Les salles de cinéma peinent à retrouver leur public après deux années de pandémie. Quant aux ciné-clubs, ils sont de plus en plus rares, comme des témoins d’une époque révolue. Eh bien, Pénestin fait bande à part, Pénestin fait les 400 coups : à rebours des écrans numériques qui s’imposent partout, Pénestin propose pour la deuxième année consécutive un vrai ciné-club, avec des rangées de chaises que chacun ramène à la fin, des amis que l’on retrouve là une fois par mois et avec qui l’on papote en s’installant, une programmation riche en surprises et en émotions, des débats après les films où l’on partage ce que l’on a ressenti.
Le succès a été au rendez-vous de la première année. Il fallait 30 adhérents pour équilibrer le budget de 900 euros. Il y en a eu 40. Et ils ont dit haut et fort qu’ils souhaitaient rempiler ! Ils ont été consultés pour la programmation et leurs choix ont été scrupuleusement respectés : « Les raisins de la colère » lundi 31, puis « Le goût du saké » de Yasujirô Ozu, « Little Big Man », « Soleil Vert »…
Le cinéma est un spectacle total : on en prend plein les yeux… et les oreilles
Et puis la mairie a accepté que Capciné utilise la Salle des Fêtes, avec son grand écran, ce qui permettra d’accueillir 70 personnes. Dominique Boccarossa insiste sur la qualité de visionnement dont bénéficieront les spectateurs dans cette salle (étrennée en juin pour l’émouvant « Mia Madre » de Nanni Moretti) : « Au cinéma, on dirige son regard vers le haut, pas entre les cheveux et les épaules de ceux qui sont assis devant soi. »
Ce souci de confort se retrouve à tous les niveaux et rejoint celui de la qualité. Un film est un spectacle total : on en prend plein les yeux… et les oreilles. Comment pourrait-on négliger par exemple la qualité du son ? Dialogues, bruitages, ambiance sonore, musique… « C’est pour cela qu’il nous a semblé indispensable de passer les films en v.o. Il faut entendre la voix de l’acteur, elle fait partie de son jeu et porte les émotions de son personnage », explique Isabelle Letirand, initiatrice du projet avec Dominique Boccarossa.
Oui, mais justement, les films en v.o., ce n’est pas un peu « prise de tête » ? Isabelle : « Les grands films sont pour la plupart très abordables. Ils racontent des histoires simples, faciles à comprendre, avec des personnages comme toi et moi. Ce ne sont pas des films intellos. Regarde Hitchcock. Mais ce sont des films qui amènent une réflexion. Ils permettent de créer des passerelles entre les thèmes qu’ils abordent et le monde actuel. »
Les films font bouger la société, ils secouent les gens et agissent sur les comportements
C’est vrai, le regard qu’ils portent sur leur époque nous aide à mieux comprendre la nôtre. Un grand film, c’est à la fois une réflexion, une esthétique, une façon de dialoguer avec son époque et avec ses spectateurs. Tout cela parfois d’un seul tenant, comme dans « Les raisins de la colère » et « Le goût du saké ». Et il y a autre chose encore : ces films font bouger la société. Ils sèment des graines, ils secouent les gens, ils agissent sur les comportements. Un film peut produire son effet sur une personne. Mais c’est au niveau de la société qu’il a vocation à agir.
Même dans un pays comme la France qui a valorisé les auteurs, le cinéma reste un art du collectif. Le monteur, le directeur de la photo, le responsable des décors ou le compositeur de la musique joignent leurs talents à ceux du réalisateur et des acteurs. Ce sens du collectif se retrouve dans la réception. Dans une salle de cinéma, on s’est déplacé pour assister avec d’autres à un spectacle, mais il est vrai que chacun, plongé dans l’obscurité, interdit de s’exprimer à haute voix, oublie peu à peu la présence des autres et vit la projection dans une sorte de bulle.
Les ciné-clubs que l’on voit renaître aujourd’hui (Interfilm regroupe environ 300 ciné-clubs en France) sont probablement les seuls, sous leurs dehors modestes, à permettre une expérience véritablement collective du visionnement d’un film. La projection, entre sa présentation et le débat, est une « expérience partagée », une « communion », même.
Et dans les grands moments, lorsque tout le monde a la gorge nouée tandis que défile le générique, lorsque les sourires recommencent un à un à percer, à s’échanger, parmi les yeux embués, on se secoue un peu comme après la pluie, on se dit qu’on est cons, putain ! ya pas de quoi chialer, ce n’est qu’un film ! et j’te jure, des fois on aperçoit un arc-en-ciel…
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Ce matin sur France-Muisique, Claude Lelouch, 85 ans, parle de la présence indispensable de la musique dans ses films et de son amitié avec Francis Lay: “La Matinale avec Claude Lelouch” sur https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/musique-matin/la-matinale-avec-claude-lelouch-1098592 via @radiofrance