La 4e Lettre ouverte aux Pénestinois du Bon Sens pour Pénestin est dans les boîtes aux lettres. Elle a été tirée à 2000 exemplaires et s’étend, comme la précédente, sur 4 pages. (1)
Page 2, on lit : « nos lettres ouvertes, qui ne sont pas un second bulletin municipal, révèlent les omissions, les amalgames et les mensonges de M. Puisay, affirment que ses intentions d’avant les élections se limitaient à des discours, et que certains de ses choix politiques sont inconséquents. »
Tout au long de ces 4 pages, la lettre présente effectivement une série de mensonges, de dissimulations et de tricheries, au point de nous donner le tournis :
– la consultation sur l’ancienne mairie prétend mettre en œuvre « une démarche de démocratie participative » en faisant simplement cocher l’une des deux cases « destruction » ou « rénovation ».
– l’affaire « Jérémy », ce jeune homme dont le contrat aux services techniques de la mairie n’a pas été renouvelé, porte en sous-titre : « M. Puisay travestit les faits et réinvente les réalités en fonction de ses intérêts et selon sa convenance ».
– la vente d’un terrain 30 % sous le prix du marché à la fille de M. Bauchet, adjoint au maire, a été avalisée par la commission d’urbanisme, puis par le Conseil municipal, sur la base de documents portant son ex-nom marital.
– le maire prétexte un besoin d’argent de la commune pour éviter de réserver un terrain à de jeunes primo-accédants, alors qu’il s’est plusieurs fois félicité d’avoir un budget municipal équilibré.
– le code de l’urbanisme et le code de l’environnement ne sont pas respectés à la décharge communale du Guernay et dans la décharge privée qui la jouxte. Le maire n’en vante pas moins son souci de l’environnement.
– le logo « site remarquable du goût » a été acheté par la commune pour promouvoir les moules de Pénestin. Ce n’est pas un label officiel. En revanche, il manque encore aux moules de Pénestin l’Appellation d’origine protégée (AOP).
– M. Baudrais, ancien maire de Pénestin, a déclaré le 11 novembre dernier, lors de sa nomination au titre de maire honoraire, que « la commune de Pénestin, c’est aujourd’hui 14 % de zones urbanisées ». Selon les chiffres de Préfecture, les zones artificialisées et urbanisées représentent 700 ha (sans compter les campings, caravanings et HLL), soient 30 % du territoire.
– le coût de la voie d’accès principale au lotissement conchylicole de Loscolo, 547 000 euros, a été transféré des comptes de Cap Atlantique vers ceux de la commune de Pénestin. 373 000 sont reversés à cette dernière à partir d’un autre compte et le reste avait été provisionné. Toujours est-il que cela réduit d’autant le bilan financier prévisionnel du projet. Certains postes n’ont par ailleurs toujours pas été chiffrés. Le budget, de 4 millions il y a 5 ans, en est donc à 6,5 aujourd’hui, et très probablement 8 millions, soit un doublement, en bout de course.
– l’aménagement de cette voie d’accès est planifié pour l’été 2022, alors que deux procédures judiciaires sont en cours. Le maire avait pourtant toujours revendiqué son respect des décisions de justice. Par ailleurs, le comité de suivi, destiné à associer professionnels, associations et riverains au déroulement du projet, ne s’est plus réuni depuis son unique session le 21 septembre 2019.
(Quelques difficultés pour vous mettre à disposition le pdf de la lettre ouverte n°4…)
un projet ne peut pas être bon si on est obligé de mentir pour le défendre
Je vais ajouter quelques précisions sur ce dernier point, puisque je suis moi-même riverain et membre du comité de suivi.
L’unique réunion de ce comité, en septembre 2019, a achevé de me convaincre que Loscolo était un mauvais projet. Cette conviction repose sur une idée simple : un projet ne peut pas être bon si on est obligé de mentir pour le défendre. Cette conviction est pour moi plus forte que tous les arguments techniques, économiques et même environnementaux.
Vous retrouverez le détail de ces entorses à la vérité dans certains de mes articles de l’époque (1) : les ingénieurs ont tenté de nous mener en bateau en trichant sur les calculs pour annoncer que 50 % des lots étaient déjà réservés (avant de reconnaître que certains entrepreneurs inclus dans le calcul n’avaient pas encore signé de promesse de vente « mais on vous tiendra informés »), en jouant sur les mots pour que les termes tabous de débroussaillage et de défrichement n’apparaissent pas dans le planning prévisionnel, qui se contentait d’indiquer « travaux préparatoires », en créant des écrans de fumée pour ne pas répondre aux questions sur les ronds-points à mettre en place, compte tenu de la circulation des tracteurs et des poids-lourds, ni à celles sur les équipements en mer, ceux-là même dont le coût estimatif a fait depuis lors un bond de 1,325 millions d’euros hors taxe. Lorsque les questions se faisaient trop pressantes, l’élue responsable du projet (maintenant retraitée) répondait : « Avançons ensemble et faisons-nous confiance ! »
Mais mon pire souvenir concerne la discussion que j’ai eue avec l’ancien maire, M. Baudrais, à propos de l’accès secondaire au lotissement, en face de l’accès principal à la plage du Maresclé. Un devis incluant le goudronnage de cet accès avait fuité, alors que le maire avait toujours promis que les accès secondaires ne seraient pas goudronnés. Ce devis était inclus dans une demande de subvention au Département. Le maire avait plaidé une erreur de ses services au Conseil municipal précédent. J’ai demandé à M. Baudrais que la demande de subvention et ses annexes soient communiquées au comité de suivi. Lors d’une discussion longue et tendue, M. Baudrais a d’abord refusé, puis accepté. Par la suite, cette partie de la réunion s’est révélée absente du compte-rendu envoyé un mois plus tard et M. Baudrais n’a jamais transmis le document ainsi qu’il s’y était engagé. J’ai réclamé à deux ou trois reprises, sans succès, une correction de ce compte-rendu. Puis le président d’alors de Cap Atlantique, Yves Métaireau, m’a écrit en m’accusant de « harceler » ses collaborateurs et en me menaçant de poursuites judiciaires. (Je publierai prochainement l’ensemble des documents en relation avec ce point, y compris le verbatim de cette partie de la réunion escamotée du compte-rendu.)
le souci de l’environnement prime désormais sur celui du développement
On est par ailleurs frappé de constater à quel point le dossier Loscolo est géré « à l’ancienne ». Il s’agit, assez typiquement, d’un projet conçu dans les années 1990, à une époque où le développement économique était l’alpha et l’oméga de la gestion locale. Bien loin des préoccupations actuelles où le souci de l’environnement prime désormais sur celui du développement, le qualitatif sur le quantitatif. Certains, comme Philippe Grosvalet, ancien président du conseil départemental de Loire Atlantique, ont beaucoup oeuvré dans ce sens, en particulier lorsqu’il s’est agi de revaloriser 895 ha de terres agricoles après l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. Le dérèglement climatique et même la pandémie du covid 19 ont conduit à revoir en profondeur les règles anciennes de gestion des collectivités locales et de l’État. Cependant, paresse et conformisme conduisent encore souvent à tenter de prolonger des projets qui ont cessé d’être en phase avec le monde dans lequel nous vivons, et une débauche d’énergie est alors nécessaire pour tenter de les stopper, comme pour le Surf Park de Saint-Père-en-Retz ou le port de plaisance de Brétignolles-sur-mer.
Le comité de suivi, pour y revenir, n’a plus été réuni depuis cette unique réunion, et Cap Atlantique a bientôt cessé de transmettre toute information à ses membres. Il n’est pas dissout, il est fantomatique, disons. On notera par ailleurs que la rubrique du site internet de la mairie de Pénestin destinée à informer les habitants de la commune sur le projet Loscolo n’a de son côté rien publié depuis le 23 juillet 2019. Je n’ai pas fait la vérification dans le Bulletin municipal, mais il semble qu’il n’y ait rien eu récemment sauf erreur de ma part.
Puisqu’il y a, ici encore, mensonges, dissimulations et tricheries, de la part d’élus et de techniciens, plusieurs questions se posent :
– il s’agit ici à la fois de l’usage qui est fait de l’argent public et des initiatives politiques en vue de défendre un secteur d’activités. Est-il normal que l’information des citoyens / contribuables, voire des professionnels eux-mêmes, subisse un tel mélange d’entraves et de négligences ?
– comment des techniciens, dont la formation est scientifique, en sont-ils venus à assumer à leur tour les travers d’une partie des discours politiques avec leurs mensonges et leurs dissimulations ? J’ai fait récemment des compliments à M. Clément Mahé, en charge du Plan Climat de Cap Atlantique, en disant qu’il suppléait aux manques des élus. J’avoue ne pas comprendre le fonctionnement de ceux auxquels nous avons eu affaire dans le dossier Loscolo.
– certains élus sont-ils plus portés que d’autres au mensonge et à la dissimulation, ou bien ceux-ci représentent-ils une tendance d’ensemble qui affecte les sociétés démocratiques ?
La présidence de Donald Trump aux USA, entre autres, correspond à une ère définie comme celle de la « post-vérité ». Cela signifie que l’on ment, désormais, non plus sciemment, en référence avec une vérité qui serait bien identifiée et que l’on choisit de contourner, mais parce que l’on a abandonné toute référence à la vérité, que tout est devenu équivalent, vérité ou mensonge. Par ailleurs, on peut se demander si l’exercice du pouvoir, y compris local, dans une démocratie, n’est pas devenu un exercice consistant à défendre des intérêts en tordant les discours et les procédures juste assez pour pouvoir affronter les règles du droit et celles des institutions, en prenant bien soin de rester « dans les clous ». Obtenir un permis de construire ou une autorisation préfectorale reviendrait à pratiquer une sorte d’optimisation de ses arguments, sur le modèle de l’optimisation fiscale. Sachant, bien sûr, qu’on ne gagne pas à tous les coups : c’est une sorte de « jeu », de stratégie, d’adresse, avec des sommes d’argent importantes à la clé.
– Les qualités d’un candidat à une élection sont-elles compatibles avec celles attendues du même, une fois élu ?
La campagne présidentielle qui est en train de prendre son rythme nous fournira certainement des exemples à ce sujet. Si l’on se réfère aux Républicains, Mme Pécresse semble proposer actuellement deux facettes : 1) l’image sympathique d’une femme en passe d’acquérir le charisme qui lui faisait défaut jusque là (sourires, ton à la fois ferme et détendu, bisous adressés au public depuis chaque estrade…) ; 2) la référence au « modèle » de Margareth Thatcher (qui, elle, ne faisait pas de bisous !), associée à la promesse qu’elle, contrairement à d’autres, ne cédera pas face à « la rue ». Il est facile d’imaginer laquelle de ces deux facettes subsistera dans le cas où elle serait élue. Il n’est pas exagéré de penser que M. Puisay, à son échelle, a suivi un parcours comparable.
– La vérité est-elle compatible avec l’exercice du pouvoir ?
Le plus grand philosophe vivant, âgé à présent de 92 ans, l’Allemand Jürgen Habermas, n’a jamais cessé au long de sa carrière, de défendre l’esprit des Lumières face au relativisme. Dans Philosophie Magazine de ce mois-ci, il est interviewé sur 6 pages. Il craint que sous l’effet notamment des réseaux sociaux, le débat public cesse d’être le lieu où s’établit la distinction entre le vrai et le faux. Ce débat devrait, selon lui, « être structuré de telle sorte que des opinions concurrentes soient exprimées sur des questions identifiées par tous les camps comme pertinentes et partagées ». Au lieu de cela, « le numérique » fragmente les opinions publiques « au point que les citoyens ne se confrontent plus autour des mêmes sujets ».
l’effort pour se documenter, pour lire, pour nuancer son propos
Je reprends : pour débattre, il faut d’abord se mettre d’accord sur les questions. C’est le prérequis : l’existence d’un horizon partagé par ceux qui vivent et s’expriment dans un même contexte, puis l’effort pour formuler de façon précise, réaliste et imaginative les questions d’intérêt général qui seront soumises au débat. Ensuite, le débat public met aux prises des opinions diverses afin d’y répondre. Sous réserve que le débat soit mené selon un ensemble de règles – écoute, sincérité, argumentation… -, il conduira à ce que prévale la réponse la plus juste. Habermas n’hésite pas à situer cette « justesse » dans le champ du « vrai et du faux ».
Il y a selon la tradition philosophique deux sortes différentes de vérité : la vérité scientifique qui découle des protocoles d’observation et des règles de démonstration (mais il faut reconnaître que ça a un peu évolué depuis Descartes) ; une vérité plus littéraire que scientifique, qui passe par les mots du langage courant, qui émerge de l’échange des arguments, qui se fortifie dans l’effort pour se documenter, pour lire, pour nuancer son propos, pour relier des idées qui étaient, au départ, sans lien les unes avec les autres, un effort, en un mot, pour se cultiver. Cette deuxième sorte de vérité est celle dont parle Kant dans la « Critique du jugement esthétique ». Il n’y a pas de critère du beau comme il y a un critère du vrai dans le raisonnement mathématique. C’est la discussion, un processus collectif (c’est important) fondé sur l’échange d’arguments, qui conduira à dire qu’une œuvre est belle ou pas. C’est le même processus qui s’applique afin de définir ce qui est juste en politique. En français, on appellerait d’ailleurs cela une « délibération »…
Habermas dit avec force que la vérité a une place en politique, et pas n’importe laquelle : la place centrale ! Cette notion d’une vérité pour le monde actuel en rejoint d’autres : l’honnêteté (l’intérêt personnel ne prime pas sur l’intérêt collectif), la compétence (le contraire de la paresse), le courage (Camus, Vaclav Havel !), le sens de la justice (pour les gens) et celui de la justesse (celle des mots)… Et si vous trouvez que cela ne ressemble pas assez à la politique, il vous reste à lutter pour que la politique ressemble à cela !
(1). La lettre ouverte peut être consultée ou téléchargée à l’adresse suivante : https://cappenvironnement.fr/lettre-ouverte-%e2%84%964-aux-penestinois/
(2) http://www.penestin-infos.fr/un-comite-de-suivi-qui-ne-pratique-ni-linformation-ni-la-concertation/ ; http://www.penestin-infos.fr/comite-de-suivi-loscolo-le-temps-est-une-arme/