Par Edwige
La semaine dernière nous avons parlé du genêt à balais. Aujourd’hui, faisons connaissance avec son frère ou bien son cousin, bref, un proche parent de la famille des légumineuses : l’ajonc, ulex europeanus pour les intimes. Celui-là n’est pas commode. Hérissé de piquants, s’en approcher tient de la gageure. Et pour faire un bouquet de ses branches fleuries, à mains nues, il faut avoir une solide expérience de fakir.
Quand les arbrisseaux se déshabillent pour l’hiver
Quand la plupart des arbrisseaux se déshabillent pour l’hiver, lui garde non seulement son feuillage mais encore ses fleurs, dont le jaune vif éclate insolemment dans les sentiers bordés de prunelliers effeuillés et il défie la succession des saisons à laquelle tant d’autres de ses collègues obéissent docilement. Mais l’ajonc a un « truc », et une enquête minutieuse nous a permis de le découvrir : ce n’est pas le même arbuste qui fleurit toute l’année, c’est chacun son tour, suivant les espèces. Le premier à peine fané, il laisse la place au suivant : « à ton tour ! » ; et puis celui-ci au prochain : « à toi l’honneur ! » C’est que l’ajonc ne recule devant aucune ruse pour épater la galerie, même et surtout en hiver.
Vous savez tout ou presque sur l’ajonc, et sur sa famille si vous avez lu le précédent article sur le genêt. On pourrait s’étendre sur le sujet (pas sur l’ajonc, aïe!) et ajouter encore des descriptions techniques de ce genre : arbrisseau de 1 à 2 mètres, d’un vert cendré, très rameux, velu, à épines robustes, corolle jaune vif, gousses ovales large de 6-7 mm, etc. Vous apprendrez aussi qu’il habite dans l’Ouest et le centre de la France, rarement dans le Midi. Et en Europe occidentale, du Danemark au Portugal, et même en Suisse et en Italie.
Mais laissons plutôt aujourd’hui un peu de place à la littérature, sous la plume de Charles Le Goffic qui nous parle de l’ajonc, dans son romanCroc d’argent publié en 1922 :
« Tout contribue à faire d’elle une déshéritée »
« Comme elle est symbolique de ce pays, cette pauvre plante si méprisée, si haïe des économistes et des agronomes, cet ajonc qui enfonce dans le sol de Bretagne ses racines tordues comme des vrilles, tenaces comme des crampons ! (…) Ses contorsions, son air maladif et rabougri, les piquants dont elle est hérissée, la rouille qui l’envahit à l’automne, tout contribue à faire d’elle une déshéritée. Elle fait peur et elle fait pitié. Elle vit de rien, d’un peu de terre au creux d’un roc, de moins encore, de sable ou d’argile. Mais là où elle a ancré ses racines, elle est attachée pour l’éternité, elle ne craint ni le vent, ni le froid, ni la brume. Une vertu de résistance est en elle qui l’assure contre tous les assauts des éléments. Et, deux fois par an, avant et après tous les autres végétaux, la première et la dernière de toutes les plantes, elle se pare d’une floraison prestigieuse, plus belle que les plus belles, plus riche que les plus riches, une floraison qui l’enveloppe toute entière d’une éclatante tunique d’or. »
Vous avez bien lu, ses racines vrillent… Brrr… Pire que le genêt, dont les racines se contentent de pivoter.
Est-ce que cet arbuste est comestible ? Est-ce qu’il est utilisé par les humains ? On a peine à le croire mais c’est oui aux deux questions. Il est comestible par les animaux. Autrefois, les vaches en mangeaient à l’état de jeune pousse dans les landes. Puis, l’ajonc âgé de 15 à 18 mois était broyé pour leur servir de nourriture ainsi qu’aux chevaux. A la deuxième question on répond oui aussi. Car un peu plus âgé, toujours broyé, il servait de litière aux animaux. Et enfin, quand notre arbuste atteignait l’âge de 4 ou 5 ans, on le coupait pour en faire un combustible.
Mais quand l’agriculture s’est modernisée à partir de 1820, c’est sans état d’âme qu’on s’est mis à défricher, même si certains le regrettent maintenant. La surface des landes s’est rétrécie considérablement, de même que la place laissée à l’ajonc. On comprendra mieux le point de vue de Charles Le Goffic, formulé en 1922, et que ne partageaient certainement pas les paysans d’avant la modernisation, car l’ajonc n’a pas toujours eu mauvaise réputation. On essaie maintenant de le réhabiliter, et il a été choisi en 2016 comme emblème floral de la Bretagne.
J’en ai un gros dans mon jardin. il fleurit en hiver et apporte de la couleur au jardin. Je voulais le faire arracher, à cause de ses piquants nombreux et indésirables. Il produit des pousses nombreuses autour de lui, que je tonds régulièrement. C’est une plante typiquement bretonne envahissante. A garder ou à détruire ? Je dois avouer que ton article me fait douter. Je ne suis pas Breton, mais j’aime la nature … naturelle. Alors que faire ?