Pénestin, futur village lettré ?

8 auteurs ce samedi matin à la Médiathèque de Pénestin : voilà un événement peu commun. Ces auteurs ont pour certains un lien avec la commune justifiant le qualificatif de « locaux ». Je vous le disais bien, depuis longtemps : Pénestin a une vocation pour les lettres et le cinéma. Et je vous parle ici de production et de création, pas simplement de consommation. Un jour, la commune attirera les tournages de films qui se disputeront ses paysages et ses ressources et trouveront dans sa sociologie et son histoire matière à nourrir leurs scenarios. Les retombées économiques seront loin d’être négligeables.

Mais l’expérience qu’ont les Pénestinois de leur commune a ses mystères. Elle ne peut se dire toute entière par le biais des images. Les mots font plus de place à l’imagination : l’auteur préserve une marge, il ne vous dit pas toujours qu’un pull-over est rouge ou noir, ni qu’une falaise est argileuse ou rocailleuse. Il vous laisse compléter à votre guise. Son imagination rencontre la vôtre, se prolonge dans la vôtre. Les mots ont des secrets et les phrases des replis. 

Il n’est pas surprenant que Pénestin ait ses écrivains : Bruno Philipp, Kyra Gomez, Thierry Fériot, Alain Pérais… Et ses ateliers d’écriture, avec l’association Léz’arts en Mer où l’on vient de loin pour apprendre à jongler avec les mots et, au Bateau-livre, l’atelier d’Hélène Saudubray, une véritable institution. Une librairie justement, le Bateau-livre, allez donc visiter ses rayons féminisme ou philosophie, miraculeux pour un village de 2000 habitants ! Un prix littéraire, celui du Premier roman de l’Estuaire. Et des centaines de lecteurs, de vrais lecteurs, de ceux qui passent des nuits à lire, de ceux qui en tirent d’authentiques joies qui font briller leurs yeux fatigués. 

Un jour, Pénestin saura révéler sa vraie nature de « village lettré ». Je vous parle de cinéma et de littérature. Pas de musique, à regret. On m’en a expliqué la raison : trop enclavée, trop peu de transports pour que les jeunes aillent apprendre la guitare ou le piano à Vannes ou à Saint-Nazaire. Il faudrait peut-être évoquer les sculptures de bois flotté. Ou d’autres arts moins bien répertoriés : cuisine, déco, jardin…

En voyant le programme de cette manifestation d’auteurs locaux, j’ai cru que l’on franchissait un pas vers la reconnaissance de la littérature à Pénestin. En réalité, l’événement ne cache pas sa visée commerciale. Le sous-titre indique « Un livre pour Noël ». Il s’agit de « faire son marché de Noël littéraire », précise l’Echo de la Presqu’île, qui ajoute : « Chaque auteur aura son espace avec ses ouvrages disponibles aux dédicaces et à la vente. »

Point de rencontre, et encore moins de débat, entre les auteurs, ni avec le public. Quant à la cohérence, je l’ai cherchée, mais en vain. Il est vrai que la question est difficile. Un auteur « local » n’écrit pas toujours, ou pas uniquement, sur des sujets locaux. Un sujet local est parfois traité avec talent par un auteur qui ne fait que passer, ou bien par un amateur qui n’a pas, ou pas encore, développé le style personnel qui ferait de lui un auteur. Je ne parle pas même ici de l’orthographe que personne, pas même un logiciel, ne corrige lorsque l’ouvrage est édité à compte d’« auteur ». 

Mais qu’importe après tout ? Chacun est en droit de s’exprimer. Et d’ailleurs, avez-vous remarqué que celui qui n’a pas de style et fait des fautes établit parfois un rapport plus direct, plus décomplexé, disons, avec ses publics lorsque ceux-ci – et c’est aussi leur droit, heureusement ! – ne sont pas certains de maîtriser tous les codes de l’écrit. 

Alors, ne boudons pas notre plaisir ! Allez donc rencontrer les 8 auteurs « locaux » qui vous attendront demain matin à la Médiathèque. Achetez-leur des livres, si cela vous chante. Après tout, Noël est dans à peine plus d’une semaine. Ah ! Vous préférez réserver ce samedi pour aller chez Leclerc !? Tant pis pour vous. 

Je vous donne quand même un aperçu des festivités.

Un cadavre découvert sur la plage de Kerandré, ça a de la gueule ! Ce sont les lieux que nous fréquentons au quotidien qui acquièrent une seconde vie. Pour ma part, lorsque j’ai écrit le premier article de ce blog en 2018, « La géographie personnelle de Monika à Pénestin », où Monika me parlait de l’odeur de la mer, « une mixture un peu animale », acide, qui mêle le sel et le poisson, je n’imaginais pas que le livre d’Isabelle Piquelin« La mort s’invite à Kerandré » était alors en gestation dans ce même lieu. Nous aurions pu, nous ou nos mots, franchir les barrières, pénétrer dans son roman, être les premiers témoins du meurtre qu’elle relate, poursuivis peut-être par l’assassin, les pieds pris dans la vase alors que la mer se retire démesurément.

Gilles Houdouin, ancien professeur d’université à Rouen, vit à Férel. Venu à l’histoire par le biais de la généalogie à moins que ce ne soit l’inverse, il remonte les siècles, exhume lui aussi des cadavres et mène l’enquête à l’époque de Louis XIII en Anjou. Enfin, pas lui, mais un personnage qui lui ressemble, explique-t-il. Il raconte aussi la seconde guerre mondiale du point de vue de son grand-père. Pénestin ? Il nous le dira. Mais il y est question de la Poche de Saint-Nazaire (1944-45), restée sous contrôle allemand alors que la France alentour se libérait.

De la Poche et des « empochés », il sera peut-être aussi question avec Yannic Rome, qui a enseigné à Pénestin et s’est passionné pour les « Bacs et ponts en Morbihan », ouvrage qui fait une assez large place à la Vilaine et évoque évidemment le bac de Tréhiguier. D’autres ouvrages reviennent sur la guerre scolaire dans le Morbihan, ou encore un projet de tramway ou de petit train La Roche-Bernard / Férel / Pénestin en 1908. Voilà qui aurait peut-être changé la face de nos communes, désenclavé Pénestin, facilité les études pour les jeunes du village, ouvert des opportunités économiques… 

Hervé Dréan, bien connu à La Roche-Bernard et moins à Pénestin, a rassemblé une multitude de récits auprès des personnes âgées dans une zone rayonnant autour de La Roche-Bernard et de Nivillac, et recueilli les traditions, les chants, les musiques. 

Un travail comparable a été mené à Pénestin par Bruno Philipp qui a publié cette année son « Pénestin, mémoires d’Outre-Gens », superbement illustré et qui ne laisse à l’écart aucun aspect de la vie quotidienne de notre commune à travers les âges. L’importance de cet ouvrage est bien soulignée, en préambule, par Marie-France Baudrais, épouse du maire honoraire de la commune : « Etranger à toute nostalgie, il relève le défi que lance l’érosion de la mémoire collective, en référence au propos de Nietzsche : ‘Le futur appartient à celui qui a la plus longue mémoire’. »

Habitant de Nivillac, Pierre-Marie Prat, qui fut conservateur de musée et réalisateur de documentaires, est l’auteur de trois romans et vient de publier un recueil de nouvelles intitulé « La maison du pendu ». Il opère à présent comme« écrivain-fantôme », terme par lequel il décrit la rédaction de biographies pour des personnes privées. Il a tiré de cette activité la matière d’un de ses romans, « Madeleine L. »

Bernard Le Mené vit à Guérande et présente un livre sur les chemins de Compostelle. Il intervient un jour par semaine au centre du Palandrin où il assure une éducation religieuse.

Laetitia Seigneur, enfin, familière à ceux qui suivent l’actualité politique locale de Pénestin. Si vous avez raté un épisode, sachez que pour avoir manifesté publiquement sa lassitude des us et coutumes de la majorité municipale, elle a subi l’ire vengeresse du maire qui l’a privée de son poste de première vice-présidente de l’office de tourisme de la presqu’île guérandaise. Passionnée par le thème du tourisme, elle continue néanmoins à tenir un blog, petitesbalades.fr, qui centralise la publication de livrets de vacances destinés à faire découvrir, aux petits et aux grands, les lieux incontournables de leurs vacances en « Bretagne plein Sud » : histoire et histoires, anecdotes et surprises, traditions, gastronomie…

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