La nature, c’est sale ?

On rase, on rase ce matin ! Ca débroussaille avec entrain et ça tond pour faire bonne figure. Nous sommes dans la coupure d’urbanisation entre Maresclé et Loscolo. Une belle coulée de landes et de friches. Propice à la vie, réservoir pour la biodiversité. Elle mène depuis la mer jusqu’à la route de Loscolo et se poursuit bien au-delà. Le problème, c’est que les parcelles situées de part et d’autre du chemin des Champs Rouges sont pour la plupart privées. Les propriétaires y sont chez eux, et c’est leur droit le plus strict de transformer la lande en gazon si cela leur chante. On est en zone Na, non constructible (encore heureux!) Mais pour imposer des contraintes supplémentaires, il faudrait que la zone passe en Nds. C’est le moment, puisque la révision du PLU est en cours, mais aucun propriétaire ne le demandera, c’est certain !

La débroussailleuse tourne méthodiquement de l’extérieur vers l’intérieur. Je fais signe à l’opérateur. Il s’arrête. C’est sa chef, évidemment, qui est en relation avec les propriétaires. L’entreprise est basée à Férel. Je lui parle de la loi Littoral, de l’importance à la fois écologique et paysagère des coupures d’urbanisation. Il dit oui à tout. Mais ce que les propriétaires souhaitent, c’est que « ça fasse propre ! » Ca repousse vite de toutes façons… Il ne passe qu’un fois par an… 

Que ça fasse propre : voilà une réponse inattendue. Le contraire de propre, c’est « sale », mais la nature, c’est sale ? A force de grappiller sur les zones naturelles, on risque d’aboutir, à la longue, comme partout, à un continuum, une périphérie mi-rurale, mi-urbaine faite de lotissements, de zones industrielles, d’entrepôts, de décharges, comme l’expliquait si bien Jean-Marc Bonavoir, ex-boulanger à Kerandré, dans un article que j’ai publié il y a quelques mois (http://www.penestin-infos.fr/loscolo-village-organise/ ) Là, du coup, ça fera franchement sale. Lisez « Les chemins noirs », de Sylvain Tesson, qui en parle si bien.

Dans le même article, il était question du vaste terrain situé en face, de l’autre côté du chemin des Champs Rouges, où le Tribunal Administratif de Rennes a autorisé une construction en fond de parcelle. La lande y est largement conservée, mais sans garantie qu’il en sera toujours ainsi. D’autres arguments sont parfois évoqués : les risques d’incendies, auquel les gens pensent forcément dans cette zone côtière où le vent souffle fort ; ou encore l’éventualité de remplacer la lande par des arbres fruitiers.

La question qui revient est : peut-on laisser à des personnes privées la charge de l’intérêt public ? On n’a pas le choix, me direz-vous… Dans ce cas, il y faudra de la pédagogie, des échanges, du débat. C’est essentiel. Ce n’est pas gagné, mais pas perdu non plus !

Pour preuve, les réflexions qui se développent largement sur « la fin du gazon », dans les zones urbanisées elles-mêmes, et qui rejaillissent notamment sur l’offre commerciale des grandes surfaces de bricolage et de jardinage. Voici ci-dessous un très intéressant article sur ce sujet, paru dans Le Monde il y a un mois.

« Les « trente glorieuses » fleuraient l’herbe tondue, sur le modèle propret des lotissements de banlieue américaine. La moquette de graminées prolongeait celle du salon. Maniant tondeuse et chimie, le père de famille offrait le confort rassurant d’une nature domestiquée. » Pascale Kremer, Le Monde 3.9.21.

Le-gazon-est-un-non-sens-ecologique-et-si-on-rangeait-enfin-tondeuses-engrais-et-pesticides-

1 commentaire sur “La nature, c’est sale ?”

  1. Merci pour le partage de cet article du Monde, très intéressant en effet.
    Faire propre, voilà bien une expression qu’on attend souvent tant il est vrai qu’en zone pavillonnaire, votre voisin aura vite fait de vous regarder de travers si par malheur vous voulez laisser la part belle aux orties ou aux pissenlits.
    Les paysagistes et jardineries ont aussi un rôle central à jouer : on se rappelle les immuables ( et hideuses) haies de thuyas que tout pavillon arborait avec fierté à la fin du siècle dernier. Les haies diversifiées, nettement plus favorables à la biodiversité et combien plus esthétiques, sont maintenant la norme. Tout espoir n’est pas perdu mais la route est longue et la pente est raide…

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