Manif, défilé, rassemblement ? Oui, plutôt rassemblement. Rendez-vous sur le parking de la Médiathèque, puis devant l’église, avec les affichettes : « Contre – les violences – faites aux – femmes »
« Mais moi, je vais aller faire mon marché après, et je garderai mon T-shirt. Donc, je vais « défiler ». Si des gens me demandent pourquoi, je leur expliquerai. »
« Moi, je veux pas mettre le T-shirt. »
Le T-shirt est vendu 13 euros. Il y en a 30, à peu près le nombre de présents ce matin. Il est blanc, avec un symbole féminin reproduit dans un rouge vif. Très vif. Pas de texte ? Non, il est neutre, il n’affirme rien en dehors de la présence, l’identité, la dignité des femmes. S’il a une force, il la tire de son évidence. « La force de l’évidence », alors ?
Comme en chimie : est-ce que le précipité va prendre ?
Mais puisqu’il est question des violences faites aux femmes, ce rouge vif, il signifie quoi ? Une colère ? Une colère partagée ? Oui. Oui, mais ! C’est comme en chimie : est-ce que le précipité va prendre ? Chacune diffère par son expérience, par le regard qu’elle porte sur cette expérience, et aussi par l’expérience qu’elle a de l’engagement, du militantisme.
Il y a là ce dimanche matin des personnes qui se considèrent de droite, de gauche, ou pour qui ces mots ont perdu leur sens. Des femmes qui ont traversé tous les combats du demi-siècle pour la « libération des femmes », tandis que d’autres n’ont jamais considéré jusque là que des questions de vie privée devaient être portées sur la place publique. Des pour qui manifester est comme un « gros mot », un acte complètement extérieur à toute leur culture et qui les met mal à l’aise.
Pour les plus jeunes, comme C., 17 ans, une classe de lycée avec des bi, des gays et d’autres qui projettent de devenir trans est tellement plus intéressante qu’une autre avec ses gros nazes et ses bimbos. Des réalités que d’autres n’imaginent même pas… Finalement, ceux qui sont les plus à l’aise ce jour-là ne sont-ils pas les quelques hommes qui ont choisi de revêtir le T-shirt et qui en rajoutent quand on les taquine sur leur part de féminité ?
Alors, toutes ces histoires déclinées au singulier, se conjugueront-elles pour accoucher d’un collectif ? Dans les réunions préparatoires (où ma présence n’a pas été souhaitée), certaines voulaient attendre, prendre le temps. C’est vrai que faire fusionner des personnalités aussi diverses est un challenge : cette manif est une première, d’autres suivront, et nul ne sait encore si la « force de l’évidence » s’imposera.
Une nouvelle « séquence »
Car, ne nous voilons pas la face. Nous sommes à Pénestin. Dans quelques jours, le maire sera de retour après 6 semaines d’absence. Les oppositions ont interpellé le préfet, le député, le président de Cap Atlantique et les maires de l’intercommunalité sur « une situation totalement inédite » :
« La gouvernance de la commune peut-elle rester entre les mains d’une équipe dont 6 élus sur 12 sont impliqués dans 2 enquêtes en cours d’instruction ? »
Ces deux enquêtes sont la plainte contre le maire pour agression sexuelle et harcèlement à l’encontre d’une élues de sa majorité, et celle pour favoritisme dans la vente d’un terrain communal. Une nouvelle « séquence » va débuter au plus tard vendredi 9 juin, avec un conseil municipal que M. Puisay entend présider comme si de rien n’était. Au vide sidéral qui s’est étendu du site de la mairie à l’ensemble des médias, restés cois – prudence oblige ! – depuis maintenant 5 semaines, succédera une communication active du maire, bien décidé à faire valoir sa vision des choses : il se présentera comme l’un de ces maires martyrs de la République, il a été poussé à bout par l’opposition, il a lutté pour s’en sortir, il est entouré de ceux qui lui sont restés fidèles.
Vous étiez simplement sceptiques ? Attendez-vous à subir ses foudres ! Mettre en doute son statut de victime sera qualifié d’« abject ». On ne parle pas ainsi de quelqu’un qui dit avoir frôlé la mort.
Pourtant, on le sait déjà, Cap Atlantique va lui retirer son soutien. On ne le dira pas comme cela, mais regardez son site internet : 4 « grands projets », dont un désormais absent, le projet de parc conchylicole de Loscolo. Peut-être une opération de maintenance du site… Le président Criaud gérait l’affaire personnellement. Il n’a pas apprécié que Mme Puisay tente de lui forcer la main en l’entraînant dans son projet de marche blanche en soutien à son mari. Mais surtout, ce sont les mytiliculteurs qui ont tranché : deux réunions ont eu lieu, il n’y a plus aucun volontaire pour aller s’installer à Loscolo. (Oui, je sais qu’il n’y a pas de compte-rendus, mais si personne ne prend le risque de diffuser une information, vous ne saurez jamais rien…)
Le droit des maires et celui des femmes
Exit ce projet de presque 30 ans dont le budget prévisionnel a augmenté de trois millions d’euros entre 2016 et aujourd’hui. Il faudra éponger. Mais c’est bien sûr à Pénestin, pas seulement à Cap Atlantique, que se jouera la bataille. Dans la Salle du Conseil : le maire, les élus, le public. Dans la rue. A la gendarmerie de Vannes aussi, où le maire sera bientôt entendu… Il est présumé innocent. Le combat politique a pour objectif d’obtenir sa démission et que l‘on puisse procéder à de nouvelles élections, sans attendre que la procédure judiciaire soit arrivée à son terme. Personne ne souhaite laisser les mains libres encore trois ans à un maire qui ne respecte ni la démocratie, ni les femmes et les hommes de sa commune. Ce sont les femmes qui mèneront cette bataille politique, c’est logique. Mais chaque mot de trop sera susceptible de conduire en diffamation… et de fragiliser la procédure judiciaire en cours.
Vous comprenez pourquoi les T-shirts sont blancs ? Ce ne sera pas facile de lutter sans le secours et le recours des mots. La plainte pour agression sexuelle (et harcèlement pendant un an et demi pour dissuader l’intéressée de porter plainte), si elle débouchait sur une mise en accusation, apparaîtrait comme un degré de plus dans l’exercice abusif du pouvoir, comme un prolongement de l’arbitraire. Rien n’est joué. D’autres maires sont restés en fonction malgré des procédures, et même des condamnations. M. Puisay tirera très certainement tout le parti possible du contexte médiatique actuel, qui reflète une salutaire prise de conscience de la nécessité de défendre les maires victimes d’agressions. Mais M. Puisay, lui, maire de Pénestin, il est victime de quoi ?? Pour une fois, c’est lui qui aura la charge de la preuve.
Une bataille historique se prépare à Pénestin, inédite chez nous et ailleurs. Ce sera : les arguments du droit des maires contre ceux du droit des femmes. Quelle singulière configuration ! A chaque camp de prouver qu’il appuie ses arguments sur des faits, et cela sans empiéter sur les procédures en cours. Le camp du droit des femmes est tout juste en train de prendre ses marques. Il est hétérogène, cela s’est vu ce matin. Il est flottant, le collectif n’a pas encore émergé. Il lui faudra de l’audace et du courage. Il y avait des absent(e)s ce matin. Certaines informations sont certainement entre les mains de la justice, mais celles et ceux qui mènent le combat politique n’y ont pas accès ou ne peuvent pas en faire état. Il n’y a pas de bataille sans prise de risque. Certains qui pourraient s’exprimer sont tenus par le secret professionnel ou le devoir de réserve. Il faut parfois prendre ses responsabilités. Les médias aussi doivent faire leur travail : ils risquent si peu, ils ont tellement peu à perdre… Qu’ils se montrent dignes de leurs fondateurs et des valeurs qu’ils portaient !
A trop rester dans le flou, la réaction chimique risque de ne pas se produire. Les batailles livrées durant l’histoire des femmes font partie de la longue liste des luttes des dominés contre les puissants. Qu’il s’agisse des suffragettes, de la légalisation de l’avortement, des violences, de la question des « genres » plus récemment, elles ont été livrées avec les mots, les images, et face aux valeurs de leurs adversaires qui occupent le terrain. Pour s’imposer, il faudra du concret, des faits, des présences qui rassemblent, qui construisent un territoire, un camp. Sinon… Eh bien vous pourrez attendre de voter en 2026. Sans garanties.