Chroniques locales du temps jadis – De 1840 à 1939 – Pénestin dans la littérature … ou de la réalité à la fiction.

Par Jean-Yves R.

Au fil de mes recherches est apparu qu’un certain nombre de romans ou nouvelles numérisés par la Bibliothèque Nationale (site BNF/Gallica) – et pour certains lisibles dans leur intégralité – citaient Pénestin. D’où l’occasion de faire (re)découvrir ces écrits sous des signatures connues ou inconnues et dont l’inspiration, relevant pour la plupart de l’origines bretonne de leur auteur, avait pu être également sensibilisée par les paysages et l’atmosphère du pays maritime de Vilaine.


Extraits choisis (l’année est celle de la première parution).

= 1840 – « Tribord et babord »

Recueil de romans maritimes d’Edouard Corbière (1er avril 1793 Brest – 27 septembre 1875 Morlaix) – Dumont éditeur, Paris, Salon littéraire du Palais-Royal.

Jean Antoine René Édouard Corbière était un homme aux vies multiples, à la fois marin, armateur, journaliste et écrivain. Considéré comme le père du roman maritime en France, il fut aussi celui du jeune « poète maudit » Tristan Corbière (1845 Ploujean – 1875 Morlaix) dont l’oeuvre unique mais
novatrice (« Les amours jaunes ») ne fut reconnue à titre posthume que grâce à Paul Verlaine. La troisième et dernière partie de « Tribord et babord » – intitulée « Un noble corsaire – Historiette de mer » évoque une héroïne, Elvige, fille du marquis de Plougean, habitant Lorient mais réfugiée un temps avec celui-ci et sa gouvernante Madeleine en pays de Penestin au château de Kervas qui n’est lui, par contre, que de fiction mais peut-être inspiré par celui de Kerougas en Asserac.

(Page 311 et suivantes)

« … Un soir qu’en parcourant avec Madeleine, le rivage qui borde les murs antiques de Kervas, Elvige laissait errer ses regards sur la mer qu’agitaient au loin les vents orageux de l’hiver, les deux solitaires du château aperçurent au large une voile qui semblait lutter avec les premiers efforts de la tempête ; bientôt cette voile qui avait déjà attiré l’attention des pêcheurs des environs, sembla grossir à leur vue en cédant à l’ouragan qui la poussait avec fureur vers les rochers dont la côte est hérissée en cet endroit dangereux du littoral de la Bretagne. Mais à la manoeuvre que fit dans un moment aussi décisif le navire aperçu, on put aisément deviner qu’il devait avoir à son bord quelque pilote familiarisé avec la périlleuse navigation de ces parages. Avant la nuit en effet, le bâtiment pour le sort duquel on avait d’abord tremblé, fut assez heureux pour jeter l’ancre à quelques encablures de la pointe de Penestin, et Elvige, qui jusqu’à l’arrivée du navire n’avait pas voulu quitter la plage sur laquelle elle avait aussi bravé la tempête et la pluie, ne rentra au château avec Madeleine, qu’après avoir appris le nom du trois-mâts que la bourrasque avait jeté si soudainement sur la rade hospitalière de l’embouchure de la Vilaine. Ce trois-mâts, avec lequel les pêcheurs avaient pu enfin communiquer une demi-heure tout au plus après son mouillage en rade, était le corsaire le « Montesquieu » de Bordeaux, commandé par un jeune officier que l’on désignait sous le nom du « capitaine Pierre ».

L’arrivée d’un beau bâtiment de guerre dans ce petit port, plus connu des caboteurs que de la grande marine, devint pour les habitants de Penestin, un véritable événement, et bien avant pendant la nuit, les pêcheurs attirés par la curiosité sur le rivage , ne parlèrent que du trois-mâts que la tempête avait amené sur leurs côtes.

Le lendemain de cette nuit d’orage et d’émotion, la mer s’étant calmée, et le soleil ayant souri comme après toutes les bourrasques, à la nature encore accablée des coups redoublés de la tourmente, on vit le « Montesquieu » livrer tranquillement au souffle paisible de la brise du matin, les voiles que les grainasses de la veille avaient détrempées sur les vergues fatiguées.
L’équipage du corsaire en relâche, livré à ce repos si doux et à cette indolence si délicieuse qui succèdent si soudainement quelquefois aux angoisses du péril, obtint de son capitaine l
a permission de faire connaissance avec la terre qui venait de leur prêter un abri propice, et alors on apprit qu’à Penestin que le « Montesquieu », parti de Bordeaux depuis près d’un mois, était parvenu dans sa première croisière à capturer deux riches prises qu’il avait expédiées pour Nantes. Le « Montesquieu » devait au reste appareiller dans deux ou trois jours au plus tard pour reprendre la mer, après avoir réparé au mouillage quelques petites avaries… »
(page 318)

« …Dès les premiers pas que le capitaine Pierre eut à faire sur le rivage qu’il se proposait d’explorer, il eut lieu de s’apercevoir que le jour qu’il avait choisi pour son excursion sentimentale était précisément un dimanche. Déjà même un assez grand nombre de paysans, levés avant l’aurore, se rendaient lentement par groupes, vers la petite chapelle de Penestin. Le capitaine
pensant avec raison que, si comme il en était convaincu, la belle Elvige habitait le château de Kervas, elle ne manquerait pas d’assister à l’office divin… »
(page 325)

« …. Dans la matinée du jour qui suivit cette nuit dont nous venons de retracer les événements , le corsaire le « Montesquieu » quittait la petite rade de Penestin, pour aller poursuivre au large sous le commandement de son romanesque capitaine la croisière qu’il avait si bien commencée, et
qu’avait un moment interrompue sa courte relâche à l’embouchure de la Vilaine… »

§§§§§

= 1878 – « Histoire d’un honnête homme et d’une méchante femme »
de Paul Perret (12 février 1830 Paimboeuf – 25 juillet 1904 Pornic) E. Dentu Libraire-éditeur à Paris.

Journaliste, romancier, feuilletoniste et critique dramatique, ami d’études de Jules-Verne, d’abord encensé puis décrié par Emile Zola après il est vrai une critique sur « La faute de l’Abbé Mouret », Perret s’inscrivait dans la lignée des auteurs prolifiques de la fin du XIXème siècles (plus de 90
nouvelles, romans ou autres ouvrages recensés de 1856 à 1904) mais pas forcément à grand succès de librairie ou cantonnés dans un genre (« auteur de nouvelles pour dames » pour ce qui le concerne).

Si le roman ne fait que peu de références à Penestin qui n’est citée qu’à trois reprises, on notera toutefois que l’un des protagonistes, le marquis de Keralio de Sainte-Maure, possède un domaine que l’on peut, par le contexte, situer sur la commune :

(page 225) « …Personne n’ignorait qu’outre cet hôtel, situé dans la rue de Grenelle-Saint-Germain, dont il s’était réservé le rez-de-chaussée seulement, et dont il louait l’étage supérieur à madame de Rosbras, son ancienne amie et vénérable marieuse du précédent automne, Sainte-Maur ne possédait que son domaine de Keralio, dans le Morbihan, le château, son parc et dépendances, dix-huit métairies, onze tours de moulin, quatre cent hectares de bois, le tout
produisant ensemble, bon an, mal an, un revenu de 36.000 livres…. »

(page 235-236) « … – Ah ! fit-elle, si je pouvais bien la comprendre, cette différence ! Mais, ou j’ai bien peu de discernement, ou elle est si absolument subtile !… Je vous vois aussi à Penestin, dans notre petite villa, un soir…. Oh ! Oui, je vous vois, je vous entends me dire : « Viviane, on m’a fait injure en pensant que je cesserais de vous aimer parce que votre famille est devenue pauvre ! … »

(page 237) « … Henri, est-il possible que vous ayez dit à mon père, lorsque le hasard vous conduisit à Penestin, où vous m’avez connue il y aura bientôt un an, que vous n’aviez jamais aimé que moi ? …. »

(page 242) « … Or cette vengeance se présentait d’elle-même ; il suffisait d’instruire Viviane de la dernière aventure de son mari. La jeune marquise en aurait pardonné peut-être de plus légères. Celle-ci avait un caractère semi-conjugal qui ne pouvait que lui paraître fort sérieux.
Quoi ! tandis que Sainte-Maur écrivait à Penestin lettres sur lettres pour arracher à Viviane et à sa mère leur consentement à un mariage que leur délicatesse ne regardait plus comme possible, il se laissait à Rosbras surprendre le sien à d’autres projets tous pareils… »

A suivre…

© Jean-Yves R. – Brancelin
25 novembre 2019

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