Cela commence par un menu de la semaine plutôt alléchant, avec un choix entre trois entrées, dont une « Mijotée de moules à la bretonne ». Quand on vit depuis quelques années à Pénestin, on a vite développé une sorte de sixième sens qui s’éveille dès que le mot « moules » apparaît quelque part.
« Bonjour, Monsieur, j’ai vu votre carte, vous pourriez me dire ce que c’est que la ‘mijotée de moules’ ? » « Oui, bien sûr. Ce sont des moules décoquillées avec une sauce bretonne : lardons crème fraiche. La base ressemble à une fondue de poireaux. C’est légèrement épicé. Il y a aussi une tranche de biscuit qui donne une note sucrée–salée. » Bigre ! Des moules avec des lardons et du sucré – salé… Et je ne vous dis pas : la feuille de betterave posée sur l’assiette est un petit plus enchanteur. « C’est vous qui avez inventé le plat ? » « Oui, c’est une composition du chef. » « Et vos moules, elles viennent d’où ? » « De Pénestin ! »
Un filet mignon sauce foie gras
Nous sommes à La Chapelle des Marais. Le restaurant s’appelle Le Colibri. Une belle affaire, comme on dit. 70 couverts, souvent plein, une agréable déco, une disposition ingénieuse avec, au fond derrière le bar, la cuisine blanche et bleue. Et une carte comme on en voit peu : des menus à 15 euros en semaine le midi et 20 le week-end. Et pour ce prix, une cuisine raffinée, cette semaine par exemple en plat principal un filet mignon sauce foie gras.
« Quand on fait des terrines de foie gras, il y a des chutes ou des tranches incomplètes. Alors, je les garde pour les sauces », explique Stéphane, le chef, qui d’ailleurs n’aime pas beaucoup qu’on l’appelle « chef ». « Quand on me demande mon métier, je dis cuisinier, tout simplement. » A 47 ans, il a un beau parcours : l’Ecole Hôtelière de Saint-Nazaire pendant 7 ans, du BEP au BTS (!), puis il crée et dirige plusieurs restaurants à Nantes (L’Auberge du Cens, L’adresse, Poivre et Sel), travaille quelques années dans l’événementiel. Puis en décembre 2018, son compagnon Nicolas reprend Le Colibri à La Chapelle des Marais où ils tiennent aussi un gîte, « La Chaumière des marionnettes » et il s’associe à l’aventure.
« Nous avons choisi de faire de la qualité », dit Nicolas sur un ton de parfaite modestie. Alors, ils rognent un peu sur les marges pour proposer cette fameuse carte qui touche aussi bien les jeunes, les couples, les ouvriers, locaux ou de passage. Il faut calculer un peu : « nous proposons en priorité des produits locaux, mais le bœuf de Brière est trop cher, alors nous proposons du bœuf poitevin », disserte Stéphane. Les poissons viennent du Guilvinnec. Quant aux moules, c’est une évidence : « Ici, tout le monde connaît Pénestin qui n’est qu’à 20 minutes. Certains y ont une résidence secondaire, tous sont habitués à y aller et y sont attachés. Nous nous fournissons auprès de 3 distributeurs : l’Intermarché de La Chapelle, la SVRO, grossiste au Marché d’Intérêt National de Nantes, et « La Chapelle » sur le port de Tréhiguier. »
Les épices, les piments, les poivres
Alors, quelle est la touche personnelle de Stéphane en cuisine ? « Les épices, pour commencer, les piments, plutôt doux, les poivres. » J’approuve et lui confie que ses gambas marinées à l’asiatique (curry, curcuma, poivres) sont un bonheur avant, pendant et après, lorsque la bouche reste tiède et légèrement engourdie. Cela lui vient de sa passion partagée avec Nicolas pour la Martinique, où ils vont se ressourcer une fois par an et qui a inspiré le nom du restaurant : Le Colibri. Mais les autres connotations du Colibri ne les embarrassent pas : ils ont une démarche écocitoyenne pour le tri, le compost, l’approvisionnement local.
Stéphane aime aussi cuisiner les plats familiaux que l’on retrouve dans la formule des « cocottes ». Il me recommande d’ailleurs son Parmentier de canard sur lequel j’avais hésité. « Oui, mais le confit de canard est émietté et cuit dans la purée avec de l’orange et du vinaigre de Xérès. Et j’ai remplacé les pommes de terres par des patates douces. Tiens, vous m’y faites penser, on a oublié de le noter sur la carte. » Et puis la choucroute de la mer, le poulet thaï, les joues de porc farcies… Et le gigot de 7 heures, qui fond dans la bouche ! Le sourire de Stéphane s’est élargi. Est-ce sa maman, venue aujourd’hui donner un coup de main en cuisine, qui lui a transmis le savoir-faire de ces plats traditionnels ? J’ai oublié de le leur demander. Ils sont originaires de Fougères.
Nicolas, lui, est briéron. Les traces de sa famille remontent jusqu’en 1750. Dans ce restaurant, ils investissent tous les deux une expérience ancrée dans la tradition, mais tournée vers l’efficacité autant que vers la création. J’aurais dû aussi demander quelles sont les astuces pour réduire à ce point l’attente entre les plats et même au moment de régler. Il y juste un problème qui leur résiste : le public d’ici n’aime pas le sucré-salé. Rien à faire, ça résiste. Si vous avez des idées sur la question, passez donc les voir et discuter le bout de gras (foie ?) avec eux !
Cela fait envie ! Nous irons avec des amis.