7 heures du matin samedi 20 juillet : les militants de Cappenvironnement sont déjà à pied d’œuvre. Une quinzaine de panneaux sont installés aux principales entrées de Pénestin et autour de la « peut-être future » zone de Loscolo. Ils disent : « chantier contre nature », « protéger la biodiversité marine » « le parc Loscolo : 9 hectares d’urbanisation de terres naturelles ». Cappenvironnement est une association fondée il y a 6 mois par Dominique Boccarossa. Le projet Loscolo : si vous souhaitez faire un rattrapage, remontez au dernier article à ce sujet, « Où en est-on du projet de Parc conchylicole de Loscolo ? », paru sur ce blog le 12 juillet. L’association a décidé de faire de ce samedi 20 juillet une journée d’action et d’information à propos du projet, alors que l’on attend toujours la décision du préfet, l’actuel ou le futur qui prendra ses fonctions le 5 août…
9 h 15 : un petit groupe est réuni sur le parking de l’allée des Courlis qui mène à la plage du Maresclé. C’est dans cette allée que seront enfouies les canalisations reliant les bassins de décantation à la mer. Ce devait être en septembre : le maître d’ouvrage a repoussé la date des travaux sans en préciser de nouvelle. Il pleut jusque sous les pins où le groupe s’est réfugié. La correspondante de Ouest France remplit des pages de notes. Son reportage sera publié demain dimanche, nous dit-elle.
Un rond-point revient à 300 000 euros
Dominique Boccarossa déroule l’aspect comptable du projet. Un rond-point revient à 300 000 euros. Il en faut deux, au croisement de l’impasse des Aigrettes et au bout de la route du Maresclé. Ils seront à la charge de la commune et n’ont pas encore été comptabilisés. Un autre, partagé avec Cap Atlantique, sera nécessaire à la jonction entre le parc d’activités et la route d’Assérac, là où une piste cyclable sera tracée en direction de Pont Mahé en 2025 et croisera, bien sûr, la route des camions et des tracteurs se rendant sur le site. L’allée en face de l’impasse des Aigrettes devra quant à elle, évidemment, être bitumée, ce qui n’a pas non plus été prévu : sur cet accès entre le parc et le Poudrantais, deux tracteurs ne peuvent pas se croiser… Globalement, le maître d’ouvrage annonce 4,5 millions d’euros, alors que selon Dominique Boccarossa, le budget serait plus proche de 7,5 millions d’euros.
D’autres chiffres encore sur l’évolution du chiffre d’affaires, sur les investissements, sur les subventions attendues. La mytiliculture est un business et, comme le dit l’un des présents, on est passé maintenant à la mytiliculture intensive, sur le même modèle que l’élevage de porcs ou l’élevage laitier. La discussion fait surgir quelques jolies formules : « les seuls combats que l’on est sûr de perdre sont ceux qu’on ne mène pas ». À propos de la difficulté à mobiliser à Pénestin : « le silence des pantoufles est plus inquiétant que le bruit des bottes. » À propos de l’envasement de la Vilaine : « la nature n’aime pas qu’on la dérange. »
11 heures : un membre de l’association arrive et informe le groupe que la plupart des panneaux ont été enlevés. Coup de fil à la police municipale : oui, chaque panneau constitue une infraction et fera l’objet d’un procès-verbal. Les panneaux ont été détruits. Détruits !? Des heures de travail ! Ils étaient tellement beaux, se désolent ceux qui les ont réalisés… Une infraction vraiment, ces panneaux ? Ils ne font que redire ce qu’Emmanuel Macron lui-même déclarait en mai dernier : la nécessité d’une mobilisation générale pour la défense de la biodiversité. 30% de oiseaux ont déjà disparu. 70% des insectes. Et on va continuer à bétonner ?! Le message de Paris n’est-il pas encore parvenu à Pénestin deux mois et demi après ? C’est l’incompréhension chez les membres de l’association.
Ils ont reçu une flopée de coups de fil de bon matin
Deux personnes se rendent au bureau de la police municipale. Ils reviennent et disent y avoir été bien reçus. Mais les policiers ont un « patron » qui leur a donné des ordres : enlever et détruire les panneaux. Il semble qu’il y aura une action en justice avec des amendes à la clé. Le délit : affichage sauvage. Et vous ne sanctionnez pas le cirque Zavatta, les vide greniers, la fête de la musique, ont-ils demandé ? C’est pire, pourtant : il s’agit de publicité, interdite par la loi. Mais sans doute ont-ils obtenu une autorisation du maire. Dans notre cas, ajoutent-ils, cela n’a rien à voir avec de la publicité : c’est de l’information. Et nous sommes les seuls à trinquer. Et vous avez aussi verbalisé les deux panneaux installés derrière les fossés, sur des propriétés privées, après avoir obtenu l’accord des agriculteurs concernés ? Les policiers reconnaissent n’avoir pas fait la différence. Cela augure bien de l’audience à venir au tribunal si elle a lieu, s’en amuse l’un d’entre eux.
Mais les policiers finissent par lâcher le morceau : ils ont reçu une flopée de coups de fil de bon matin. Un scandale ! Qui se permet d’installer de tels panneaux en face de chez eux ? Une militante sur un ton fatigué : « Il va falloir encore citer Macron qui disait en début de semaine à propos de l’affaire de Rugy qu’il ne souhaitait pas une ‘République de la délation’. » Une autre lâche : « Pénestin, c’est vraiment, mais vraiment vraiment spécial. » On s’étonne : qui sont ces gens qui ont appelé la police ? Ils sont certainement du quartier, puisque c’est là que la plupart des panneaux étaient disposés ! Et les réflexions se font amères : comment ne pas songer à ces sociétés qui ont sombré dans le totalitarisme ? Mais les gens d’ici n’en sont pas arrivés là tous seuls. Ils y ont été poussés.
Dominique Boccarossa redit qu’aucun des panneaux n’était agressif. La municipalité et Cap Atlantique n’ont pas été attaqués. Il n’est question que de la biodiversité et de l’artificialisation de terres naturelles. Les panneaux ont été disposés sur des arbres afin de ne pas masquer les panneaux de circulation ou d’orientation. Ils ont été placés de telle façon qu’ils ne causent pas d’entrave, ni de danger pour la sécurité routière. Tout cela est ignoré par la brutalité de la réaction.
Et puis soudain, comme si une intuition l’avait traversé : « En fait, même en vieillissant, on continue à apprendre tous les jours. La vie est magnifique ! »
Les militants de Cappenvironnement sont encore présents jusqu’à ce soir sur le parking de la plage du Maresclé, allée des Courlis. Ils y seront à nouveau demain dimanche.