La géographie personnelle de Monika à Pénestin

Monika est allemande. Elle est assistante sociale à Rottweil, dans la région de la Souabe. Elle vient d’avoir 60 ans et revient à Pénestin pour la troisième fois, au volant de sa petite voiture rouge.

Il y a 3 ans, elle était venue pour deux semaines suivre un stage de français de l’association « Käskessäh » (« qu’est-ce que c’est », natürlich !) montée par deux Allemandes, Charlotte et Jutta, à Kerandré. Elle est revenue l’année suivante. Et cette année, elle passe une semaine dans une chambre d’hôte de l’association « Lez’arts en mer ». Je l’ai interrogée sur sa géographie personnelle de Pénestin, sur les lieux qui ont du sens pour elle.

Kerandré

Lorsqu’elle est arrivée à Pénestin pour la première fois, elle s’est rendue en voiture directement au local de l’école de langues à Kerandré où elle devait loger. Le lendemain matin, elle a descendu à pied la petite route champêtre qui mène à la plage de Kerandré, dans le prolongement de la pointe du Bile, cette plage superbe où la mer recule d’un bon kilomètre à chaque marée basse.

Cela a été sa première impression de Pénestin. Ce qu’elle en a retenu ? Une odeur surtout, celle de la mer. A cet endroit, elle est forte, un peu acide, un mélange de poisson, de sel, une mixture un peu animale, qui laisse son empreinte dans la mémoire. Ensuite, chaque jour, Monika se tournait dès le réveil vers la plage de Kerandré et saluait en français le jour nouveau : « Bonjour Pénestin ! »

L’église Saint-Gildas

Monika aime son clocher, fin, aigu, géométrique. Elle peut l’apercevoir cette année depuis la fenêtre de sa chambre des « Arts en mer ». Sous les angles de son clocher, l’église Saint Gildas est entourée de fleurs.

Vendredi dernier, elle est entrée à nouveau dans l’église. Une chance, le trio de la « Barque de Charon » y répétait pour son concert du soir ! Elle s’est gorgée de cette musique baroque. Une musique un peu méditative. Au répertoire, il y avait du baroque allemand, plus structuré peut-être. Elle se représentait des images du passé : les hommes faisant la révérence devant les dames, des danses codifiées. Ce n’est pas qu’elle aime spécialement ce qui est codifié ou structuré. Elle aime aussi les danses « libres ». Mais c’était son impression du moment. Une pause rassurante, peut-être, au milieu d’un voyage où l’on oublie ses habitudes, où l’on s’expose de jour en jour à des rythmes, à des usages qui ne sont pas les siens.

Le Bateau Livre

Voilà un lieu que Monika ne pouvait pas ignorer. Un lieu où l’on va se rafraichir lorsqu’il fait très chaud à la plage et qu’on recherche l’ombre. On s’installe et on lit. Elle, ce sont surtout les livres pour enfants qui l’ont attirée, avec leur toucher et leurs images. Autour d’elle, une diversité de visiteurs, que l’on aperçoit quand ils arrivent si on s’assoit près de l’entrée.

D’ailleurs, il y a aussi des tables et des bancs à l’extérieur. Et puis le terrain de boules qu’elle est allée regarder de plus près. Mais soudain, des hommes font irruption. Elle ne les a pas vu arriver. Ils viennent jouer aux boules, pardi ! Ils s’installent de part et d’autre d’elle, sans un mot. Elle est au milieu et ne dit rien non plus. Ils jouent leur partie. Elle se demande quoi faire : est-ce qu’elle les dérange ? doit-elle rester ou partir ? Comme ils ne disent rien, son indécision est totale. Cette situation est d’une absolue étrangeté, sans une once d’humour. Il aurait suffi d’un mot sur le ton de la plaisanterie pour la dénouer : je dérange peut-être… j’ai l’impression que je suis de trop… Oui, mais vous le savez peut-être (ou pas), les plaisanteries du quotidien sont ce qu’il y a de plus difficile à acquérir dans une langue étrangère. Cette mésaventure silencieuse est une belle leçon d’interculturalité…

Les bords de Vilaine

Que ce soit sur le port de Tréhiguier ou le long du petit bois sur la route qui y mène, la Vilaine fait aussi partie des références de Monika. Pour ses couchers de soleil flamboyants. Pour ses nuées d’oiseaux qu’elle affectionne particulièrement et qu’elle observe à la jumelle. Chez elle, en Souabe, on n’en voit que de très petits, comme les rouge-gorge, les merles ou les moineaux ! Et puis aussi en souvenir d’un pique-nique avec tout son groupe de l’école de langues il y a trois ans. Tout près de la mer, le soir, sur le port, à même le bitume du parking.

Retour à Kerandré

Hier, Monika est revenue à Kerandré. C’est un peu le symbole de sa liberté. Liberté de voyager seule, liberté de prolonger ses vacances en prenant deux semaines sans solde. C’était la marée basse, qui découvre une vaste étendue de vase où se reflètent le soleil et les nuages. Un lieu magique.

Hier donc, elle observe cette étendue livrée aux oiseaux et aux pêcheurs à pied. Et là, soudain, le miracle se produit. À une faible distance, des aigrettes, blanches, graciles. Elles plongent leur bec dans la vase. Et dans cette même vase, leur image se reflète avec une netteté inattendue. La beauté, la poésie la plus pure surgit de la boue. Plus de structure, plus de géométrie, plus de carcan. De fines stries lumineuses s’offrent au regard dans cet univers en apparence informe. Un mélange paradoxal de matières opposées, là où terre et mer se rencontrent : voilà le Pénestin de Monika.

Demain, elle dira adieu à Kerandré avant de repartir pour Paimpol.

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