David D3 expose au Bateau Livre

« Les Africains sont très joueurs avec les animaux, tactiles. Ils sont capables d’attraper un serpent à mains nues. Ou bien de se mettre une tortue sur la tête en guise de parapluie. » Les rêves de David D3 sont peuplés d’éléphants, de tigres, d’agneaux… Ils sont contagieux et on a tôt fait de s’extasier nous aussi devant son éléphant ou ses boucs.

David Duchesne, de son vrai nom – avec 3 D, d’où son nom de code… – dessine depuis toujours, mais il ne peint que depuis 5 ou 6 ans. C’est une amie artiste qui lui a conseillé de tenter l’expérience. Alors, il ne s’est pas contenté d’apprendre, il a inventé une forme de peinture qui n’appartient qu’à lui. « Je commence par un crayonné auquel je consacre beaucoup de temps. Puis je repasse par-dessus à l’encre de Chine. Ensuite, je dépose une fine couche de glacis d’huile qui couvre l’ensemble du dessin. Je la resculpte avec un de ces couteaux souples que l’on utilise dans la poterie, ou parfois un chiffon. C’est la phase la plus créative, elle fait réapparaître le blanc dans un mélange d’intention et de hasard. Le dessin se transforme. C’est l’étape de la liberté. »

Les métamorphoses menant du dessin au tableau

Sur sa page facebook, voici un exemple de quelques unes des métamorphoses menant du dessin au tableau… Dans une première période, il a peint des corps de femmes fusionnant avec des machines, un peu dans la lignée du regretté Thierry Jonquet peut-être, puisque nous sommes dans une librairie (Ad vitam aeternam ou Mygale), ou encore de James G. Ballard, auteur de Crash. Mais à présent, ce sont les rapports entre l’humain et l’animal qui l’occupent. Cette communication où les paroles de l’humain ne valent plus que par leur intonation, où le geste, la caresse, le contact – ou le regard ! – sont devenus le nœud qui nous lie. Où l’animal répond par de l’invisible, du mystère, un sixième sens dont seul un humain doué de patience parviendra peut-être à déchiffrer quelques bribes.

L’occasion de dire qu’aujourd’hui même, le prix Renaudot vient d’être décerné à Sylvain Tesson pour « La panthère des neiges », un récit qui a pour théâtre les vastes plateaux du Tibet, à 5000 mètres d’altitude et par moins 30°, où les panthères s’approprient les territoires que les humains jugent par trop inhospitaliers. Tesson, voyageur compulsif s’il en est, se surprend lui-même à faire l’éloge de l’immobilité, de l’attente, de l’affût, du silence, le tout dans son style inimitable et légèrement crispant (cf. “L’écriture d’un surdoué : Ollivier Pourriol, ‘Mephisto valse’“, le 6 octobre 2019) : « Panthère, le nom tintait comme une parure. Rien ne garantissait d’en rencontrer une. L’affût est un pari : on part vers les bêtes, on risque l’échec. » Tesson qui se rachète de faire tinter les parures (mais l’image est juste et belle…) en nous confiant que son nom de famille signifie « blaireau » en ancien français, et en recherchant les voies d’une parenté, qui sait ? avec le règne animal.

Le mystère toujours entier de ce qui lie les hommes et les bêtes

Fin de la parenthèse. Et toi, David, tu es allé en Afrique ? « Je n’en ai pas besoin. Ce que je dois savoir, je le sais par les livres, les photos. » Par exemple Hans Silvester, ce grand photographe allemand basé depuis 60 ans dans le Sud de la France et qui a si bien montré les liens spontanés – ou magiques – que les Africains entretiennent avec les animaux. À regarder ses photos, on comprend la filiation de David D3 à son égard, le bonheur qu’il doit éprouver à faire émerger sur une toile le mystère toujours entier de ce qui lie les hommes et les bêtes, à travailler la texture des cornes ou des pelages, à méditer longuement sur l’énigme de l’animalité, si proche, si insondable.

Hans Silvester

À Saint Lyphard, il y a des chats. David en parle avec passion et respect. Il ne les peint pas, les chats, car les poils sont peu adaptés à sa technique de peinture à l’huile et au couteau. Bientôt, il peindra des figures mi-homme, mi-animal, des centaures et autres animaux fantastiques.

David D3

L’expo est à voir jusqu’au 5 janvier 2020. Et si David est là, profitez-en donc pour tailler une bavette avec lui. Il fait partie de ces artistes qui savent mettre des mots sur leurs œuvres et qui le font bien, en toute modestie. Et si l’inspiration vous gagne pour décrire vous-mêmes, avec des mots, telle ou telle des œuvres exposées, j’accueillerai très volontiers votre prose dans les commentaires de ce blog !

Pour le fun, voici l’enregistrement de “Animal on est mal” par Gérard Manset au “Petit dimanche illustré” du 12 mai 1968 (!) : https://www.youtube.com/watch?v=Xrexn9CZW5M

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