Et soudain Fifi enjamba la scène et se saisit du micro.
L’appel du rock n’roll était le plus fort. Ce grand timide ne sait résister ni à une saine et juste colère, ni à une trame de blues. 3 accords le mettent hors de lui. Il avait senti venir la crise : il avait appelé sa femme au téléphone et lui avait dit : « je ne rentre pas encore, ne m’attends pas ». D’un coup il avait pensé : « no way back home, baby, no wait !! » Les syllabes avaient grossi comme Hulk saisi par la colère. BABY NO WAY NO WAIT ! NO WAY ! NO WAIT ! Sa voix avait franchi le mi 2, s’était enrouée, avait noirci. L’adrénaline pure s’était mise à couler dans ses veines comme un shoot d’amphétamines sur une péniche d’Amsterdam où il n’est jamais allé. Du sang noir y coulait. Du sang de bluesman retour des champs de coton. Le sang noir des jeunes blancs des années 1950, les Américains et les Français de sa génération, il est né avant Johnny, en 1942, et ça ne se voit pas ! Le sang d’Elvis jeune pris de la danse de Saint-Guy. Lui, Fifi, il a plutôt la corpulence sèche de Vince Taylor.
Nous sommes dimanche 19 mai, vers 16 h 30, à la Gratiferia organisée par l’association Autre Regard. Quelques piles de vêtements, de jeux et de livres encore dispersées sur les tables de la Salle des fêtes. Un public mélangé, jeunes, vieux, enfants. Tout sourire, déjà chauffé par un groupe rock-layette de Savenay. Excellent au demeurant. Mais ils n’ont pas connu Pénestin il y a 50 ans, quand une bande de jeunes du Poudrantais, pas blousons noirs, plutôt jeunesse dorée même, faisait la java à tout bout de champ. Fifi, oui, il y était. Il jouait déjà de la guitare, sautait déjà sur scène, chantait déjà du rock n’ roll. Toute une vie au son de Brown Sugar, de Blue Swede Shoes, de Love me Tender !
Fifi fait face au public. « Je vais chanter du rock ! » Ses jambes gigotent. Ses yeux pétillent d’un bonheur peu catholique. Le rock, ce ne sont pas que de bons sentiments. Son expression est devenue conquérante, impérieuse. Ses bras s’agitent au hasard. Son torse, moulé dans une chemise à carreau rentrée dans le pantalon, enfante des sons et des mouvements capricieux, baroques. Sa voix n’est ni grave, ni aiguë, ni forte, ni faible. C’est une voix rock, rauque, la sienne. Le public crie. Certains dansent. Tous sourient, rient. Des jeunes femmes le couvent du regard comme un jeune premier. Il lance ses bras, ses mots anglais. On chante avec lui. Paul, l’ancien président d’Autre Regard, chante, danse, bat des mains, rit de ses yeux redevenus joyeux. Alain le saxophoniste est en extase.
Fifi termine sous un tonnerre d’applaudissements. Lâche le micro. Le reprend. C’est un délire. Il fait corps avec le public. Il est porté par lui. Il s’envolerait soudain qu’on n’en serait pas surpris. Les sourires sont tellement larges qu’ils débordent de l’un à l’autre. On chante à nouveau. Il termine. Recommence encore. Le temps est suspendu. Fifi est roi.
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Bravo mon Fifi,
tu es encore meilleur qu’au theâtre Graslin quand on chantait dans les choeurs!!!
Je te bise
Kiki
Bravo Fifi ! J’en rage de n’avoir pas été là ce 19 mai ! Ta groupie de toujours Fanny
Comme si on y était ! Merci Gérard ; -)
Super bien écrit… à nous faire regretter d’avoir loupé le rock de Fifi. Il doit être content avec un bel article comme celui-ci !!!
Merci Emmanuelle ! A samedi !
PS. Ceci sera la seule promo car l’événement a lieu à Férel et non à Pénestin : j’accompagnerai Emmanuelle Rabu au piano, au Café de la Place de Férel, le samedi 25 mai à 15 h. Elle y lira ses poèmes dans le cadre des “Rencontres poétiques”. Le thème sera la nature. Vous y serez les bienvenus ! Un autre Pénestinois sera présent : Thierry Fériot, écrivain et poète.