La main dans le pot de confiture

Hier dans la journée, la page facebook de la mairie indiquait :

« Par arrêté municipal, les plages de Poudrantais, de Maresclé, de Loscolo, du Goulumer, du Bile, de Kerandré et du Palandrin sont fermées jusqu’à nouvel ordre pour la pêche loisirs et la baignade en raison des mauvais résultats d’analyse. Merci pour votre compréhension »

Dans la soirée, ce texte était modifié de la façon suivante :

” Par arrêté municipal, les plages de Poudrantais, de Maresclé, de Loscolo, du Goulumer, du Bile, de Kerandré et du Palandrin sont fermées par précaution suite aux dernières pluies pour la pêche loisir et la baignade. Merci pour votre compréhension “

On a remplacé “les mauvais résultats d’analyse” par l’expression “par précaution, suite aux dernières pluies”. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Dans un cas, il y a contamination, et dans l’autre, on ne fait que s’y préparer au cas où. Et le but semble évident : minorer le propos, atténuer l’effet qu’est susceptible de produire le texte de l’arrêté, qui parle d’une “contamination microbiologique significative”, et qui ajoute : “sur les conclusions de l’Agence Régionale de Santé, la baignade présente un risque pour la santé des baigneurs”.

C’est comme si le maire accélérait et freinait simultanément

Une phrase commençant par faire référence à l’« arrêté municipal” et qui poursuit en disant que les plages sont fermées “par précaution, suite aux dernières pluies” peut être qualifiée de mensongère. C’est assez grave. Le maire se permet de jouer avec les termes de son propre arrêté. Il fait preuve de désinvolture à la fois avec les faits et avec ses lecteurs.

Or, un arrêté est un « acte administratif » officiel, conservé dans un « recueil des actes administratifs de la commune » édité tous les 3 mois et que l’on est supposé pouvoir consulter sur le site internet de la commune. D’ailleurs, une recherche à ce sujet donne un résultat négatif… Est-ce un problème d’architecture du site ou la mairie a-t-elle négligé cette publication obligatoire ?

L’arrêté est aussi, naturellement, adressé à la Préfecture. On peut se demander ce que le nouveau préfet du Morbihan nommé la semaine dernière, M. Pascal Bolot, pensera de tout cela s’il en est informé. D’autant plus que sur le fond, le maire paraît se contredire. Il prend un arrêté, car il juge que la contamination est grave et pose un réel problème de santé publique, mais dans le même temps, il donne l’impression de vouloir limiter la diffusion de ce message auprès de la population et des estivants. C’est comme s’il accélérait et freinait simultanément au volant d’un véhicule…

Plusieurs personnes, lorsque j’ai fait des interviews sur la plage du Maresclé hier après-midi, m’ont dit spontanément que le problème n’est pas que la mairie communique mal, mais qu’elle ne veut pas communiquer, sous-entendu, elle cède aux pressions exercées par certains intérêts qui ne souhaitent pas que les touristes s’effrayent de la contamination des eaux de baignade et décident de se déplacer vers d’autres zones non contaminées.

Tout cela est réglementé par la loi et par l’action de l’État

Parlons franc. La troisième semaine d’août est traditionnellement la dernière semaine de forte affluence de la saison estivale. Pour les acteurs du tourisme, c’est effectivement une malchance qu’elle corresponde à une pollution qui menace d’amputer leur chiffre d’affaires. Celui-ci se joue, on le sait, sur un petit nombre de semaines dans l’année. 

Cependant, les intérêts dont il s’agit là sont des intérêts privés, et l’ensemble de la réglementation a pour but de préserver les intérêts collectifs, afin de maintenir un sain équilibre entre le public et le privé. Nous ne vivons pas dans une foire d’empoigne où tous les coups seraient permis, et où les professionnels du tourisme pourraient mentir aux estivants ou leur donner de fausses informations au moment de leurs réservations. En principe, tout cela est réglementé et régulé par la loi et par l’action de l’État, et plus largement, on suppose que les professionnels ont une éthique qui réduit la tentation qu’ils pourraient avoir de dépasser les limites de l’honnêteté et de la vérité.

Il apparaît souvent partisan plutôt qu’arbitre ou médiateur

Quel est le rôle d’un maire dans ce contexte ? Plus que quiconque, il est supposé oeuvrer au service des intérêts collectifs face aux intérêts privés. Néanmoins, il favorise le développement économique sur la base de ces intérêts privés dès lors qu’ils se conforment aux règles. Le rôle d’un maire n’est pas de défendre un groupe d’intérêt contre un autre et encore moins de devancer ses demandes. Il est de se poser comme intermédiaire pour que s’harmonisent autant que faire se peut les relations entre les estivants et les propriétaires ou gérants de campings, commerçants, loueurs de chambres d’hôtes, etc., de même qu’il intervient partout où des intérêts s’opposent et où se constituent des clans. La fonction du maire est noble, il est le principal garant du vivre-ensemble dans une société de plus en plus morcelée.

Le maire de Pénestin, qui n’avait encore jamais rempli aucune fonction élective jusque là, n’a pas toujours paru prendre la mesure de ce rôle depuis son élection. Ses discours, dont celui prononcé lors des obsèques de M. Baudrais, et ses éditos du Bulletin Municipal le font souvent apparaître partisan plutôt qu’arbitre ou médiateur.

Par ailleurs, il manque à la mairie de Pénestin un véritable spécialiste en communication, qui imposerait l’idée que celle-ci se porte mieux dans un contexte d’ouverture, de large transparence, de générosité et surtout, je dirais, de confiance, au lieu de retomber encore et toujours dans les cachotteries, l’amateurisme, les « mic-macs », et cette manie d’en dire toujours le moins possible de crainte d’être pris en défaut. 

Cette fois-ci, c’est raté : le maire a les 5 doigts dans le pot de confiture !