Voilà qui est agréable à voir ! Les humains et les hirondelles de rivage cohabitent à nouveau en bonne intelligence sur la plage du Maresclé. Vers 20 heures ce vendredi, la chaleur commence un peu à retomber, et de loin on aperçoit déjà les poteaux et les cordages en fibre de coco installés le matin par les services techniques. Espacés de moins de deux mètres, la trentaine de poteaux alignés à 6 mètres de la falaise arbore une allure martiale : on ne passe pas !
Les groupes d’estivants se sont installés devant, comme s’il en avait toujours été ainsi. Une jeune femme s’est allongée en biais sur le côté gauche et semble se consacrer à observer les allées et venues des hirondelles. Celles-ci s’en donnent à coeur joie. Elle virevoltent, s’entrecroisent, happent avec leur bec les moucherons destinés à leur couvée, puis se dirigent vers la falaise où le miracle se produit à nouveau : parmi une bonne centaine de trous, chacune gagne d’instinct le sien et s’y glisse comme une lettre à la poste. La suite est « hors-champ » ! Elles remontent une galerie profonde d’un mètre, plus ou moins sinueuse, et retrouvent au fond leurs oisillons que l’on imagine les plumes en bataille, les yeux aveugles, s’époumonant, se bousculant à qui mieux mieux lorsqu’arrive leur pitance. Puis l’hirondelle ressort avec la même fluidité, comme si elle avait emprunté un toboggan, et reprend sa course.
Mon précédent article date du mercredi 15, il n’a fallu que deux jours cette fois-ci pour que le problème trouve sa solution. Rappelons que mardi soir, une douzaine de personnes installées à un mètre de la même falaise, « brouillaient » le système de navigation pourtant sophistiqué des hirondelles. Celles-ci parcouraient la falaise de gauche à droite et vice-versa, mais ne parvenaient plus à retrouver le trou menant à leurs oisillons. Le stress était perceptible, tandis que les vacanciers ne se doutaient apparemment de rien : les oiseaux se posaient, constataient leur erreur et repartaient pour chercher encore, ou bien se disputaient. Les vacanciers, si par hasard ils lisent ces lignes et se reconnaissent, auront du moins la satisfaction d’avoir agi comme un déclencheur.
Le maire contacte la LPO, qui préconise de délimiter un espace pour les hirondelles
Dans la nuit, j’écris mon article et le publie vers 6 heures du matin. Quelques heures plus tard, j’écris au maire pour l’informer de cette publication et lui dire qu’à mon sens, il est urgent d’installer des protections dès cette semaine. Une première réponse brève m’indique qu’il transmet l’information, puis vers 15 heures, dans un mail plus détaillé : les ganivelles « ne sont pas la meilleure des solutions », fait-il savoir, elles manquent d’esthétique le long de nos« magnifiques » falaises, et risquent d’être emportées par la marée. En fait, ce sont des poteaux et cordages que j’avais à l’esprit, mais je me trompe souvent sur le sens du terme « ganivelles » (il y a deux ans, j’avais titré « Des ganivelles pour les hirondelles »…) et dois en plus vérifier à chaque fois que le traitement de texte, pas plus malin que moi, n’a pas eu l’idée saugrenue de le remplacer par « manivelle ».
Le maire, après concertation avec ses services, indique : « nous serions donc plutôt sur l’idée de mettre quelques panneaux d’information à l’entrée des plages ». Personnellement, je trouve cette solution insuffisante. Les estivants sont peu réceptifs à des arguments rationnels. Je fais diverses propositions, telles qu’adresser à une série d’entreprises un « appel d’offres exprès » incluant le critère esthétique par rapport aux falaises. Je suggère aussi de demander conseil à la LPO (Ligue de protection des oiseaux) ou à un labo universitaire, afin de disposer des éléments pour évaluer le degré des menaces subies par les oiseaux, et d’évaluer le niveau de la réponse à apporter. Le jeudi matin, le maire m’informe qu’il a effectivement contacté la LPO, qui préconise la délimitation d’un espace : ce sera fait le lendemain matin, vendredi 17, après la marée haute.
La réponse est donc intervenue dans un délai record : en deux jours, le maire de Pénestin a écouté l’un de ses administrés, pris la mesure d’un problème, discuté avec ses équipes des solutions à apporter, écouté les objections, contacté apparemment lui-même un organisme spécialisé (1), modifié sa décision en fonction des données recueillies, obtenu des Services techniques de la mairie que la mise en œuvre soit intégrée à leur planning et effective dès le lendemain. C’est, diront certains, l’exercice normal d’un maire. Oui, mais c’est bien, reconnaissons-le. C’est ce que nous attendons de lui et espérons voir beaucoup plus souvent. Il a voulu faire la démonstration qu’il en était capable : c’est le cas et tant mieux.
Les gens perdent un temps fou à essayer de se faire entendre
Je n’en oublie pas pour autant toutes les personnes que je rencontre (dont je fais aussi partie) et qui attendent des réponses à leurs courriers depuis 6 mois, un an, deux ans même, parfois. Toutes ces personnes, et elles sont nombreuses, réécrivent à nouveau, se déplacent à l’accueil de la mairie, cherchent en vain les moyens de se faire entendre. Elles perdent un temps fou. Ce qu’elles ont à dire ne relève pas de la « récrimination » : souvent, ce sont des suggestions parfaitement constructives. L’absence de réponse est perçue comme vexante, voire comme un manque de respect.
On ne peut, dans ce contexte, qu’inciter le maire à poursuivre en si bon chemin. Il a prouvé qu’il était capable de répondre très vite et de résoudre un problème dans les 48 heures. Qu’il réponde de la même façon à tous ceux qui s’adressent à lui avec d’aussi bonnes raisons. Vous doutez ? Analysons effectivement ce qui pourrait l’en empêcher :
– la centralisation du pouvoir. Trop de dossiers remontent au maire alors qu’ils auraient pu être traités par un adjoint ou un conseiller. Il ne délègue pas suffisamment… et son entourage s’est habitué à se reposer sur lui (et lui fait remonter les dossiers si on essaie de s’adresser à eux directement et non au maire). A qui aurais-je pu ou dû m’adresser à propos des hirondelles de rivage ? M. Lizeul est en charge à la fois du littoral et de la mer, et des travaux. Je dois avouer que malgré ma sympathie pour la personne, l’idée de m’adresser à lui ne m’a même pas effleuré, et si je l’avais fait, il en aurait sans doute été le premier surpris…
– la surcharge de travail qui va de pair avec le sujet précédent. Même dans une petite commune de 2000 habitants, l’évolution des institutions, avec les transferts croissants de compétences vers les intercommunalités, augmente la charge de travail et rend celui-ci plus abstrait. Les maires ne sont pas tous préparés à travailler sur la base de dossiers et de statistiques, plutôt que dans le contact direct. M. Puisay a été élu en partie parce que les gens disaient qu’en dirigeant des EHPAD, il avait acquis une expérience conséquente du management. Qu’il me permette de dire ici qu’en réalité, il lui arrive de pêcher par manque de rigueur et d’organisation. Pourquoi ne pas commander un audit de management ? Sans crainte de me tromper, les premières recommandations seraient certainement : 1) pour les courriers entrants, rendre systématiques l’émission d’un accusé de réception et le dispatching interne ; 2) organiser le traitement du courrier en cas d’absence d’un élu ou de la DGS (secrétaire de mairie) ; 3) rationaliser le classement des dossiers, répertoires, documents divers ; 4) instaurer des modalités de circulation rapide et efficace des informations vers les élus et les services.
– la polémisation des relations de travail (polemos = la guerre en grec). La gestion des affaires locales s’effectue dans une ambiance de guerre de tranchées face à divers types d’opposants, qui se traduit par le secret, la défiance, le calcul, les précautions, et parfois une grande violence psychologique. On ne mesure pas suffisamment la vanité de ces procédés, qui s’accompagnent d’un vécu plus émotionnel que rationnel. Il n’y a que dans les films et les séries américaines que l’accomplissement de tâches s’effectue au milieu de joutes verbales et de phrases assassines. Tous les derniers gouvernements français n’ont-ils pas su confier des responsabilités à des personnalités issues de l’opposition et travailler de concert ? M. Puisay a tenté une première expérience avec moi-même en me confiant une responsabilité sur les réfugiés ukrainiens. Puisqu’il a jugé le résultat satisfaisant, qu’il poursuive donc en faisant confiance aux nombreux talents que recèle la commune. On s’épuise en luttes inutiles. Il importe de réhabiliter un vrai débat politique, centré sur les idées et débarrassé de ses à-côtés haineux.
« C’est vraiment tranché ? »
A propos, ai-je été manipulé par le maire, en acceptant coup sur coup deux formes de collaboration, alors que depuis deux ans, nos relations étaient gravement détériorées ? Tout d’abord, le blog penestin-infos a retrouvé droit de cité aux yeux du maire et de ses collaborateurs, et cela est loin d’être négligeable. Il n’est plus question pour eux de prétendre de pas le lire et de dire que ses lecteurs seraient « spéciaux ». Ensuite, il est clair que les résultats de la mission Ukraine m’ont gagné une écoute de la part du maire. Cependant, je ne m’en suis pas tenu à la première réponse, proposant d’installer des panneaux d’information. J’ai insisté, ce qui n’est pas propre à une personne manipulée. Je me suis souvenu des conseils de classe auxquels j’assistais à Nantes. Lorsque le proviseur avait tranché, il y avait souvent une voix pour dire : « C’est vraiment tranché ? Parce qu’il me semble qu’on n’a pas pris en compte… », et c’était reparti.
Je ne doute pas que le maire soit sincèrement soucieux de la préservation d’une espèce protégée nichant sur nos falaises. Mais bien sûr, il en tirera un bénéfice politique. Je l’entends déjà évoquer cet épisode lors de la prochaine campagne des Municipales en 2026, afin de bloquer les réflexions critiques que je pourrais être tenté de faire : je prends les paris ! Et je lui répondrai en citant le présent article… Tout cela est de bonne guerre. Mais en fait, le débat public déploie trop facilement une rhétorique centrée sur un fantasme d’élimination pure et simple de l’adversaire. Or, sauf exceptions telles qu’une procédure juridique conduisant à la destitution du maire ou le retour d’un opposant à la culture de ses rosiers, c’est un fantasme, justement. Un fantasme particulièrement régressif que partagent à l’envi majorité et minorités.
Puisque nous sommes ici dans le registre de la psychanalyse, invoquons le principe de réalité qui serait celui d’interlocuteurs « adultes » : puisque nous en avons pour 6 ans, 4 maintenant, que pouvons-nous faire pour empêcher de mauvaises décisions, pour faire avancer malgré tout des dossiers urgents (par exemple sur le réchauffement climatique, le logement, la mytiliculture, la culture…), pour faire en sorte que le débat démocratique demeure vivace dans la population entre deux échéances électorales.
Intervenir sur des sujets partiels ou autour d’un programme touchant tous les aspects de la vie quotidienne ?
M. Boccarossa fait l’analyse que le PLU est le socle sur lequel reposent tous les autres aspects (développement économique, démographie, transition écologique…) de la vie locale, et concentre son action sur la défense pied à pied des intérêts collectifs face aux intérêts individuels dans l’élaboration du nouveau PLU. Voilà une démarche que l’on peut qualifier de réaliste, avec une réelle cohérence interne. Je ne saurais formuler de façon aussi claire la position de M. Lebas (ou d’autres membres de sa liste) : je leur donnerai volontiers la parole s’ils souhaitent s’exprimer sur leur projet d’opposition, ou, dans des termes plus terre-à-terre, leur conception de la vie dans l’opposition. D’autres ont plus ou moins renoncé à l’action politique et je pense notamment à toutes les énergies mobilisées en 2018-19 autour de la GLP (Gouvernance locale partagée) aux côtés de Mme Dupé.
Que chacun sache que l’on peut aussi intervenir utilement sur des aspects partiels (la protection des hirondelles de rivage en est un clair exemple) de la vie quotidienne, sans prétendre développer un programme balayant tous ses aspects. Cela ne sera d’actualité qu’à l’approche des futures Municipales.
L’urgence est là (guerre, réchauffement climatique, pollution des océans…) et réclame que l’on s’engage pour ne pas laisser notre cadre de vie échapper à notre contrôle. La politique locale n’est pas une politique de partis s’opposant sur des doctrines, des dogmes et des programmes. Elle est beaucoup plus « pratique », proche par définition de la vie de tous les jours. Et puis, j’oubliais de le dire, si la mairie ne répond pas à vos courriers, il y a de multiples secteurs où l’on peut agir pour changer les choses sans avoir besoin d’en passer par elle.
(1) J’ai appris par la suite que c’est M. Frédéric Brettier, chargé de la communication et du patrimoine à la mairie, et non le maire, qui a contacté le secrétaire de la LPO pour la Bretagne, M. Masson.
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Merci d’œuvrer pour la survie de cette espèce et de faire prendre conscience au public que la nature se doit d’être respectée. Dit avec humour et poésie ça ne peut laisser indifférent. Bravo pour cette action !
Bonjour Gérard,
C’est la première fois que j’interviens sur ce blog que je trouve sincèrement très utile à la communication sur nôtre commune. Cependant je trouve qu’un article tel que celui-ci, qui évoque une action concrète, collaborative et rudement bien menée ne nécessite pas un tel développement qui, me semble-t- il, alimente plutôt les polémiques qu’il ne les apaise.
J’ai la naïveté de penser que tout n’est pas calcul politique dans ce bas monde et que la plupart d’entre nous agissent simplement avec bon sens.
Ceci est la réflexion d’un lecteur qui penses que les choses peuvent parfois être plus simple que ce qu’on les imagine.
Merci Jacky, pour cette réflexion. J’ai conscience que cet article est atypique, mais il ne comporte aucune volonté polémique. Au contraire, je défends comme vous une conception un peu “pacifiée” de la politique. Et concernant le maire, il me semblait avoir fait la part des choses, entre un engagement sincère, je crois, et un calcul relativement inévitable et que j’ai abordé de façon humoristique. La difficulté de cet article est que je m’adresse en même temps à la majorité et à l’opposition… Et que j’ai beaucoup de choses à dire.