Jaona à l’Annexe de Tréhiguier
« Bienvenue ! Que tous les sourires soient les bienvenus ! » Jaona, alias Didier, est debout au milieu du public. Il circule entre les tables. Il annonce que son spectacle sera un récit. Il va raconter un quartier, une femme, des rencontres. Et on saisit déjà qu’un récit, cela parle du passé, mais ça se dit au présent, avec d’autres rencontres, sur le vif, inattendues, imprévues.
Nous sommes le 25 août, le dernier samedi d’août, à l’Annexe de Tréhiguier, haut lieu de la musique live. En été, l’Annexe brasse locaux et estivants, mais le même esprit se retrouve toute l’année, avec les mytiliculteurs qui viennent boire un verre après la marée, les branchés ou pas, les voisins et ceux qui viennent de La Roche Bernard ou d’Assérac, les motards, les randonneurs, les flâneurs, les rêveurs. L’annexe, royaume de Lili, est un lieu indispensable à la vie de Pénestin.
« Dans l’adéquation de plusieurs inconnues, quel était ce quartier inconnu ? De là où j’étais, je l’ai aperçue. Elle était là, c’est celle qui fume. » Jaona, Didier, raconte, chante, joue. Sa voix est chaude, irradiée par son sourire constant. Son jeu sur une sorte de machine magique démultiplie les sons qu’il émet et leur adjoint quelques sons préenregistrés. Sa voix ? « Oui, toujours. Depuis petit, j’ai toujours voulu explorer la voix comme instrument. » Et même la contrebasse de tout à l’heure ? « Oui, c’était aussi ma voix. Je la travaille beaucoup. » À bien y regarder par les petites fenêtres qu’il a ménagées pour qu’on continue à le voir, sa machine, « la grosse Bertha », comme il dit, est en fait un assemblage de petites machines mises bout à bout.
Le résultat : un océan de sons enveloppants, chœurs, contrechants, bruitages, rythmes, bouts de conversation… Il se penche pour un réglage, concentré. Puis relève la tête et retrouve immédiatement son sourire. « On a fait la connaissance de Fanch. Quelle belle soirée ! » « Ah, ouais », répond quelqu’un en écho dans le public. « Comment tu t’appelles ? » « Ça commence par un G, en une syllabe. » « Gilles… Jules… Greg… » « Guy !! Et ça ne se voit pas, mais je suis coiffeur. » Son crâne est lisse comme le dos de la main. « Et comme disait Louis Chedid, on ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime. » « Je t’aime », lui répond Didier.
Le soleil chauffe doucement. Lili est tombée en arrêt face à lui, avec sa menthe à l’eau et sa cigarette. À la fin, je demande à Didier : « tu es plutôt chanteur ou plutôt homme-orchestre ? » En fait, c’est un orchestre de voix, d’une voix, de sa voix. Son spectacle est tout neuf, il a moins d’un an. Il a fait une quinzaine de dates depuis l’automne dernier. Il vit à la campagne, dans les Côtes d’Armor, avec sa femme et son fils. Il reviendra certainement.