Mussella 2 : une usine prototype dès juillet 2021, puis un réseau d’usines dupliquées sur la façade atlantique

Nous sommes sur un terrain au milieu de nulle part. Ou pour être plus précis : au bout du bout de la zone artisanale du Closo. Axel Brière, 33 ans, accoutré en bottes-cravate, mène la visite des lieux. « Ici, vous aurez l’unité de décorticage, là celle de réfrigération à moins 18°. Ah ! ici, vous êtes dans mon bureau, attention au fossé derrière vous ! » Il est fier, l’enfant du pays, et il a de quoi… Dans 7 mois, en juillet 2021, se dressera sur ce lieu une usine de 630 m2 qui valorisera quotidiennement deux tonnes de moules sous-taille : d’un côté les coquilles transformées en une poudre destinée entre autres à la cosmétique, et de l’autre la chair extraite par des machines brevetées qui ira sur le marché agro et halio-alimentaire.

Il lui aura fallu prouver qu’il a de la suite dans les idées, depuis son mémoire de maîtrise à l’École de commerce de Lausanne, en Suisse, où germe ce projet de rentabiliser les moules trop petites (moins de 13 millimètres d’épaisseur) pour être vendues. Un projet aux implications environnementales : il recycle les déchets qui représentent jusqu’à 50% de la récolte, comme c’est le cas à Pénestin. Un pari marketing aussi : qui va les consommer et sous quelle forme ? Des innovations technologiques : deux brevets et deux secrets de fabrications, élaborés avec des labos universitaires. Un modèle économique à définir : quels partenaires, quel montage financier ? Et comment gérer le paradoxe de lancer une nouvelle activité industrielle en pleine période de crise, au moment où les fermetures s’enchaînent. Il créée même des emplois : un petit miracle dans une commune qui tente depuis des années d’attirer des jeunes ! Bref, tous les ingrédients sont là pour une grande idée, une équation magique…

Il a négocié en tous sens comme un diable

Mais les épreuves ont été nombreuses et le jeune diplômé est devenu un entrepreneur aguerri. Il crée un premier atelier au Scal, qui lui permet de tester le process et de commercialiser la chair de moules auprès de partenaires tels que la Paimpolaise. Il négocie en tous sens comme un diable, envisage de s’installer à Loscolo, projet de lotissement conchylicole soutenu par Cap Atlantique et la mairie, mais y renonce compte tenu de ses incertitudes, des coûts de raccordement et des obstacles juridiques à son installation. Il est cependant de tous les combats pendant 3 ans à la tête du Syndicat conchylicole pénestinois. Il monte un projet pour s’installer à Cancale, mais échoue à mettre en place le partenariat nécessaire. En 2019, il reçoit le prix européen « Food heroes » qui distingue les initiatives contre le gaspillage alimentaire. Et le voici enfin dans la zone artisanale du Closo, à la tête d’un projet dont la concrétisation n’a pas non plus été sans mal.

Ce matin de novembre 2020 est plus qu’un décorum, c’est l’aboutissement d’une première étape, la fin d’un cycle. M. Puisay, maire de Pénestin, représente Cap Atlantique avec M. Cadro, maire de La Turballe et vice-président à l’économie de l’intercommunalité. Il lui revient de poser la première pierre, ce qui n’est guère qu’une métaphore, car les murs du bâtiment ne compteront pas de pierres ! Pas de ruban à couper non plus : le maire déclenche une inaugurale coulée de béton à l’aide de la télécommande que lui tend un ouvrier du chantier.

Un caractère proche d’une fête de famille

Mais lorsque l’on observe l’assistance autour de soi, on comprend qu’Axel Brière a voulu donner à cette célébration un caractère proche d’une fête de famille. Parmi la vingtaine d’invités présents, chacun a un lien personnel avec lui. Véronique Hamon, représentant le Crédit Maritime qui a souhaité abonder seul au financement du projet en apportant la somme de 1,4 millions d’euros, me glisse : « Je le connais depuis 22 ans ». « 22 ans ? Mais il était encore à l’école primaire ! » « Je connais ses parents depuis très longtemps ! » Axel demande aussi à Frédéric Bernard, mytiliculteur du Lomer, de s’avancer. L’un des associés fondateurs qui lui ont fait confiance dès le départ, mais qui représente bien plus encore, comme une sorte de parrain. Il a aussi invité Dominique Boccarossa, un leader écologiste qui comprend l’entreprise, qui sait compter, et qui l’a aidé à ancrer sa réflexion dans une vision à long terme de la profession.

Il y a aussi la Région, Virginie de la Chambre de commerce, la BPI qui a garanti le prêt, Thibaut Camaret, actuel président du Syndicat et membre du CA du Groupement La Pénestin, son principal fournisseur sur Pénestin, des représentants de la vingtaine de mytiliculteurs associés répartis en 3 « bassins », Normandie, Bretagne Nord et Bretagne Sud, des patrons de l’agroalimentaire breton et vendéen… Et l’on voit bien qu’avec chacun d’entre eux existent des liens affectifs forts, et pas seulement professionnels.

Axel Brière voit loin. La taille de cette usine est volontairement limitée, car c’est un « proto » destiné à être copié-collé ailleurs, dans plusieurs lieux de la façade atlantique. Les partenariats avec d’autres régions sont destinés à être renforcés à partir du centre de gravité pénestinois. Le projet est d’ampleur nationale et la commune de Pénestin ne peut que s’en féliciter. Une extension de 400 m2 supplémentaires est déjà prévue pour l’extraction, vers 2025, de jus à partir des « toutes petites moules », qui serviront à constituer des compléments alimentaires. Les recherches sont en cours. Rendez-vous, pour commencer, à l’été 2021, où la saison des moules se fera à Pénestin avec beaucoup moins de déchets rejetés, pour le bénéfice de tous. 

2 commentaires sur “Mussella 2 : une usine prototype dès juillet 2021, puis un réseau d’usines dupliquées sur la façade atlantique”

  1. Je suis très admiratif pour ce projet qui sera certainement demain une fierté pour Pénestin. Non seulement il va créer des emplois (en rapport avec la mer) mais il est totalement écologique .

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