M. Puisay, maire de Pénestin, aurait tenté de se suicider

Il faut s’atteler à démêler le vrai du faux. Ces derniers jours, Pénestin bruissait de rumeurs. On ne dit pas assez qu’il y a des rumeurs vraies et des rumeurs fausses. Il y en a aussi des « moit-moit ». Tout cela est bien connu. Les rumeurs font l’objet de nombreuses études, qui sont inscrites au programme des formations en communication et en journalisme. 

De même, certains communiqués de presse disent le vrai, tandis que d’autres, qui en ont la saveur et l’odeur, n’ont d’autre but que d’enfumer les journalistes à qui ils sont adressés. Ceux-ci tombent parfois dans le panneau… Ajoutons que sur certains terrains minés, il arrive que des propos, vrais ou faux, tombent sous le coup de la diffamation, procédure extrêmement coûteuse, destinée à punir ceux qui attentent à la réputation d’autrui, y compris s’ils ont parfois raison. 

« Hospitalisé après une tentative de suicide »

Ce mardi, en fin de matinée, une onde de forte intensité parcourt les divers appareils servant à capter les messages virtuels, les rues, les cerveaux. Que se passe-t-il ? Une rumeur vient de muter en article de presse. Le groupe Publihebdos dont fait partie l’Echo de la Presqu’île publie sur son site actu.fr un article intitulé : « Le maire d’une petite commune du Morbihan hospitalisé après une tentative de suicide ». Le chapeau en résume le contenu ainsi : « Le maire de Pénestin a tenté de mettre fin à ses jours. ‘Il a craqué après des mois à être diffamé’, selon son épouse qui souhaite organiser une marche ‘pour une société apaisée’. »

« Marchons ensemble pour dire stop à ce climat de violence et de haine auquel trop d’élus sont confrontés », poursuit cette dernière. Le président de Cap Atlantique et maire de Guérande, Nicolas Criaud, dit lui apporter son soutien et demande aux 14 autres maires de l’intercommunalité de participer à cette action. L’Echo semble ignorer que plusieurs d’entre eux, méfiants, ont déjà annoncé qu’ils n’y participeront pas.

Quelques heures plus tard, le site de Ouest-France publie un article à paraître le lendemain dans son édition papier : « Le maire de Pénestin hospitalisé après une tentative de suicide »« Le 17 avril 2023, le maire de Pénestin (Morbihan), Pascal Puisay, a tenté de mettre fin à ses jours dans un contexte de tensions avec son opposition et alors qu’une plainte pour agression sexuelle le vise. Il est hors de danger. »

L’article du quotidien est visiblement mieux informé que le précédent. Le contexte est brossé : action en justice contre la vente du presbytère, vente d’un terrain communal à la fille du premier adjoint. Il y a enfin cette plainte contre le maire pour agression sexuelle sur une conseillère municipale, dont l’Echo ne faisait pas état. 

Le sang-froid de la population

Ce n’est pas une surprise pour les Pénestinois, nombreux à connaître les détails d’une affaire qui ne ressemble en rien à une « fausse rumeur » : une conseillère municipale a déposé une plainte datée du 18 mars auprès de la substitut du procureur de Vannes. L’enquête de la gendarmerie est en cours et plusieurs adjoints et conseillers municipaux ont déjà été convoqués. Personne ne l’avait indiqué par écrit jusque là afin de ne pas encourir une attaque en diffamation, et Ouest France, avec sa mention « selon nos informations », a donc ouvert la brèche. Bien sûr, M. Puisay est présumé innocent. J’ajoute qu’il convient aussi de saluer le sang-froid de la population du village.

18 heures : coup de théâtre. L’Echo modifie son texte (disponible sur https://actu.fr/bretagne/penestin_56155/le-maire-dune-petite-commune-du-morbihan-hospitalise-apres-une-tentative-de-suicide_59189447.html ). L’hebdo ajoute à son chapeau initial : « Mais on a aussi appris qu’il était visé par une plainte. » Il donne la parole à l’opposition, mise en cause par Mme Puisay : « Nous, on a fait notre travail d’opposant, nous n’avons jamais agressé personne ». L’entourage du président de Cap Atlantique rétropédale en indiquant que la marche annoncée est annulée. La communauté de communes aurait appris, sous-entendu dans la journée, ce qui est peu crédible, que le maire faisait l’objet d’une plainte pour agression sexuelle et harcèlement. 

Ces modifications font ressortir le caractère peu soigné du premier texte publié le matin, qui donnait l’impression que la journaliste s’était faite « balader », comme on dit dans la profession, par ses deux seules sources : Mme Puisay et M. Criaud. Il semble, qui plus est, que M. Criaud ne disposait que d’informations incomplètes.

Enfin, le soir vers 20 heures, Le Télégramme publie sur son site un article intitulé « Pénestin : le maire hospitalisé après une tentative de suicide ». (https://www.letelegramme.fr/bretagne/penestin-le-maire-hospitalise-apres-une-tentative-de-suicide-25-04-2023-13325688.php ) « Selon nos informations », indique le quotidien brestois, « c’est à l’issue d’une réunion de la majorité tenue le même jour que le maire de Pénestin aurait décidé de passer à l’acte ». Selon M. Bauchet, premier adjoint : « il a appris lors de cette réunion qu’une plainte pour agression sexuelle avait été déposée par une élue du conseil municipal. »

« Un homme catholique ne mérite pas ça »

S’agissant là d’une contre-vérité manifeste, je me vois contraint de rétablir les faits au vu de mes propres sources, mais aussi de l’évidence : le maire a dû logiquement être informé par les services du procureur dès le dépôt de la plainte un mois plus tôt, selon la procédure usuelle. La réunion a été orageuse, selon divers témoignages, car plusieurs élus, restés jusque là fidèles au maire, lui ont reproché de les avoir entraînés dans une « aventure » dont ils se seraient passés. 

Le premier adjoint poursuit : « Quant à la plainte pour agression, cela me surprend énormément. On est sous le choc. » Mme Puisay est quant à elle longuement citée dans l’article du Télégramme. Elle présente son mari comme une victime : il est « harcelé, violenté, malmené ». Elle le décrit comme quelqu’un de « gentil » : « Un homme catholique ne mérite pas ça », dit-elle, considérant que le conflit autour de la vente du presbytère est « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. »

« Ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord avec vous qu’il faut harceler quelqu’un jusque devant l’église », ajoute-t-elle, faisant référence à un échange vif qui a eu lieu la veille alors que le maire passait devant deux conseillers d’opposition présents comme chaque dimanche devant l’église, à l’entrée du marché, pour collecter les sommes nécessaires au recours engagé contre la vente du presbytère au diocèse à un prix particulièrement avantageux pour ce dernier. Ce recours fait suite à une pétition qui a rassemblé 830 signatures. 

Selon les intéressés, l’échange a duré quelques secondes :

– M. Boccarossa : Vous volez les Pénestinois.

– M. Puisay : Ce n’est pas 4500 euros que vous devez collecter. Il vous en faudra 10 000 !

– M. Bernard : Allez vous confesser, puisque vous allez à l’église !

Le Télégramme affirme que les deux élus ont « pris à parti » le maire. Selon Mme Puisay citée par l’Echo, ce serait une « agression verbale ». Je maintiens pour ma part le terme d’« échange vif ». M. Boccarossa met en balance ce bref échange avec les multiples attaques qu’il a lui-même subies au long des trois dernières années, notamment dans le cadre des commissions. La phrase attribuée à M. Puisay face aux deux élus pourrait être perçue, quant à elle, comme une des formes que prend parfois l’arrogance chez les puissants.

Deux hypothèses sont à examiner

Arrivés à ce point de leur lecture, j’imagine que beaucoup de Pénestinois sont perplexes. Les articles de presse, qui sont, mis à part celui de Ouest France, d’une précision toute relative, nous rassurent : les jours du maire ne sont pas en danger, il va mieux. Mais eux-mêmes ont pour la plupart eu vent d’une version assez différente : le maire n’aurait avalé que quelques cachets de Doliprane, et se serait de lui-même manifesté aux pompiers qui le cherchaient. 

J’ai conscience de ce que le simple fait d’émettre une telle hypothèse peut avoir de choquant lorsqu’une personne attente à ses jours. Mais devant l’insistance d’une « rumeur » qui s’est montrée jusque là plus « vraie » et plus rapide que les journaux, il faut bien reconnaître que si le contenu de cette rumeur n’a pas les qualités d’une “information”, le fait qu’elle existe et circule, en lui-même, en est une : il serait malhonnête de la passer sous silence. Et cela, qu’elle soit vraie ou fausse… La rumeur, que l’on aurait tendance à mépriser, n’est-elle pas une des façons dont le peuple s’exprime et donne son interprétation des faits en dehors des canaux autorisés et soumis au contrôle ?

Sans me prononcer sur sa véracité ou sa fausseté, je vais donc examiner les deux hypothèses. Si le maire a effectivement tenté de se suicider, on comprend que les uns et les autres cherchent à sonder les causes d’un tel acte. S’ils jugent que certains portent une part de responsabilité dans l’engrenage qui l’a conduit à cette extrémité, il est plausible qu’ils soient dépassés par la force de leurs émotions. On peut toutefois les inciter à la retenue, car dans de telles circonstances, c’est à eux, comme on l’a vu souvent, qu’il reviendra, une fois passée l’épreuve, de calmer les esprits et de préserver le vivre-ensemble.

Dans la seconde hypothèse, qui correspondrait à une forme de simulation, il faut d’abord remarquer qu’il existe différents degrés entre l’appel au secours que représentent, aux dires des psychiatres, beaucoup de suicides ratés, et le cynisme absolu que supposerait une mise en scène délibérée. Les mots me manquent pour poursuivre plus avant l’examen de cette hypothèse. Que l’on sache seulement que je répugne à crier haro sur un homme à terre, et, par ailleurs, que mon rôle à venir sera avant tout de freiner, comme je l’ai toujours fait, ceux parmi mes proches qui seraient tentés de céder à un esprit de « meute »

On m’a rapporté qu’hier après-midi, la conseillère municipale qui a porté plainte contre le maire était en larmes. C’est lui, disait-elle, qui apparaît maintenant comme la victime, les rôles sont inversés. Et moi, ajoutait-elle, je n’existe plus.

10 commentaires sur “M. Puisay, maire de Pénestin, aurait tenté de se suicider”

  1. Ping : Non, Monsieur le maire, vous n’avez pas « merdé ». Tout va bien pour vous. Jusque là... - penestin-infos

  2. Ping : Que d’incompétence ! Que d’erreurs dans la gestion du projet de parc conchylicole de Loscolo ! - penestin-infos

  3. C’est toujours facile les rumeurs car elle vont plus vite que l’éclair..
    L’opposition est constamment agressive,le vivre tt les jours n’ai certainement pas facile je ne voudrais pour rien au monde prendre sa place, avant même son élection Mr Puisay recevez des menaces dans sa boîte à lettres des intimidations style ” nous ne voulons pas d’une chinoise comme femme de maire”…

    Mais que c’est puéril surtout ds une petite commune comme Pénestin…
    Faut bien le pousser à bout pour qu’il est ce qu’ils recherche (qu’il démissionne)..

    Moi Vacancières à Pénestin ds le marché j’ai parfois était choqué des mots agressif à son encontre.. c’est digne d’une cour de collégien..

    Que la justice fasse son travail

  4. Merci pour cet article clair.
    Je me permet d’ajouter le lien vers le site arretonslesviolences.gouv.fr qui est a lire par le plus grand nombre, une victime qui se confie est a ecouter, les mots utilisés pour lui repondre doivent etre choisis, quand on a pas subi soi-même, nous n’avons aucune idée de ce que peut ressentir une victime d’agression. De plus, chacun réagit differement, ce que vous avez pu ressentir n’est pas forcement ce que tout le monde ressent. Il est important d’ecouter, mais surtout de respecter les choix de la victime quant aux suites qu’elle donne (plainte ou pas), et du temps qu’elle prend pour le faire, il n’y a pas de regle en matiere de ressenti apres une agression.
    https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-t, emoin/que-faire-quand-la-victime-se-confie

  5. Bonjour

    Merci pour un nouvel effort de nous donner les faits pour que nous améliorons notre compréhension

    et de ne pas faire appel à une machine “IA” pour écrire l’article
    😉

  6. Le 22 août 1962 attentat du Petit-Clamart sur le général de Gaulle.
    La nuit du 15 au 16 octobre 1959, attentat rue de l’Observatoire sur François Mitterrand.
    Un ancien député, dit avoir organisé l’attentat à la demande de Mitterrand lui-même.
    L’histoire nous montre que les événements peuvent être trompeurs.

    Emmanuel Macron veut faire arrêter les bruits de casseroles suite à la réforme des retraites. La aussi c’est un élu qui se plaint des réactions déclenchées par des décisions imposées.

  7. Merci pour cet article précis et mesuré.
    Mr Puisay savait en se présentant aux élections que gérer une commune, ce n’était pas comme prendre une tasse de thé avec des amis dans un salon. Faire de la politique, c’est aussi prendre des coups. Or que s’est-il passé à Pénestin ? Un certain nombre de citoyens, dont les élus de l’opposition, en désaccord avec lui, l’a exprimé. Peut-être avec insistance, peut-être quelque fois vivement mais à ma connaissance il n’y a eu ni insulte ni agression ni manque de respect. On a refusé à ces opposants un débat qu’ils étaient en droit d’avoir. Alors sous-entendre que ces citoyens soient responsables de la tentative de suicide de Mr Puisay est profondément injuste.
    D’autre part, pour ce qui concerne la plainte déposée par une conseillère municipale, si Mr Puisay est présumé innocent, la dame en question est présumée sincère. La justice tranchera.

  8. A votre question:
    “Et cela, qu’elle soit vraie ou fausse… La rumeur, que l’on aurait tendance à mépriser, n’est-elle pas une des façons dont le peuple s’exprime et donne son interprétation des faits en dehors des canaux autorisés et soumis au contrôle ? “,
    ma réponse est 😱😱😱. Tellement facile de “fabriquer”, à dessein, une rumeur . La “meute” (c’est bien d’en freiner l’esprit 😇 !) en est friande : est-ce bien responsable de satisfaire sa gourmandise en relayant les rumeurs qui ont cours😋🤢!?
    En ce qui me concerne : aucun point de vue sur l’histoire en question si ce n’est la gêne occasionnée par l’odeur nauséabonde qui se dégage de tout cela.

    1. Merci, Madame, pour votre commentaire. Je me suis fait une réflexion comparable à la vôtre au moment où j’ai écrit que je n’avais pas les mots pour poursuivre l’examen des deux hypothèses : il m’a semblé que quand on poursuit la vérité, et qu’on a l’impression de s’en rapprocher peut-être, il s’en dégage parfois une odeur très désagréable. Je ne m’y attendais pas…

  9. Texte bien écrit. Qui fait bien ressortir le bon et le mauvais d’une “rumeur”. Mais il y a toujours un moment où les nouvelles deviennent plus sérieuses, surtout quand la presse locale s’en empare et que les faits se précisent !
    D’autre part, je pense qu’un maire qui ne supporte pas qu’on ait des idées contraires aux siennes et méprise ses concitoyens, n’a pas sa place à la tête d’une commune , encore moins dans une démocratie (bien assez malmenée déjà par notre gouvernement) ! Bien évidemment, c’est triste pour sa famille
    qu’il en soit arrivé à cette tentative de suicide.

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