Je signerai la pétition en soutien à Vincenzo Vecchi

Je reçois hier soir un mail de soutien à l’Italien Vincenzo Vecchi, réfugié dans le Morbihan, à Rochefort-en-Terre, depuis 2011. L’Italie l’a condamné à 12 ans de prison et demande son extradition. Pourquoi ? Il a participé aux manifestations contre le Sommet de Gênes en juillet 2001. Il a cassé, frappé, volé ? Il s’est seulement trouvé à proximité lorsqu’une banque et un véhicule ont été dégradés. Il est anarchiste et altermondialiste.

Alors ? Eh bien, il sont 10. Choisis comme ça, pour l’exemple. Tenus pour responsables des violences survenues lors des manifestations auxquelles ils ont participé. Responsables d’avoir manifesté. Vous manifestez, un petit con balance un pavé et manque de vous éborgner au passage, on ne lui demande rien, on en prend un au hasard, vous, tiens : pas de chance, c’est vous qui paierez pour lui. Vous êtes coupable d’avoir été présent. C’est dissuasif, pas vrai ? Ubuesque. Kafkaïen. Et qui a inventé une loi aussi monstrueuse, qui porte atteinte au droit même de manifester ? Cette loi s’appelle « Dévastation et pillage », elle est l’oeuvre d’Alfredo Rocco, ministre de la Justice fasciste sous Mussolini, en 1930. Qui n’a rien à voir avec Alain Delon dans « Rocco et ses frères »… Cette loi, longtemps oubliée, n’a jamais été abrogée, comme l’ensemble du code Rocco.

Vincenzo Vecchi est arrêté en 2019 à Rochefort-en-Terre, où il est connu et apprécié, selon de multiples témoignages, et participe à de nombreuses activités associatives. En 2020, la Cour d’Appel d’Angers juge que les motivations de sa condamnation par la justice italienne sont trop floues : en droit français, se trouver à proximité ne signifie pas être complice. Mais voilà que l’affaire est portée par le Procureur devant la Cour de Cassation de Paris, qui demande un avis de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne). Celle-ci s’est prononcée le 14 juillet dernier : un Mandat d’Arrêt Européen prime sur les décisions des tribunaux français, les Etats de l’Union européenne se font confiance mutuellement et n’ont pas à rejuger une affaire. Et si les Cours d’Appel d’Angers et de Rennes ont jugé bon de le faire ? Tant pis pour leur indépendance…

On fait quoi ? On signe toutes les pétitions qui se présentent ?

L’audience du 11 octobre de la Cour de Cassation de Paris sera sans doute la dernière. Sa décision d’extrader ou pas Vincenzo Vecchi sera irrévocable. Le Comité de soutien à Vincenzo fait circuler une pétition sur https://www.comite-soutien-vincenzo.org et appelle à des manifestations à Nantes et à Paris.

Bon, et alors, on fait quoi ? On signe toutes les pétitions qui se présentent ? Vous n’êtes pas anarchistes, moi non plus. Ah bon ! Vous jugez quelqu’un sur ses idées plutôt que sur ce qu’il a fait ou pas fait « pénalement » ? Vos enfants, et peut-être même vos petits-enfants, n’ont jamais manifesté ? En tous cas, ils ont des chances de le faire ces prochaines années alors que le monde que nous leur laissons se dissout en petits morceaux. 

Vous voulez qu’ils soient jugés selon une loi voté sous le fascisme de Mussolini qui avait justement pour vocation de dissuader les Italiens de manifester, d’éviter qu’ils fassent comme ces Français qui n’ont jamais autant manifesté que pendant les années 1930 ? Le Front Populaire, les congés payés : si on avait pu les empêcher, soit dit en passant, plus de Pénestin ! Notre commune s’est développée grâce au tourisme, ses colonies de vacances, ses campings, ses résidences secondaires !

Un de mes collègues était à Gênes. Il m’a dit qu’il étouffait sous les gaz et les coups, il a cru qu’il allait mourir. Mourir… En 2017, le chef de la police Franco Gabrielli déclarait : « La gestion de l’ordre public au G8 de Gênes fut tout simplement catastrophique. », « les excuses a posteriori » ne suffisent pas. « Un nombre incalculable de personnes innocentes ont subi des violences physiques et psychologiques qui les ont marquées à vie. Si aujourd’hui encore, 16 ans plus tard, c’est un motif de douleur, de rancoeur, de défiance envers la police, cela signifie que la réflexion n’a pas été suffisante. »

Une « boucherie », des « actes de torture »

La police locale qui connaît le terrain de cette ville complexe entre la mer et les reliefs, avec ses ponts (dont l’un s’est écroulé par la suite), est mise à l’écart au profit des unités anti-émeutes venues de toute l’Italie. La réception organisée sur 3 jours par Silvio Berlusconi pour accueillir entre autres George Bush Jr. et Vladimir Poutine réclame son dû : 1 mort, le jeune Carlo Giuliani, et 600 blessés. Il est vrai que les organisateurs de la manifestation n’ont pas su tenir leurs troupes, ajoute, certainement avec raison, le chef de la police italienne. N’attendez pas de moi que je ne vous délivre qu’une vérité partielle.

Au troisième jour, les unités d’élite investissent l’école Diaz où dorment des dizaines de manifestants. Ils prétendent y avoir trouvé des cocktails Molotov qu’ils ont eux-mêmes amenés. L’assaut se transforme en « boucherie ». Les manifestants sont conduits dans une caserne où un haut responsable policier reconnaît plus tard qu’il y a eu des « actes de torture ». Amnesty International dénonce « la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental » de l’Après-Guerre. 15 ans plus tard, l’Italie est condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour n’avoir jamais poursuivi en justice, ni même identifié les auteurs de violences.

Vincenzo Vecchi, quant à lui, déclare : « Je m’honore d’avoir participé en homme libre à une journée de contestation contre l’économie capitaliste. »

Pour que nos petits-enfants, qui lutteront pour que leur planète demeure habitable, puissent encore s’exprimer

Je signerai la pétition contre son extradition : 

– parce qu’il faut s’appuyer sur l’histoire – et ces faits y appartiennent déjà – pour anticiper l’avenir

– parce que nous vivons nous aussi dans le Morbihan et qu’un citoyen ne devait pas, à mon sens, renoncer à ses droits de s’informer, de réfléchir et de s’exprimer dans sa zone d’appartenance

– parce qu’il faut juger avec sa raison et avec son coeur, pour éviter que les ferments de haine prennent le dessus à l’occasion de tous les conflits que s’apprête à générer le dérèglement climatique

– parce que je souhaite que nos enfants et petits-enfants, les miens et les vôtres, qui vivront des temps difficiles, qui lutteront pour que notre planète demeure habitable, aient encore le droit de s’exprimer, sans subir les mêmes exactions que leurs prédécesseurs parce qu’elles n’auront pas été dénoncées.