L’an dernier, j’ai écrit dans un texte sur le courage nécessaire pour faire des enfants dans notre monde lourd de menaces : « Des fois, ça rate. » 4 mots : la phrase la plus lourde de sens et la plus désespérée que j’aie jamais écrite, mais dont la signification qu’elle a pour moi personnellement n’est connue que de quelques-uns de mes amis. (http://www.penestin-infos.fr/tu-seras-sorcier-ou-poete-mon-fils-sorciere-ou-poetesse-ma-fille/, 12 juin 2024)
Cette semaine, j’ai eu envie d’écrire : « Des fois, ça réussit ». Pour dire qu’avec un peu de ténacité et de persévérance, chacun peut améliorer de petites choses autour de lui, en sa qualité de simple citoyen.
Les hirondelles de rivage creusent des galeries de 60 cm de profondeur pour abriter leurs petits
Le sujet du jour : les hirondelles de rivage. Ces petits oiseaux ne pèsent qu’une quinzaine de grammes, mais ils parcourent des milliers de kilomètres depuis l’Afrique subsaharienne pour venir chez nous, vers fin mars début avril. Ils réparent les terriers de l’année précédente ou en creusent de nouveaux, en haut des falaises : des galeries horizontales d’environ 60 cm de profondeur. C’est là qu’ils pondent leurs œufs, puis nourrissent leurs petits (les hirondeaux) avec les insectes qu’ils attrapent en vol.
Ceux parmi les estivants dont les centres d’intérêt vont au-delà de leur bronzage et de la température de l’eau – il y en a, heureusement, même si d’autres, et c’est leur droit, passent des heures à se prélasser ou à creuser des trous dans le sable, en ignorant leur présence -, ces estivants, donc, assistent au ballet acrobatique de ces hirondelles qui alternent la chasse et les retours aux nids. Elles accomplissent toutes les deux ou trois minutes ce miracle de reconnaître sans hésitation leur « trou » parmi tous ceux qui l’entourent. Puis elles foncent dessus à grande vitesse, non sans effectuer au passage quelques boucles élégantes, et repartent tout aussi vite en chasse.

Il y a à cela à une condition, une seule : qu’elles ne soient pas perturbées par la présence de vacanciers installés trop près de la falaise, parfois en groupes nombreux et bruyants. On les voit alors faire des allers et venues à la recherche de leur terrier, se poser et repartir parce qu’elles se sont trompées, se poser à plusieurs sur le même trou et se disputer. C’est un crève-coeur de voir des mères oiseaux chercher en vain leurs petits pour les nourrir.
Je ne reviens pas ici sur les combats menés en 2020 par la liste d’opposition « Le bon sens pour Pénestin » pour faire installer des dispositifs de protection de ces hirondelles. Ce fut le premier sujet d’affrontement dans les semaines qui ont suivi l’installation à la mairie de l’équipe de M. Puisay, à l’origine de haines tenaces et passablement ridicules. Vous en retrouverez des échos dans les articles accessibles en tapant « hirondelles » dans la zone « rechercher » sur la partie droite de la page d’accueil de ce blog. Par exemple : http://www.penestin-infos.fr/reponse-a-une-simple-question/
Jusqu’à mi-juillet, un service minimum pour protéger les hirondelles
Cette année, la mairie a mis en place un « service minimum », notamment sur la plage du Maresclé où sont concentrés la majorité des terriers : 4 ou 5 panneaux signalant la présence des hirondelles et demandant de ne pas s’approcher, 2 affichettes en haut des chemins descendant vers la plage pour avertir des risques d’éboulement, pas de panneaux, ni de rubalise pour signaler la zone la plus dangereuse au sud de la plage, qui continue à s’effondrer de jour en jour depuis trois ans.
Résultat prévisible : les rares panneaux ne sont pas respectés. Les vacanciers les déplacent, s’installent derrière eux, le long de la falaise, y accrochent leurs serviettes. Quand à la partie sud, ce sont surtout des familles avec des enfants en bas-âge qui cherchent l’ombre le long des falaises, prenant des risques extravagants. On en voit même grimper sur les éboulis de la veille.
Pour ma part, j’ai renoncé à aller leur parler, car les échanges sont certes courtois, mais souvent moqueurs : « Vous nous sauvez la vie ! » Je suppose qu’en cas d’accident, la responsabilité pénale du maire est engagée, mais je n’en ai pas obtenu confirmation. La police municipale effectue quelques rondes… mais ils sont trois pour surveiller 25 km de côtes, en plus de leurs autres tâches.
Le résultat est autre lorsque l’on s’adresse aux estivants installés derrière les panneaux. Quelques règles : sourire, dire bonjour et s’excuser du dérangement, parler anglais ou allemand si besoin, dire qu’il s’agit d’un espace « protégé » plutôt qu’« interdit », expliquer la nature des terriers et l’importance de la nourriture des oisillons. Si l’on respecte ces règles de communication de base – trop peu connues -, les estivants acceptent volontiers de déplacer leurs serviettes.
Pourquoi tu fais ça ? A quoi ça sert ?
Je ne suis pas le seul à avoir pris l’initiative de ces actions citoyennes. Mais on se heurte souvent à l’incompréhension, même de ses amis :
– Pourquoi tu fais ça ?
– A quoi ça sert ?
– On ne va pas à la plage pour ça…
Le 11 juillet, je me décide à écrire à la mairie, à l’élu en charge de la sécurité, avec copie au maire. De la part du maire, rien à ce jour, mais l’élu me répond le jour-même, et rendez-vous est pris avec lui, les services techniques et la police municipale dès après le 14 juillet. Je propose de délimiter en priorité les trois zones où sont concentrés les terriers, avec des poteaux et de la rubalise en formant des « cercles ». Hugues, des services techniques, a la même idée et la formule presque en même temps : faire des « boucles ». On s’est compris.
Deux jours plus tard, les installations sont en place. Côté sud, un simple panneau. J’avais insisté pour davantage, mais sans succès. Cependant, ce panneau semble avoir permis de limiter la fréquentation de cette partie de la plage. Quant aux boucles ou cercles : ils sont respectés depuis deux semaines maintenant. Il suffit de refaire un petit nœud avec la rubalise lorsque le vent trop fort la décroche des poteaux. C’est important, car – autre règle de communication – un dispositif est d’autant mieux respecté qu’il est correctement entretenu. C’est une forme de respect réciproque. A défaut, les gens transgressent à nouveau les règles.

Effet tout à fait inattendu : les couleurs rouges et blanches des rubalises attirent l’attention. Les gens viennent désormais tous les jours avec leurs enfants observer les hirondelles qu’ils ignoraient jusque là. Spectacle d’autant plus intéressant que les oisillons, désormais proches de prendre leur envol, s’approchent du bout des galeries et sont visibles lorsqu’ils se penchent vers l’extérieur en piaillant pour réclamer leur nourriture. La plage du Maresclé est enfin devenue ou redevenue un espace partagé entre oiseaux (y compris goélands, mouettes, gravelots, corbeaux…) et humains qui les prennent en compte, au lieu d’un espace de consommation indifférent aux dégâts causés.
Les citoyens disposent d’une « compétence d’usage » par leur connaissance concrète du terrain
Ce que je veux dire, c’est que chacun peut agir en citoyen, en faisant valoir sa « compétence d’usage » : la fréquentation régulière du terrain permet d’acquérir des connaissances et de faire des observations et des propositions. « Des fois, ça rate », il faut bien l’avouer. On me cite des lieux dangereux signalés en vain après des accidents. Certaines opérations ont été menées, notamment le long de la Vilaine, pour protéger diverses espèces, dont les gravelots : tant mieux ! Même si souvent l’intention publicitaire est transparente : inauguration en présence des officiels et de la presse, oubli des associations locales…
Il y a aussi des situations dramatiques. Ce week-end, les chasseurs et pêcheurs des associations locales ont sillonné la Brière, tout près d’ici, deuxième zone humide de France après la Camargue. 600 cadavres, notamment de colverts, ont été ramassés dans la seule journée de samedi. Ils sont victimes du botulisme, maladie due à une bactérie qui se développe par forte chaleur dans les eaux stagnantes (Ouest-France, 28 juillet 2025). Une épidémie d’une telle ampleur n’avait pas eu lieu depuis 30 ans, et la cause est connue : le niveau d’eau est trop bas, conséquence des pratiques agricoles et du « règlement de l’eau », aggravé cette année par les fortes chaleurs et une sécheresse durable.
Un rappel pour conclure : l’article 2 de la charte de l’environnement de 2005 stipule que « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. »
Le devoir… Je suppose qu’on enseigne cela dans les écoles.
Un peu de pédagogie en direction des adultes ne ferait pas de mal, sans doute.
Sinon, eh bien… ce sera trop tard. Pour nos écoliers d’aujourd’hui. Pour vos enfants et petits-enfants…
Merci Gérard
Étant allée moi aussi avertir des baigneurs confortablement installés sous les terriers
Mais peu de succès…voire de l agressivité….
Soyons actifs pour préserver notre lenvironnement ..bien collectif
Cordialement
Danièle de kerlieux
Merci Danièle,
Votre message est de ceux qui font du bien, qui encouragent, même si ce que nous avons à raconter relève de la dureté de la vie. Demain, je publierai un dernier article d’actualités, sur le PLU, que j’ai presque terminé ce soir, puis j’en ai eu marre et je suis sorti voir des amis. Demain, je le terminerai, et dans une semaine à peu près, je mettrai un autre message pour expliquer que je renonce. C’est dur de renoncer, mais c’est ma santé qui est en jeu si je continue. Ce n’est pas que je tienne tant que cela à la vie. Mais il faut savoir où sont ses priorités. A travers la fiction, j’ai encore beaucoup de choses à dire, et travers le rangement, beaucoup à mettre en ordre avant de tirer ma révérence, à travers les conversations et les verres partagés, beaucoup à offrir encore, à partager, à transmettre, etc. selon le sexe et l’âge des personnes concernées, à travers les livres beaucoup d’émotions à éprouver, de connaissances sur lesquelles m’extasier. C’est à vous que je confie cela sans vous connaître. Je vais encore écrire ou téléphoner à quelques personnes en évitant de leur transmettre mon blues qui n’est que momentané, puis j’irai dormir, puisque j’ai retrouvé le sommeil avec quelques épisodes d’avance sur mon personnage du Sommeil englouti. Peut-être rêverai-je d’hirondelles.
Bien à vous,
Gérard
Excellent !
Merci d’avoir fait le nécessaire pour préserver ces oiseaux !
Belle initiative qui permettra certainement de revoir les hirondelles de rivage années après années !
C’est vrai que les mots ont leur importance et parler de réglementation ou de protection plutôt que d’interdiction permet de mieux faire passer l’intérêt de protéger les oiseaux pour que nos descendants puis les voir évoluer à leur tour.
Continuez à nous informer !
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Merci de cette initiative simple: il fallait y penser et impulser l’action ! Bravo 😉
Bravo !
Belle initiative d’avoir relancer la mairie sur la protection des hirondelles de rivage.
C’est un plaisir de les voir évoluer mais c’est aussi un patrimoine.
Les communes de bord de mer comme Penestin on un rôle à jouer dans la sensibilisation à la biodiversité.
C’est important pour les générations futures mais ce pourrait être aussi un argument de mise en avant de la commune, une carte à jouer si la conscience de l’urgence de préserver ce qui peut encore l’être n’est pas suffisant.