Les Mouclades battent leur plein dimanche après-midi. Le groupe de Rock à Billy donne de la voix et des riffs dans la Salle des fêtes où quelques couples ravivent les pas de rock de leur jeunesse. Ça rigole de bon cœur sur certains stands. Les crêpes font recette. Mais le micro nous presse d’aller au fond du grand parking de Toulprix pour l’attraction de l’heure : la curée des chiens de chasse.
Chevaux, sonneurs de trompes de chasse en grande tenue, une dresseuse avec son fouet, et surtout les chiens, une trentaine de beagles et de bleus de Gascogne, vigoureux, la queue dressée. On m’avait dit que c’était un spectacle violent, barbare même à la limite, et je m’attendais à retrouver l’ambiance de certains tableaux de maîtres comme celui-ci.
Eh bien, je vous laisse juges. Ces chiens sont propres sur eux, élégants, discrets, ils aboient peu, ne se chamaillent quasiment pas. Certes, leur arrivée est impressionnante. Cette bande, que dis-je ? cette meute de costauds body-buildés pourrait ravager tout le quartier, s’en prendre aux quelques chiens-chiens que des spectateurs ont amenés avec eux, assiéger la mairie, envahir la salle du Conseil, la crotter de partout, se faire photographier en Parlement des singes façon Banksy, puis ressortir et faire le tour du bourg au pas de charge en terrorisant jeunes et vieux.
Mais non, n’ayez crainte ! Ils sont si bien éduqués, pardon ! dressés. Tout leur apprentissage semble avoir consisté à acquérir la capacité d’attendre sagement leur heure et/ou leur tour, en réfrénant leurs envies et en adressant à leurs maîtres des regards pleins de sentiments élevés.
Ils illustrent tellement bien ce que la psychanalyse nous dit de la société qui musèle les pulsions encore animales de ses membres et leur impose un contrôle sévère qui à la longue finit par se sublimer dans l’art, la politique, les échecs ou le ping-pong. L’harmonie sobre (deux voix, une par rangée, qui se répondent et se risquent parfois à une brève polyphonie) des trompes de chasse contribue certainement à l’élévation des sentiments des chiens de chasse.
Il y a bien un ou deux filous qui s’écartent du groupe et tentent de chiper un morceau de barbaque pour eux tout seuls. C’est normal, c’est une proportion raisonnable. Combien y a-t-il d’anarchistes à Pénestin ? Sauf erreur, j’en compte quatre (qui d’ailleurs ne se fréquentent pas et ne créeront jamais ensemble une section de la Fédération Anarchiste). Vous voyez ! Aucun d’eux, d’ailleurs, n’a jamais volé le moindre morceau de quiqui (« rognures de viandes ramassées par les chiffonniers dans les ordures, restes ») puisque chez les humains, et même chez les anarchistes, on est moins cash que les canidés.
« Vous permettez, mon cher, je me permets de passer une patte devant votre museau pour attraper cet os. » « Mais faites donc, mon bon ami ! »
Ah, qu’il est agréable, comme à la sortie d’un bon restaurant, d’aller se dégourdir les pattes sur le gazon ! « Ils ont même arrêté leur musique décadente… » « Moi, le matin, j’écoute les Stooges, c’est mon ancien maître qui m’a fait connaître. Je peux te dire, c’est autre chose. » « Ah ! Et tu connais pas ‘Hound dog’ par Elvis ? » « Et ‘Three dog night’ !? » « Banane, eh ! C’est pas une chanson, c’est le nom du groupe ! »
J’avoue ma très grande perplexité à ce que l’on ait proposé à la population de Penestin, dans le cadre des fêtes populaires – dans le bon sens du terme – que sont les Mouclades et qui réunissent toutes les générations ce genre d' »attraction » (!!?) quelque peu sanglante, qui plus est reflet de privilèges d’un autre temps. Qu’en ont pensé les défendeurs de la nature locaux ? Une simple prestation des sonneurs sans cette mise en scène morbide n’aurait-elle pas été suffisante ?
Quant au ton choisi pour traiter cette curée, à goûter au second degré, mais faudrait-il en déduire, par l’allusion au Parlement de Bansky, que nos « faux-cousins » les chimpanzés seraient plus humains et sensés que certains de nos compatriotes en habit ? « Bonnes manières » vous dites ? ….