À Nantes, le retour de la petite dame de l’EHPAD

Par Edwige

Ce matin juste en sortant de la maison, qui vois-je ? La petite dame de l’EHPAD ! Je l’avais déjà aperçue il y a quelques jours, mais j’étais en voiture et n’avais pas pu l’aborder.

Il pleuvait, elle marchait vite. Arrivée à ma hauteur, je l’ai saluée et elle me dit : « Oh ! Vous avez de la chance, vous avez un parapluie, moi, je n’en ai pas… » Je l’abrite sous le mien, et on entame la conversation. Elle me dit qu’elle est contrariée, parce que comme elle avait perdu son parapluie, sa fille lui en a apporté un autre, mais ce matin, impossible de mettre la main dessus. Je lui dis : « Prenez le mien, j’ai un autre à la maison, prenez-le ! » Elle proteste et puis finit par le prendre, toute contente d’être abritée. Elle dit : « Il faut que je regarde bien où vous habitez, car je viendrai vous le rendre ». Je refuse, je lui dis de le garder, d’ailleurs, c’est un parapluie sans aucune valeur. Et puis je ne tiens pas à ce qu’elle descende les marches pour venir chez moi, elle n’est quand même pas très solide, elle pourrait tomber, je le lui dis. « Vous avez peut-être raison », dit-elle en regardant l’escalier. Elle me raconte une chute qu’elle a faite il y a je ne sais combien de temps, et qui lui a laissée des séquelles, elle boîte un peu maintenant.

Elle me remercie beaucoup pour le parapluie. « Oh! Mais qu’est-ce que vous êtes gentille !

Je lui demande si elle a bien supporté le confinement, elle dit qu’à la fin elle en avait « ras le bol ». Elle dit qu’elle n’est plus comme avant, elle se demande si elle ne ferait pas mieux de se « faire disparaître ». Je lui dis qu’il y a beaucoup de gens qui ont du mal, même moi, je le ressens aussi, le confinement nous a usé et démoralisé, mais on va se remettre, qu’elle ne s’inquiète pas. « Vous croyez ? » répond-elle les yeux brillants, et on voit qu’elle ne demande qu’à y croire.

Elle dit qu’elle a son piano avec elle à l’EHPAD, alors elle joue de temps en temps pour elle et pour les autres, plutôt des vieilles chansons et des airs qu’elles connaissent, les autres dames, et ça leur plaît. Mais quand elle était prof de piano, elle enseignait le classique. Quand elle s’ennuie, elle relit des vieilles lettres de ses élèves, beaucoup lui ont écrit, elle dit qu’elle aimerait mieux que tout soit encore comme avant. De temps en temps elle parle à nouveau du parapluie et me remercie encore chaleureusement.

Et puis, voyant l’heure, elle me dit qu’elle doit aller déjeuner, c’est à midi, et elle a juste le temps d’aller se donner un coup de peigne. « Vous savez, le vent et la pluie, ce n’est bon pour les cheveux », me dit-elle, car elle est toujours aussi élégante…

(La première partie de ce récit est parue le 26 mars sous le titre « Une histoire nantaise par temps d’épidémie : la petite dame de l’EHPAD « . Elle avait suscité une proposition de Pierre Blaize, reproduite ci-dessous, avec une réponse de Pascal Puisay. J’ai pour ma part aussi écrit à la nouvelle directrice de l’ehpad pour lui proposer de prendre contact avec des résidents intéressés par l’écriture et de les publier. Je la relancerai.)

Pierre Blaize says:

Un écrit très sensible qui humanise les statistiques et malheureusement nous fait toucher du doigt notre impuissance.
Je ne suis pas compétent en la matière mais ne pourrait-on pas envisager de mettre sur le site de la mairie de courtes vidéos de témoignages des pensionnaires de l’EHPAD qui le souhaiteraient. En retour les pénestinois pourraient leur adresser quelques mots d’affection.
Mais je crains que le personnel est tant à faire que ce ne soit pas possible.Répondre

  1. Pascal Puisay says:
    Bonjour
    Effectivement, le personnel a vu son travail démultiplié par le confinement et il sera difficile je pense en ces temps de restriction de visites de voir aboutir ce projet. Par contre mon sentiment est que rien ne devra plus être identique en sortie de crise et toutes les actions en faveur de la participation des résidents à une vie extra mûros sera la bienvenue. À l’EHPAD de Pénestin il y a plusieurs solutions pour envisager la mise en œuvre de ce projet : joindre la direction qui dispose de plusieurs réseaux via l’animatrice ou le groupe de bénévoles déjà très investi.
    Cordialement
    Pascal PUISAY

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