La démocratie, tu sais, c’est pas si facile

La politique locale n’est pas la politique nationale. A Pénestin, aucune des listes qui se sont présentées aux élections municipales en 2020 n’a cherché à faire état des appartenances partisanes de sa tête de liste ou de ses colistiers. Les trois candidats se présentaient comme « n.d. », qui signifie étiquette « non définie »

A noter que les candidats étaient autorisés pour la première fois à se déclarer « n.d. » même s’ils étaient par ailleurs encartés. M. Puisay, maire de Pénestin, comptait, comme M. Boccarossa et M. Lebas aussi je pense, des partisans de la droite, de l’extrême-droite et de la gauche parmi les membres de sa liste. Mais pour ce qui le concerne, il disait à l’époque que sa famille politique était la droite façon Juppé.

Ses engagements au niveau de la politique nationale se sont affirmés une fois installé à la mairie de Pénestin. Durant la campagne des Présidentielles de 2022, il était membre de deux comités de soutien – excusez du peu ! -, l’un à Emmanuel Macron, et l’autre à Edouard Philippe, l’ancien Premier ministre, dont on sait qu’il aspire à succéder à M. Macron aux prochaines Présidentielles de 2027. Il y retrouvait Nicolas Criaud, maire de Guérande et président de Cap Atlantique, dont on dit que, dans l’hypothèse où M. Philippe accèderait à l’Elysée, il se verrait bien « upgrader » sa carrière politique jusque là locale vers des responsabilités nationales lorsque viendra la distribution des places. 

… qui construiront la France de demain

M. Philippe fonde en octobre 2021 le parti « Horizons », et le 15 janvier 2022, des « comités municipaux » sont créés dans 8 communes du Morbihan, parmi lesquelles Pénestin. C’est en effet à cette échelle des communes que M. Philippe entend mailler le territoire pour devenir, lorsqu’approchera la bataille de 2027, « le parti des maires ». M. Ronan Loas, référent pour la Bretagne du parti Horizons, précise :« Le Comité municipal animera, au niveau local, la vie du parti et se veut une structure de large rassemblement de citoyens et d’élus qui souhaitent participer aux réflexions et aux débats qui construiront la France de demain. » 

Si l’on se connecte sur https://horizonsleparti.fr/comites-municipaux/on apprend que les comités municipaux du Morbihan sont passés à 13 et qu’en ce qui concerne Pénestin, c’est M. Puisay lui-même qui prend les inscriptions. M. Criaud est pour sa part devenu en janvier 2023 délégué départemental du parti Horizons pour la Loire-Atlantique.

La tentation est donc bien présente pour certains élus locaux de se positionner au niveau de la politique nationale, quelles qu’en soient leurs motivations : ambition personnelle, convictions politiques… Ici à Pénestin, on retrouve le maire, qui s’était présenté aux élections sans étiquette, engagé dans un projet politique dont il n’a jamais fait état publiquement, et qui nous engage nous aussi, Pénestinois qui n’avons rien demandé, car participer comme maire à un parti qui se définit comme « le parti des maires », c’est nécessairement s’appuyer sur les ressources et le potentiel de la commune qui a fait de lui ce qu’il est. Un citoyen est libre de ses choix. Un maire n’a pas tous les droits : il est limité par le mandat qu’il a reçu de ses électeurs. 

L’affaire est déjà en soi passablement compliquée, mais elle le devient plus encore dans le contexte actuel de crise politique, qui fait suite, comme chacun sait, à l’utilisation du 49.3 par la Première ministre Mme Elisabeth Borne, afin de faire adopter par l’Assemblée nationale une loi sur les retraites rejetée par 70 % de Français.

2 votes contre et une abstention

Horizons est avec Renaissance et le Modem l’une des trois composantes de la majorité présidentielle. Dans tous ces groupes, des voix dissidentes se sont faites entendre, et on a considéré qu’il revenait aux présidents de « tenir leurs troupes ». Ceux des autres groupes, Mme Bergé et M. Mattéi, se sont acquittés de cette responsabilité. M. Marcangeli, le président du groupe parlementaire Horizons, a fait état de deux (intentions de) votes contre et une abstention dans ses rangs. Les deux voix qui ont manqué à la majorité ? Ce dimanche 19 mars, le Journal du dimanche nous dit qu’un élu Renaissance « enrage » : « Si on n’a pas pu aller au vote, c’est en partie à cause d’« Horizons ». Si Edouard Philippe veut devenir président, il doit d’abord remettre de l’ordre dans ses propres troupes. » (« Chez Horizons, la tentation de l’émancipation »)

Mais M. Philippe, justement ? Accrochez-vous ! Il a engagé son parti dans le soutien au projet de retraite à 64 ans proposé par le gouvernement, mais lui-même répétait encore le 9 octobre dernier dans le Parisien qu’il était favorable à un départ à la retraite à l’âge de 67 ans (Edouard Philippe : « il faut bouger sur les retraites, bouger beaucoup »). On comprend qu’il soit resté discret durant toute la période où le projet de loi était débattu. A présent cependant, il laisse ses collaborateurs les plus proches critiquer les choix du gouvernement, non pas sur le contenu, disent-ils, mais sur la méthode employée.

Alors, Monsieur le maire de Pénestin, qui avez choisi de vous engager en politique pour, j’ose l’espérer, servir l’intérêt général, les Pénestinois apprécieraient une réponse de votre part. Ils y ont droit. 55 % d’entre eux ont 60 ans ou plus. Ce sont des grands-parents soucieux, comme vous l’êtes aussi vous-même, de l’avenir de leurs enfants et petits-enfants. Ce sont des gens réfléchis, des gens d’expérience, ils ont l’expérience du travail et de la retraite, ils ont eu l’occasion de réfléchir sur le sujet. Faites, s’il vous plaît, l’effort de leur répondre, à eux, plus qu’à moi, car c’est une question sur laquelle on ne peut pas mentir. Ils aimeraient connaître votre conviction réelle, par-delà les calculs et la prudence de ceux qui ne se mouillent pas et attendent de voir par où tournera le vent. Et à défaut de réponse de votre part, certains pourraient s’interroger sur les motivations de votre engagement en politique, au nom de notre commune qui plus est :

Etes-vous favorable, comme M. Edouard Philippe, président de votre parti, à la retraite à 67 ans ? 

Ou bien, toujours comme M. Edouard Philippe, président de votre parti, à la retraite à 64 ans ? 

Ou bien, comme deux députés de votre parti qui en seront peut-être exclus ce mardi, au maintien du statu quo, la retraite à 62 ans ?

Merci d’avance pour votre réponse qui sera certainement appréciée du simple fait que vous acceptiez de répondre.

«  The answer, my friend, is blowin’ in the wind »

Un mot pour finir. Nous avons souvent pensé être tombés sur un maire un peu spécial, qui se disait attaché à la démocratie, mais commençait par supprimer les bureaux municipaux où majorité et opposition pouvaient dialoguer ensemble, et les remplaçait par des « réunions du groupe majoritaire ». Un maire qui indiquait dès son premier édito préférer le silence au débat. Un maire qui ne répond pas à ceux qui lui écrivent et qui s’arrange avec les faits quand ceux-ci ne l’arrangent pas…

Et puis soudain, voici qu’Emmanuel Macron, le président de la République, donne l’impression de vous imiter ! Il refuse de rencontrer les syndicats qui ont mobilisé des millions de salariés et dont l’esprit de responsabilité a été reconnu par tous. Il se referme comme une huître, n’écoute plus personne, se mure dans le silence, suscitant la colère de ceux qui se sentent méprisés. Vous n’y êtes pour rien ? Ce n’est pas vous qui l’avez influencé ? Non, parce qu’on ne sait jamais ! On vous a vu en photo avec Jean Castex, très proches malgré le Covid, alors qui sait ? Soit dit entre parenthèses et plus sérieusement, vous voyez où cela mène !…

Mais en fait, je vais vous dire : c’est beaucoup plus simple. Vous, Macron, beaucoup d’autres, vous convergez. Vous convergez parce que vous êtes tous imprégnés de la même idéologie. Quelque chose du style : « Nous on bosse ! », « Assez de blabla, au boulot ! » « Nous on regarde les résultats. On n’a pas le temps d’écouter les farfelus, les curieux, les empêcheurs de tourner en rond, les poseurs de questions à la va comme je te pousse, les chieurs, quoi !”

Bref, tout le contraire de ce que disaient ces chansons que vous aimiez accompagner à la guitare : « The answer, my friend, is blowin’ in the wind », « Suzanne takes you down, to her place near the river, you can hear… » You can hear… Entendre, écouter, prendre le temps…

Ecouter. La voix de l’autre. Ses mots. Listen… The answer… La démocratie… Mais oui ! « Tu sais, ce n’est pas si facile… » « Elle est si fragile ! »

« Wenn die Soldaten
Durch die Stadt marschieren

(…)

Schingderassa, bumderassasa

Schingderassa, bumderassasa

Schingderassa, bumderassasa »

(Marlene Dietrich)

2 commentaires sur “La démocratie, tu sais, c’est pas si facile

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