« Une grande première pour une grande dernière », c’est la réflexion que livre Jean-Claude Baudrais, maire depuis 1995, en ouvrant son dernier Conseil municipal. Tous les conseillers sauf un sont là, en effet, et le banc du public est « plein » : 5 personnes, dont Pascal Puisay, candidat aux prochaines Municipales, qui considère qu’il « fallait être là ». Exceptionnellement, le maire et la secrétaire de mairie ont des micros.
Laetitia Seigneur présente la convention de partenariat avec le CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement) de Guérande. Elle présente, c’est-à-dire qu’elle lit le texte projeté sur l’écran. Elle trébuche parfois, se rattrape. Il est difficile de se concentrer : ce n’est pas du texte à lire oralement comme il y a des yaourts à boire. Il paraît que la lecture mot à mot est obligatoire : j’ignore si quelqu’un a vérifié. À la fin, deux actions proposées par le maire : deux journées sur les thèmes de l’arbre et du littoral pour les enfants des deux écoles de la commune, et un atelier cuisine des plantes sauvages. C’est intéressant, je trouve. Mais il n’a apparemment pas le cœur à développer. Et ce n’est pas non plus l’objet du Conseil. « Des remarques ? Qui est contre, qui s’abstient, qui est pour ? Trèèès bien. La suite. » L’ennui s’installe déjà. Peu à peu, il devient solide comme l’air épais que vous respirez quand vous revenez au niveau de la mer, après une escapade dans les hauteurs.
« Des remarques ? Qui est contre… »
À peine quelques mots sur l’énergie photovoltaïque, qui faisait la fierté du maire il y a encore peu. Remise de la médaille de la commune le 14 juillet à P. Puisay, qui me dit « je n’étais même pas au courant ». Il sort pendant le vote : « Des remarques ? qui est contre… » On passe au budget. Long tunnel agrémenté par la voix fraiche de Catherine Richeux, adjointe aux finances, qui ne se représente sur aucune liste. Pour elle aussi, c’est une « grande dernière ». Elle aurait mérité un mot de remerciements Elle détache les mots. Élève la voix pour lire les chiffres comme elle chanterait un cantique. Gérard Le Maulf, ex-opposant rallié à la candidature de J. C. Lebas, lâche trois phrases de commentaire : « C’est un budget prudent. Les recettes sont sous-évaluées. Cela laisse de la marge. » « Des possibilités », corrige le maire. « Pas de commentaire sinon », ajoute G. Le Maulf. « C’est judicieux », conclut le maire.
Budget du port de Tréhiguier : Mme Gilory a entendu parler d’un problème sur un ponton. « Il pourrait y en avoir », rectifie le maire. Brigitte Métayer : « C’est ça les 15 000 euros ? » Le maire : « Entre autres ». « Le reste, c’est quoi ? » Mme Métayer n’en est qu’à son deuxième Conseil, elle ne connaît pas encore les usages, les questions que l’on garde pour soi. Le maire reprend après le vote : « C’est très important, le ponton. Sinon, quand il y a de la tempête, on se retrouve le bec dans l’eau. » Un sourire se dessine sur son visage marqué par la maladie. On l’entend respirer dans le micro. Il est loin de nous, dans les hauteurs, là où l’air est raréfié. Il nous surplombe. Il parle de ce qui est « important » pour dire qu’en fin de compte, plus rien ne l’est vraiment. Il a dû lire Marx, qui écrivait : « L’histoire se répète toujours deux fois. La première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce. »
Catherine Richeux annonce de sa voix chantante que le budget est équilibré et ne peut être contesté. Pour mieux dire, elle le claironne. P. Puisay approuve et me glisse : « C’est important pour l’équipe qui suivra. » C’est au tour de J. C. Lebas, candidat lui aussi à la succession du maire, de présenter les projets d’urbanisme. Il commence par le rachat d’une parcelle sur la route d’Assérac. Un peu de flou sur la fiche qu’il projette. B. Métayer demande : « Quelle est la surface ? » Il répond que c’est un triangle, très petit. Elle s’excuse : « Je demandais ça, c’était juste pour se faire une idée. » On est parti chercher le dossier. 10 minutes plus tard, le chiffre : une trentaine de mètres carrés. « Cela permettra de rendre le chemin plus régulier. »
« Le 19, je serai à l’hôpital »
À propos du parc de Loscolo, il a assisté, à Vannes, à la réunion d’une commission qui demande que les haies soient renforcées côté Nord-Est de la zone de travaux. Le maire gonfle les joues : « J’étais à l’hôpital. » Le 19, il y a une réunion de la commission des sites, un organisme départemental chargé de la protection de la nature et des paysages et de développer une gestion équilibrée des ressources naturelles (wikipedia… Au conseil, ce n’était pas expliqué et vu les mines, je suppose que la plupart l’ignorait.) « Le 19, je serai à l’hôpital. »
La gestion du parc du Closo passe dans le giron de Cap Atlantique, en application de la loi NOTRe. Silence pesant. Comme pour l’office du tourisme l’an dernier. L’ennui est un ennemi coriace, paralysant, la maladie de notre temps, peut-être. Subvention à une Pénestinoise qui participe à un championnat de toilettage canin, son chien, pas elle, naturellement : 100 euros. « Des remarques ? Qui est contre… » On sent que la fin de ce Conseil n’est plus très loin.
C’est fini. Pour nous en tous cas. Il a duré 2 heures et 30 minutes. Le public n’est pas convié à la réunion fermée qui suit sur l’organisation des élections dans le contexte du coronavirus. Dommage ! Nous faisons vite. Une fois précédente, je n’avais pas été assez rapide et le maire m’avait tancé en répétant à mon endroit : « La séance est terminée. » Cette fois-ci, il a les yeux ailleurs. Que dire ? Il semble vouloir éviter que cette dernière frontière soit marquée trop nettement. Qu’y a-t-il au-delà ? Ce soir, ce n’était pas vraiment une fin, c’était une transition, se dit-il peut-être pour se rassurer.
P. Puisay, parti avant moi, a oublié son écharpe sur sa chaise. Acte manqué ? Freud vous l’aurait dit : si on oublie un objet quelque part, c’est qu’on a l’intention d’y revenir. L’histoire ne dit pas si J. C. Lebas a oublié son stylo, une heure plus tard, en quittant les lieux.