« Je vous écris de Gaza, sous les bombes – Toujours sous les bombes… » (Hossam Al-Madhoum)

« Homo sum, humani nihil a me alienum puto. » (Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger) Térence, 2e siècle av. J.-C.

Que tu sois juif ou arabe, ou encore iranien, russe ou texan, je te respecte et ma vie ne suffira pas à étancher la curiosité que m’inspirent ta culture, ta langue et ton histoire.

J’ai croisé hier matin aux Puces nautiques un ami qui était profondément ému en évoquant l’horreur sans nom que vivent les habitants de Gaza depuis 6 mois. Tout autant, cela va sans dire pour lui comme pour moi, que par les massacres commis en Israël le 7 octobre 2023. 

Henri avait reçu le poème que je vous joins ci-dessous d’un metteur en scène palestinien. J’ai trouvé bien, au milieu des fêtes de la Vilaine, que l’on n’ignore pas ceux qui souffrent à ce point au Proche-Orient. 

(image de Imad Abu Shtayyah, artiste palestinien)

10 avril 2024 – Six mois

Six mois ?! Cela fait-il vraiment déjà six mois que nous avons perdu nos vies normales ? Depuis que nos vies ont été gelées à un point mortel ? Six mois que nous avons perdu notre passé et notre présent ? Six mois que nous avons cessé de planifier notre avenir ?

Six mois que la machine à tuer de l’armée israélienne traverse nos corps comme un couteau traverse du beurre.

Six mois de peur, de panique, d’hémorragie, de mort, de destruction, de dégâts aux maisons et aux âmes.

Six mois de famine, de soif et de maladie.

Six mois que les morts sont enterrés partout sauf dans les cimetières.

Six mois que tous les sentiments et émotions humains se limitent à la peur, à la tristesse, à la colère, à la perte et au désespoir, et qu’il n’y a plus d’autres sentiments à Gaza.

Six mois et 33 360 personnes massacrées de sang-froid, dont plus de 15 400 enfants.

Six mois et 75 993 êtres humains blessés, saignants, amputés, sans traitement médical approprié.

Six mois et je ne peux pas atteindre ma propre maison.

Six mois à tenir la clé de la porte de ma maison, en me demandant quand je pourrai l’utiliser.

Six mois que je ne peux pas rencontrer mes frères et sœurs à Gaza et dans le nord.

Six mois que mes frères et sœurs ne peuvent pas voir leur vieille mère malade.

Six mois et les hommes n’ont pas de travail.

Six mois et les enfants sont devenus des vendeurs dans les rues au lieu d’aller à l’école.

Six mois que les femmes mendient dans les rues.

Six mois et le seul souhait de 2,3 millions de personnes est de pouvoir assurer leur repas quotidien et de disposer d’une tente convenable pour passer la nuit.

Six mois et le sommeil de 2,3 millions de personnes perturbé par le bruit des explosions, des bombardements, le bourdonnement des drones, et par leur peur du présent et du futur.

Six mois et 2,3 millions de personnes qui ne rêvent pas la nuit, mais dont les cauchemars les réveillent et perturbent leur sommeil.

Six mois et 2,3 millions de personnes espèrent dormir, pour une fois, en toute tranquillité.

Six mois… Y a-t-il une fin à ce cauchemar ?

Hossam Al-Madhoum, acteur et metteur en scène palestinien

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *