, sinon nous finirons comme les voisins de l’excellent film de Norman Mac Laren, (“Neighbours”) génie de l’animation expérimentale, qui inventa et utilisa toutes sortes de techniques comme la pixillation (animation de personnages réels) utilisée dans ce film et qui alla jusqu’à graver le son directement sur la pellicule. Ce film antimilitariste est sorti en 1952. On peut le voir ici :
    https://www.youtube.com/watch?v=FimCGeVdpdA

  3. Quoi faire ?
    1: Rejeter les branches chez lui ?
    2: Mettre les branches devant son entrée sur la route ?
    3: Mettre les branches devant son entrée de maison ?
    4: Mettre les branches sur la palissade légèrement cassée (ce sont elles les responsables) ?
    5; Les emmener à la déchetterie et lui donner la facture des frais de transport (location de remorque, essence consommée ?
    6; Prendre une photo des branches et lui envoyer par courrier sans commentaire ?
    7: Couper les branches et les faire sécher pour les brûler plus tard dans la cheminée.
    geste écologique, quoique ?
    8: Ne rien faire ?
    Et pourtant il vas bien falloir s’en occuper de ces putains de branches !!!!!!

    1. Merci pour cette réponse qui me fait du bien. Je m’aperçois que vous et moi avons oublié la réponse chrétienne, qui existe aussi, en fin de compte : le pardon… Utilisable (le cas échéant) même si on est athée ! Pour moi, c’est un peu l’écriture qui fait passer le mal, mais elle ne transporte pas les branches à la déchetterie !

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