Une première manif contre le 49.3 dans les rues de Pénestin

Cela commence par une corne de brume. On les entend avant de les voir. Puis apparaît un groupe coloré, avec pancartes et tracts. Des crécelles, des chants. Des visages souriants et familiers : c’est normal, on est un village, on se connaît. C’est peut-être cela qui fait la différence avec les manifs des villes. Ils sont une quinzaine pour le moment. L’une des pancartes énonce : « La retraite, c’est comme la galette, on la veut complète. »

Le rendez-vous était donné devant la boucherie. Certains qui rentrent de faire leurs courses se joignent au défilé. D’autres retournent à leurs occupations. Au plus fort, ils sont une vingtaine. Ce n’est pas une manif de « têtes grises ». Les générations sont mélangées, comme on aime voir notre commune. 

« Tenez bon ! »

On se dirige vers le rond-point d’entrée du bourg. Certains ont dû faire gilets jaunes il y a quelques années. Ils en retrouvent les réflexes : occuper la chaussée, interpeler les voitures, aller au contact, répondre bruyamment à ceux qui manifestent leur soutien, commenter. Les automobilistes sont souriants dans l’ensemble : « Tenez bon ! » L’un d’entre eux attend patiemment qu’on lui trouve un tract : il n’y en a déjà plus. « On a été petits bras, on n’en a tiré que 100 exemplaires ! » Deux ânes nous regardent, près de l’étang qui longe la route en direction de la Vilaine. Ils semblent surpris de ces slogans lancés au gré du vent, sans véritables destinataires.

Une étape devant Carrefour market. On a retrouvé quelques tracts pour les clients qui entrent et qui sortent. Yves (1) revient : « Il y en a un qui nous a traités de fainéants ! Il dit que les jeunes n’ont qu’à bosser… » On remonte la rue de l’Eglise. Une commerçante s’est coiffée d’un grand bonnet rouge en signe de soutien. Rue du calvaire, le refrain un peu tristoune résonne : « On est là on est là Même si Macron ne veut pas on est là Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur Même si Macron ne veut pas on est là. » Mais alors qu’on approche de la mairie, une voix sonore entonne : « Una mattina, mi son alzato, o bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao ! » Hughes (1) m’avoue ensuite que c’est un peu sa partie, il est membre du BBB, la chorale de Tréhiguier bien connue des Pénestinois !

Tout se tient, bien sûr. Les partisans italiens, la grande manif parisienne, les vingt de Pénestin, dont le tract clame : « Pour la démocratie partout, en local aussi ! » Ce qui donne à ce 23 mars son caractère historique, ce sont peut-être en partie ces initiatives inattendues. On manifeste aussi dans un village de 2000 habitants. Et Pénestin a bien des raisons de se retrouver ainsi aux avant-postes. D’ailleurs, il y en aura d’autres, des manifs, annoncées celles-là, et on y sera beaucoup plus nombreux. Il suffit de voir le nombre et l’enthousiasme des messages qui s’amoncellent sur la page whatsApp des « Péquins de Pénestin » créée dans la foulée.

(1) Les prénoms ont été modifiés.

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