La baignade et la pêche à pied sont à nouveau autorisées. Retour sur deux journées où la communication municipale a manié cynisme et mensonges 

Ce jeudi 18 août, la baignade et la pêche à pied sont à nouveau autorisées. Ne boudons pas notre plaisir ! En principe, vous n’aurez plus ces picotements désagréables sur la peau, comme si vous aviez été piqués par une araignée, dont témoignent les baigneurs de ces derniers jours.

Car c’est vrai, beaucoup de personnes se sont baignées dans une mer contaminée à l’Escherichia Coli et aux entérocoques intestinaux. Elles l’ont fait sans le savoir, car les autorités ont fait leur possible pour dissimuler et pour minorer cette contamination.

Reprenons. (merci de bien vouloir m’indiquer si vous constatez des erreurs dans le déroulé des événements présenté ci-dessous).

Mardi 16 août au matin, le maire de Pénestin prend un arrêté municipal où l’on lit notamment : 

« Considérant les résultats d’analyses du prélèvement effectué le 14.08/2022 qui montrent une contamination significative de l’eau de baignade,

Considérant, sur les conclusions de l’Agence Régionale de Santé, que la baignade présente un risque pour la santé des baigneurs. »

Sur une fiche-profil établie par le Ministère de la Santé pour la plage du Maresclé, on apprend en effet que ce type de contamination peut occasionner “des gastro-entérites, otites, infections oculaires ou cutanées”.

L’arrêté municipal est affiché sur les panneaux à l’entrée des plages. Parfois, comme sur le parking du Maresclé, la feuille A4 de l’arrêté est juste punaisée sans accroche ni pictogramme.

L’office du tourisme fait son travail et donne à ce qu’il semble une feuille écrite aux vacanciers qui demandent des informations.

Le site de la mairie réduit de facto la diffusion de l’information

Le site internet de la mairie de Pénestin publie une information (ci-dessous) dans la rubrique Environnement et non dans la rubrique Actualités, réduisant de facto et délibérément, peut-on penser, la diffusion de l’information, qui n’apparaît donc pas en page d’accueil.

La page Facebook de la mairie publie également une information, faisant état des « mauvais résultats d’analyse ». Comme sur le site internet, le tableau des chiffres de la contamination plage par plage et le texte de l’arrêté ne sont pas joints. L’information donne lieu à 51 commentaires qui s’interrogent soit sur l’extension et les modalités de l’interdiction, soit sur les causes de la contamination. Sur la base de maigres informations, ils débattent entre eux et aucune réponse ne leur sera apportée par l’administrateur de la page. La teneur de ces commentaires est majoritairement critique.

copie d’écran partielle de l’article de Ouest France en ligne du 16 août

L’après-midi du mardi 16 août, l’information est transmise à Ouest France qui l’associe avec des informations similaires des communes d’Arradon et d’Arzon. Le journal publie vers 15h un article sur son site web, qui ne sera pas repris dans l’édition papier du lendemain. Sa version des faits diffère de ce qui a été publié jusque là, ce qui peut résulter d’une erreur de compréhension, mais plus probablement d’une nouvelle formulation de la part de son interlocuteur à la mairie de Pénestin (en effet la mairie de Pénestin modifie le soir son message sur Facebook pour le remplacer par la même version que Ouest France) :

– l’arrêté a été pris « après les dernières pluies »

– les plages sont fermées « par précaution »

– on ne parle plus de « pêche à pied de loisir », mais de « pêche loisir », ce qui inclut la pêche à partir d’embarcations et la plongée.

Le tweet sur Arradon et Arzon utilise la même formule : « par précaution »

Le ou la journaliste n’a visiblement pas eu accès à l’arrêté municipal, puisqu’il indique à tort que les deux derniers points, « par précaution » et « pêche loisir », font partie du contenu de cet arrêté. Par ailleurs, le message twitter informant de la situation à Arradon et Arzon utilise la même formule, « par précaution », et l’on peut se demander s’il y a eu concertation entre ces deux communes et celle de Pénestin pour « ajuster » leur communication sur la fermeture des plages.

Dans le courant de l’après-midi, je parle avec diverses personnes sur la plage du Maresclé et constate qu’elles n’ont pas reçu l’information sur la contamination de l’eau de baignade. Trois dames accompagnées d’enfants les font ressortir de l’eau. Un monsieur me dit : « puisque je suis là, tant pis, j’y vais quand même ». Même réaction que deux couples âgés qui allaient vers midi à la pêche à la crevette. 

Je téléphone ensuite à un élu de l’équipe majoritaire et l’informe de la situation. Il prend note et promet d’informer le maire.

Dans la soirée, le texte de la page Mairie de Pénestin sur facebook est modifié. Il indique désormais que la fermeture des plages a été décidée « par précaution suite aux dernières pluies » et laisse supposer à tort, comme Ouest France, que cela correspond au texte de l’arrêté. Ce nouveau texte est donc délibérément mensonger, comme je l’ai exposé dans mon texte précédent « La main dans le pot de confiture ».

Le mercredi matin 17 avril, je reçois la visite de l’élu appelé la veille, qui a rapporté mes propos au maire. Il donne son accord (à confirmer bien sûr) pour que l’affichage côté parking du Maresclé soit installé en haut du sentier descendant à la plage, sur le côté droit, Il m’indique par ailleurs que l’on a procédé à de nouvelles mesures bactériologiques la veille en fin de journée, et que leurs résultats seront très probablement positifs et permettront la réouverture des plages. Cela paraît étrange : sur quelles bases peut-on anticiper ainsi les résultats d’un prélèvement ? Et ce d’autant plus que ce « sentiment » semble provenir du maire lui-même. Mais après tout, peut-être a-t-il reçu une confidence d’un technicien en charge des analyses.

Le mercredi soir 17 avril : la page Facebook de la mairie annonce que les plages peuvent rouvrir. Pour la première fois, le tableau des résultats des analyses page par page est publié. A ce qu’il semblerait, il est gardé dans un tiroir lorsqu’il est mauvais, et publié seulement lorsqu’il est bon. Et encore, d’ailleurs ! Les résultats au Halguen sont beaucoup plus élevés qu’ailleurs et laissent imaginer une pollution de la Vilaine dont le niveau est descendu très bas pendant la sécheresse. Et l’énoncé des bactéries n’est pas ragoûtant même si l’on nous dit que les chiffres sont bons désormais. Pour ma part, c’est la première fois que je vois mentionnés des « entérocoques intestinaux ». Le tableau présenté sur facebook n’indique par ailleurs ni la source, ni les valeurs maximales autorisées.

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J’ai séparé volontairement l’exposé des faits et les conclusions que l’on peut en tirer. 

1 – mensonges et transmission manipulatoire d’informations biaisées à Ouest France

De tout ce qui précède, il découle que la communication de la mairie de Pénestin à destination du public est globalement opaque et présente deux versions successives, dont la seconde est clairement mensongère. La version qui associe à l’arrêté municipal un contenu qui n’est pas le sien a été communiquée à Ouest France, avec une volonté d’induire le journal en erreur afin, probablement, de réduire le risque d’effrayer les touristes qui pourraient être tentés d’aller terminer leurs vacances ailleurs (cf. : http://www.penestin-infos.fr/la-main-dans-le-pot-de-confiture/ ) Cela correspond à la définition de la manipulation : faire faire quelque chose à quelqu’un à son insu. La rédaction du journal appréciera.

2 – la mairie limite l’accès du public à son propre message

Le maire a pris un arrêté interdisant la pêche à pied et la baignade en raison d’une « contamination significative de l’eau de baignade ». Par définition, un arrêté est destiné à être diffusé. Il avertit le public d’une interdiction et les contrevenants sont redevables d’une amende… Or, à travers les différentes actions qui ont suivi, la mairie s’est clairement efforcée de limiter l’impact de cette information, jusqu’à laisser croire qu’il n’y a pas eu de contamination et que les interdictions répondaient à une simple démarche de précaution. Comme je l’ai déjà écrit, c’est un peu comme si le maire accélérait et freinait simultanément au volant d’un véhicule.

3 – une approche délibérément cynique sur une question de santé publique

Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit ici d’une question de santé publique, avec un risque d’otites, infections oculaires et autres. Des parents ou grands-parents emmènent sans le savoir de jeunes enfants se baigner dans une eau viciée. L’information ne leur est pas parvenue, parce qu’on a souhaité qu’elle ne leur parvienne pas. Le maire et les élus de la majorité ont eux-mêmes des enfants ou des petits-enfants qu’ils n’emmèneraient pas se baigner dans une eau contaminées par des bactéries issues de déjections humaines. Pourquoi prennent-ils alors la responsabilité de laisser les enfants des autres se baigner dans cette eau ? 

4 – un refus de partager l’information avec le public

S’agissant des parents, justement, pourquoi avoir refusé de s’adresser à eux comme à des adultes, c’est-à-dire, en somme, des citoyens ? Aucune réponse n’a été apportée aux questions concernant la compréhension du phénomène. Rien, par exemple, ne permet d’évaluer l’efficacité des travaux effectués par Cap Atlantique au Poudrantais l’hiver dernier, dont le but était d’éviter que les eaux usées puissent à nouveau, comme les années précédentes, se mélanger aux eaux pluviales et déborder dans la mer. Il est possible que les causes soient différentes cette année, avec une pollution qui pourrait venir des cours d’eau. Nous n’en savons strictement rien, moi pas plus que les autres, car les autorités n’ont pas souhaité partager les informations dont elles disposent. Les commentaires sur la page facebook réclamaient ces explications. Le nouveau message, hier, annonçant la réouverture des plages, a fermé quant à lui les commentaires afin de ne plus être importuné par les demandes des citoyens de la commune et de ne plus laisser s’exprimer leurs critiques.

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L’interdiction n’a duré que deux jours. Personne n’est tombé malade (encore que… le sait-on vraiment ?) La gestion de l’information lors de cette mini-crise conduit cependant à s’interroger sur la manière dont seront gérées de futures crises, alors que le réchauffement climatique en accélère la fréquence et la gravité. Qui pourrait mettre le hola à ces dérives ? Nous sommes les uns et les autres impuissants. Mes articles, tout comme les courriers d’associations ou de simples citoyens et beaucoup d’interventions de l’opposition en Conseil Municipal, se heurtent au silence qui constitue une sorte de muraille défensive. 

L’équipe municipale semble manquer de principes pour guider son action. Percevant mal les distinctions sémantiques présentes y compris dans ses propres textes, elle a, à ce qu’il paraît, à peine l’impression de mentir en remplaçant un terme par un autre. Son rapport à la vérité se rapproche de ce qu’on appelle désormais la « post-vérité ». Un leader comme Donald Trump affirmait des pseudo-vérités en totale contradiction avec les réalités dont il faisait état, mais n’en avait que partiellement conscience. Il semble que le maire de Pénestin et une partie au moins de son équipe n’aient pas plus conscience que l’ancien président américain de mentir, ni de tromper ceux à qui ils s’adressent. 

Le maire est probablement sincère lorsqu’il se dit lecteur de Camus, le défenseur d’une vérité sans compromissions. Mais il n’a peut-être pas perçu l’aridité du chemin qui mène à cette vérité. L’aridité, c’est-à-dire l’effort, la réflexion, et même l’étude pour des sujets demandant une compétence technique et une information actualisée. Si j’insiste ainsi sur cette affaire de contamination de l’océan, c’est parce qu’elle est représentative des biais de l’action publique dans notre commune. Et que je garde l’espoir de parvenir à susciter un déclic chez le maire et ceux qui l’entourent.

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1 commentaire sur “La baignade et la pêche à pied sont à nouveau autorisées. Retour sur deux journées où la communication municipale a manié cynisme et mensonges ”

  1. Merci de votre transparence.
    Je suis allée me baigner à Penestin et je souffre d’eruption cutanée très dérangeante car cela démange depuis une semaine et cela n’est toujours pas passé.
    Merci aux élus de cette commune de leur communication opaque qui traduit le fait que l’argent des touristes à plus de valeur que leur santé.

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