A quel moment l’idée m’en est-elle venue ? Il faudrait demander à Thierry qui m’accompagnait. Je lui en ai peut-être parlé au retour dans la voiture. A moins que l’idée ait point dans la conversation avec Laurence, Rose et Cindy qui sont venues nous y rejoindre.
Oui, nous étions tous dimanche après-midi à la salle polyvalente de Férel pour un joli événement : la troisième édition de « Lir’en Vilaine », un « festival du livre de fiction » qui réunissait 28 auteurs locaux. Mon idée ? Eh bien, comment rendre justice à un tel événement ? Comment rencontrer – je dis bien « rencontrer » – une proportion honorable de ces 28 voisins avec qui je partage le goût de l’écriture ? Il aurait fallu passer sur place la journée entière. Ou demander aux organisateurs, Pierre-Marie Prat, écrivain sis à Nivillac, et le SEL férelais, d’étaler cette « fiesta des mots et des phrases » sur trois jours. Mais quoique je sois allé écouter sa présentation d’un de ses textes, je n’ai pas trouvé les deux minutes nécessaires pour lui en parler. Finalement, quand on est visiteur d’un tel salon et qu’on se fixe des objectifs tels que j’ai tendance à le faire, on est terriblement occupé, affairé, à la limite du surmenage !
Les auteurs, eux, passent des heures assis devant leur pile de bouquins, souriant vaguement à ceux qui passent devant eux, point trop car on se trouve bête si les visiteurs vous dépassent sans un mot alors que vous amorciez déjà le début d’un échange. C’est un peu ce qui m’a donné l’envie d’en interroger deux, Sylvie Touam et Othman Ihraï, sur l’expérience de ce festival telle qu’eux-mêmes l’ont vécue. Vous trouverez leurs textes ci-dessous, mais je garde la plume pour quelques instants encore.
En une heure et demi, j’ai eu trois conversations et demi, chacune, même la demie, hachée en plusieurs rondelles. J’aime ces conversations avec des inconnus si proches par leurs goûts et leurs centres d’intérêt, par leurs failles parfois. Avec d’« étranges étrangers », comme le disait si bien Jacques Prévert. Je les envie. Ils ont conçu, écrit, publié des parallélépipèdes de papier (ça, c’est d’Othman), alors que je ne dépasse pas les petites fictions de 4 ou 5 pages. On me dit : « Pourquoi ne pas les publier sous forme de recueil ? » Oui, c’est vrai, j’en avais même écrit une en 2021, un peu plus chargée d’énergie et plus trash que mon texte d’aujourd’hui, sur un salon du livre dans le Sud de la France (http://www.penestin-infos.fr/ultimes-contorsions-dun-futur-ecrivain-un-peu-avant-declore/ ). Mais je perds un peu confiance, à force de subir les critiques et désormais les plaintes en diffamation, déjà trois. A force de ruptures avec des gens qui reviennent au bout de deux ans, effacé, oublié, tu n’écris plus beaucoup, dis donc ?
J’étais parti pour vous parler des 28 voisins écrivains présents dimanche à Férel et de mes trois rencontres et demi. Je redis « rencontres ». Il y a un philosophe qui s’appelle Charles Pépin qui a écrit sur le sujet et lui a consacré au moins 3 podcasts sur YouTube. Je ne vérifie pas, je me souviens en gros de ce qu’il dit et je vous laisse rechercher si cela vous intéresse. La rencontre, c’est quelque chose qui vous transforme, vous n’êtes plus le même après. Elle vous a remodelé. Cette rencontre vous a apporté une idée, une information, une émotion. Ou un livre ! Pas n’importe lesquels évidemment : des qui vous faisaient défaut sans que vous le sachiez, des qui vous changent la vie d’une certaine façon, qui vous ouvrent des perspectives. Dans la rencontre, il y a une notion d’intensité. Je n’en dis pas plus. « Intensité » est un mot qui nous a été volé par la pub, qui l’a galvaudé ! Je reparlerai de tout cela.
Alors 28 rencontres ? Ben non, il faut être réaliste. Trois et demi, finalement, c’est déjà énorme. Merci !!
Le texte de Sylvie :
Arriver en tant qu’auteur à un Salon du livre c’est toujours grisant. Déjà la gratitude d’être accueilli par toute une équipe de bénévoles dont le mobile et l’engagement m’émerveillent toujours. Puis ensuite le plaisir de retrouver ses compagnons d’écriture et la joie d’en rencontrer de nouveaux, car la Rencontre est bien le maître mot de l’aventure. Et puis on s’installe et arrivent celles et ceux pour qui nous sommes venus : les promeneurs, les curieux, les lecteurs, les potentiels acquéreurs… avec chacune, chacun sa raison d’être là, exprimée ou non. Et c’est la magie d’une journée qui commence.
Le salon de Férel n’a pas échappé à cette règle. C’était ma première participation. Les bénévoles étaient bien là. Je m’y suis sentie à ma place tout de suite, avec quelques amis et beaucoup de visages inconnus. Un salon loin de la cohue mais grâce à cela propice aux échanges, avec un flux de visiteurs pour autant régulier. Un petit coin très cosy était aménagé sur la scène pour que les auteurs qui le souhaitent puissent avoir un temps d’échange d’une quinzaine de minutes avec le public. J’en ai accepté le deal, et ce fut un moment sympathique et très chaleureux durant lequel j’ai lu quelques pages de l’un de mes romans. Le partage toujours… Partage avec Hélène qui est repartie avec deux de mes romans, partage aussi avec Gérard que je ne connaissais pas mais avec qui le lien s’est fait tout de suite. Il se prolonge aujourd’hui sur son blog. Et d’autres dont je n’ai pas retenu le prénom mais dont j’ai gardé en mémoire les visages et les mots.
Le bilan d’un salon ne se mesure pas pour moi au nombre de ventes, ce n’est pas ma motivation, mais bien aux rencontres qui s’y sont faites. Celui de Férel en a été à la hauteur. Merci à tous pour cet excellent souvenir !
Sylvie Touam
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Le texte d’Othman
Le temps long, l’automne grimé en hiver,
Des bruits, du son, ce froid qui décape la lumière,
Petit matin, à peine sorti du ventre fécond de novembre,
Les mots, leur musique, tel épris qui croyait prendre.
Des visages, des sourires, la madeleine et le café,
Qui rechauffent le vagabond, comme le gaucho se chauffe le coeur au maté,
Palpitant qui s’emballe, ouvrir son âme à l’inconnu,
Je suis venu, j’ai vu, j’ai psalmodié la nuance et l’absolu.
Buvez, ceci est mon sang d’encre,
Les premiers seront les derniers, les érudits seront les cancres,
Ici les mots bâtissent un monde, qui sied aux adultes un peu fantoches
Qui rêvent encore de belles histoires, d’avoir un sac de billes dans leur sacoche.
J’ai retrouvé les miens, aux beaux jours ils disparaissent,
On ne s’est pas pris dans les bras, par pudeur, par paresse.
Dans ce petit village breton, j’ai chanté mes Nocturnes Arabesques,
Détrempé à l’eau des pigments de couleur, pour faire du souvenir une fresque.
Othman Ihraï
Quels beaux textes, quels beaux témoignages ! Je n y étais pas, dommage, mais le talent des auteurs donne envie de mieux les connaître. Bravo