« Dis à mes aïeux et dis à ma maman – Que ce sera merveilleux à Lampedusa – La prochaine étape c’est l’Eldorado – mon Dieu mon Dieu ! » Vos oreilles se dressent. Ce jeune chanteur d’« afro pop music », autrement dit de variété africaine, serait-il un chanteur à textes ? Ne vous fiez pas aux catégories ! Écoutez, regardez.
Nous sommes le mardi 21 août. Une scène minuscule a été installée à la Mine d’Or, le dos à la mer, en cette chaude fin d’après-midi. Le public est encore clairsemé. Alvy Zamé et Fred montent sur scène. « Alvy » comme Alving, le prénom anglais. Et Zamé, parce que ça sonne mieux que Méza, une réminiscence de « mesa », la table en espagnol. « Alors, tu as la convivialité dans les gènes ?! » « Je crois que oui », répond-t-il avec ce sourire qui est un peu sa marque de fabrique.
La batterie de Fred est claire, tonique, aérée, son et rythme impeccables. Alvy chante en s’accompagnant de sa guitare sèche. Musicalement, c’est clean, les basses résonnent à côté des accords plaqués franchement et des frappes étouffées sur les cordes. M’est avis que ce garçon n’a pas écouté seulement Bob Marley et qu’il aime aussi Jimi Hendrix ! Les paroles de la première chanson disent : « J’arrive à un moment dans ma vie où les décisions ne sont pas faciles à prendre ». On l’imagine dans son deux-pièces de La Baule chercher les mots pour traduire sur un cahier d’écolier une crise de la trentaine qui ne fait encore qu’approcher.
Pourtant Alvy a connu la guerre dans son pays double, le Congo de son père et celui de sa mère des deux côtés du fleuve. Venu en France, reparti, il est lui-même devenu militaire. Puis, à la mort de son père, musicien, il décide de reprendre le flambeau. Une chance dans son parcours : l’émission de variétés « The Voice », où Florent Pagny et les autres membres du jury s’extasient devant son talent. « À l’époque, on me reconnaissait dans la rue. » Mais la notoriété ne dure pas, et s’engage avec Fred, tous deux intermittents du spectacle, une reconquête à coups de dates dans les stations de la côte dont ils vivent à peine.
« Vous allez bien ?! » Le public est maintenant un peu plus nombreux. Certains commencent à danser. Le sourire d’Alvy n’est plus seulement professionnel comme dans la première heure. Il aime que les gens soient heureux. Il aime les voir sourire. Il aime donner. Du coup, il reprend le même répertoire et entame une deuxième heure de concert. La mayonnaise a pris. Il y a là des jeunes, blacks et blancs mélangés, des familles décomposées, des vieux. Sa voix est chaude, contrastée, souvent douce, parfois râpeuse. Il reprend une deuxième fois « Get up stand up » de Bob Marley, dans sa version adoucie, presque sucrée. Ce n’est plus un hymne à la rébellion, c’est juste de la très bonne « afro pop music »…