Comme un départ à la retraite bis

Katherine Regnault avait annoncé au Conseil municipal du 28 janvier qu’elle démissionnait de son poste de Première adjointe chargée des affaires sociales, des solidarités, de la proximité et de la vie quotidienne. Vie quotidienne : voilà qui me plonge dans une rêverie qui risque de me détourner de l’écriture de cet article… Tout ce qui me passionne ! J’ignorais qu’une élue en avait la responsabilité… Et même qu’elle avait été classée protocolairement en tête des adjoints au maire de Pénestin.

« Les Jean-Claude, je connais ! »

Je me disais depuis longtemps que Katherine Regnault était l’un des seuls membres du Conseil avec qui je n’avais jamais eu l’occasion de parler. Pourtant, lorsque je me suis avancé vers elle en arrivant au Conseil du 5 février, elle m’a tout de suite souri, semblant me reconnaître. Oui, me dit-elle, sa démission est justifiée par des soucis de santé. D’ailleurs, elle arrive d’un rendez-vous chez le médecin. Et son sourire est las, sa voix fatiguée.

Elle est conseillère depuis 1995, Première adjointe depuis 2008. Toujours chargée du « social » : personnes âgées, handicap, enfance, famille. Elle chapeaute aussi l’EHPAD : 50 résidents, 39 emplois à temps complet. 39 : ma rêverie reprend… Voilà donc une partie non négligeable des emplois de Pénestin, si difficiles à localiser. Outre la mytiliculture, le télétravail, le commerce, l‘artisanat : les services à la personne.

Au début de ce Conseil convoqué pour nommer son successeur, elle répond avec douceur. « Ces 24 années ont été des années très fortes. » Le maire : « J’ai mauvais caractère aussi. » K. Regnault : « Les Jean-Claude, je connais ! » (rires dans la salle) Le maire : « Je pense qu’on n’a pas besoin de beaucoup de mots. » (souhaite-t-il qu’elle abrège son intervention ?) K. Regnault : « Je vous remercie tous. Et Jeanne. Merci Jeanne ! » Jeanne, c’est Jeanne Girard, prévue pour lui succéder.

« Nous avons l’habitude de travailler ensemble »

On s’apprête à voter. Jeanne Girard est la seule candidate. Gérard Le Maulf, membre de la « minorité », terme qui remplace celui d’« opposition », souhaite faire une déclaration : « Je vais reprendre ce que nous nous sommes dit hier soir. On aurait pu imaginer que nous présentions un candidat au nom de la minorité. Mais il faut bien dire qu’il n’avait aucune chance d’être élu… Nous aurions pu quand même essayer de marquer le coup. Cependant, nous avons l’habitude de travailler ensemble dans le cadre de ce Conseil et nous approuvons la candidate présentée. De toutes façons, nous continuerons à nous impliquer. » Façon de rendre les armes ? En tous cas, le maire saisit la balle au bond et taquine son opposant quelques minutes plus tard : « Même quand vous n’êtes pas d’accord, vous votez pour. »

Alors que chacun s’avance vers l’urne, il les observe d’un air gourmand. Ce soir, il est ému, dit-il, mais aussi tenté de faire de l’humour : « L’humour, ça fait partie de choses qui m’intéressent », précise-t-il, après s’être amusé à protester contre les journalistes de Ouest France (décidément !) qui le citent sans l’avoir interviewé dans un dossier sur les communes où le maire ne se représentera pas en 2020. « Ils auraient dû venir me demander directement. Je leur aurais dit que je suis indécis, attentif à la situation. Il n’est pas impossible que je me présente à nouveau. » Les membres du Conseil, dont plusieurs ne font pas mystère de leur future candidature, sourient avec bienveillance. Il ajoute : « Dans le fond, j’aime ça. Ça va me manquer », avant d’insister à nouveau sur l’humour « qui explique que j’aie dit ce que j’ai dit. »

« autant de bonheur que j’en ai eu pendant 24 ans »

18 voix sur 18 pour Jeanne Girard, nouvelle première adjointe chargée (entre autres) des affaires sociales. Applaudissements. Jeanne Girard s’avance pour embrasser Katherine Regnault qui dit encore : « Je vous souhaite à tous autant de bonheur que j’en ai eu pendant 24 ans. » Patricia Dugué la remercie au nom des personnels de la mairie. Le maire s’absente pour la raccompagner jusqu’à la porte extérieure.

Autour de la table du Conseil, un silence un peu gêné s’installe. Puis quelques plaisanteries. Puis à nouveau le silence jusqu’au retour du maire. Le mot « bonheur » utilisé par Madame Regnault paraît soudain bien incongru. Oui, cela ressemble comme deux gouttes d’eau à un départ à la retraite dans une entreprise. Un de ces moments qui comptent tellement pour celui qui part, mais aussi pour ceux qui restent. Un moment où chacun se sent encombré de sa propre présence. Un moment qui trahit ce manque de naturel, de spontanéité dont nous faisons tous si souvent preuve dans les moments importants. Et pourtant, nous sommes aujourd’hui Mardi Gras…

Madame Regnault a dit aussi avoir attendu un peu trop longtemps avant de quitter ses fonctions. Que répondre à cela ? On aura finalement plus parlé, ce soir, de la future retraite du maire que de la sienne, vertigineuse, insondable… comme le quotidien si difficile à décrire, dont elle a eu la charge. Il y a un philosophe pour dire cela. Il s’appelle Nicolas Grimaldi et a écrit un « traité de la banalité » et un « traité des solitudes ». Il vit encore, seul évidemment, dans un phare face à Saint-Jean-de-Luz.

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