Hier, Ouest France consacrait 4 colonnes au dernier conseil municipal du lundi 26 novembre sous le titre plutôt bienveillant de « De nouveaux chemins pour découvrir la commune ». Dans un encadré, le quotidien rennais annonce une « scission dans le groupe d’opposition ». Vous pouvez lire ou relire l’ensemble ci-dessous.
Pour un observateur plus attentif de la vie politique locale, les choses sont un peu plus complexes, et aussi plus anciennes. Voici une tentative pour résumer les différentes étapes de cette « pièce ».
Acte 1 : je t’aime moi non plus
Il y a un an déjà, Jean-Claude Pontillon, candidat malheureux en 2014 à 56 voix près, ainsi que Catherine Coudreau et Gérard Le Maulf, démissionnaient de l’association Autre Regard. Celle-ci se donne notamment pour mission d’assurer une vigilance critique et constructive en ce qui concerne la gestion de la commune. Elle compte environ 40 adhérents. MM. Pontillon, Le Maulf et Mme Coudreau siègent au conseil municipal avec Bénédicte Dupé dans les rangs de l’opposition sous l’étiquette Dialogue et Action qui compte 19 membres ayant participé à la liste de M. Pontillon en 2014. Mme Dupé était numéro 2 de cette liste.
Pourquoi ces démissions ? La principale raison invoquée était la crainte, à l’approche des Municipales de 2020, qu’Autre Regard, lorsqu’elle soutiendrait une candidature d’opposition, apparaisse trop proche des écologistes et notamment de l’association Mès et Vilaine. Certains pensent en effet qu’une telle proximité pourrait détourner d’eux une frange de l’électorat. Le mécanisme ici à l’œuvre est ce qu’on pourrait appeler « la peur de faire peur », qui complète désormais celui mieux connu des psychologues de « la peur d’avoir peur ». Beaucoup, à Autre Regard, ont considéré qu’en raisonnant de la sorte, on allait renoncer à toute forme d’action. Une position intéressante est celle de Dominique Boccarossa, membre de Mès et Vilaine et qui a adhéré à Autre Regard parce que Mès et Vilaine n’était pas assez « politique » à son gré. Vous suivez toujours ? Mès et Vilaine est une association de défense de l’environnement qui utilise des moyens d’ordre juridique à cette fin. Autre Regard, elle, mène une action généraliste qui touche à tous les aspects de la vie politique locale et ses moyens d’actions sont clairement politiques, y compris par le soutien à une candidature.
La démission des trois conseillers d’opposition a suscité quelques remous début 2018 et entrainé d’autres départs. Un nouveau bureau a été élu le 18 janvier. Certains membres actuels d’Autre regard sont également membres de Mès et Vilaine et il ne semble pas que la distinction qu’ils opèrent entre action politique et action juridique leur pose de graves problèmes d’identité.
Acte 2 : porte-voix d’une liste « sans candidat »
Bénédicte Dupé demeure seule conseillère municipale d’opposition membre d’Autre Regard. Elle crée parallèlement le mouvement Pénestin 2020 afin de fédérer les forces en vue des élections de 2020. La grande nouveauté de Pénestin 2020 est qu’il défend une démarche collégiale et participative. Mme Dupé en apparaît comme le porte-voix, mais elle résiste à assumer la position de tête de liste que certains voudraient lui confier. Selon elle, la démarche doit être collective. Il s’agit de mener une campagne électorale longue contrairement aux autres candidats qui préfèreront attendre le dernier moment pour se présenter. Cette campagne doit montrer déjà concrètement aux habitants les formes que prendra l’exercice du pouvoir municipal après les élections. La « gouvernance locale participative » associera la population à toutes les grandes décisions qui les concernent. Le programme lui-même de cette candidature prendra forme à l’occasion des débats qui seront menés durant la campagne.
MM. Pontillon, le Maulf et Mme Coudreau ont pour leur part cessé toute participation aux activités d‘Autre Regard. Gérard Le Maulf laisse planer la perspective de sa candidature aux Municipales de 2020. Il fait état, lorsque l’occasion s’en présente, de son expérience et de ses qualités de gestionnaire, mais il n’officialise pas cette candidature. Les comptes-rendus des conseils municipaux laissent apparaître de leur part une démarche d’opposition plutôt modérée. Dans les articles du Bulletin Municipal, ils se définissent d’ailleurs plus volontiers comme « la minorité » que comme « l’opposition ».
Mme Dupé, quant à elle, monte régulièrement au créneau. Ouest France utilise à cet égard une phrase ambiguë : « Depuis plusieurs mois déjà, les échanges tenus entre elle et le maire étaient parfois virulents. » Quel est le sous-entendu de cette phrase ? Ouest France veut-il insinuer que Mme Dupé serait plus ou moins devenue hystérique ? Un observateur aussi précis et impartial que faire se peut pourra considérer que sur le fond, Mme Dupé assume souvent quasiment seule en conseil municipal une large part de la fonction d’opposition. Et sur la forme qu’une interaction à caractère agressif s’est développée entre elle et le maire. Les piques et les provocations sont amplement partagées, certes à fleurets mouchetés, mais les coups portés sont parfois durs. Si l’on en doutait, il suffit de rappeler l’anecdote des cailloux relatée par l’Echo de la Presqu’île. A Mme Dupé qui lui disait « Je ne vous jette pas la pierre », le maire avait répondu : « Moi non plus, mais il m’arrive d’y penser. » Convenons que cela ne se dit ni à une femme, ni à un représentant de l’opposition municipale, et encore moins à une personne qui incarne les deux !
Notons enfin que MM. Pontillon, Le Maulf et Mme Coudreau se sont prononcés pour le projet de parc conchylicole de Loscolo, tandis que Mme Dupé adoptait une position critique à cet égard.
Acte 3 : you’re fired !
Malgré leurs dissensions, MM. Pontillon, Le Maulf et Mme Coudreau siègent toujours avec Mme Dupé en conseil municipal sous l’étiquette Dialogue et Action. Leurs relations sont d’ailleurs tout à fait urbaines. Un conflit va se déclarer lors de la rédaction du mot de l’opposition (bizarrement intitulé « Le bulletin de Dialogue et Action »…) pour le numéro d’octobre 2018 du Bulletin Municipal. Les trois premiers rédigent un texte prônant « l’équilibre entre toutes les composantes » de la commune : habitants historiques et nouveaux arrivants, jeunes et vieux, économie, développement et constructions. Ils citent la démolition de l’ancienne mairie, les projets concernant l’ancien Unico, les résidences seniors ou le terrain du presbytère, comme devant se trouver à l’ordre du jour des prochaines élections.
Mme Dupé refuse de signer ce texte très en deçà de ses propres propositions pour la future campagne. Elle en rédige un autre annonçant la création d’une nouvelle monnaie locale sur une zone allant de Muzillac à Pénestin. Refus des trois autres conseillers. Le Maire, pour sa part, n’autorise la publication que d’un seul texte au nom de l’opposition. Mme Dupé consulte alors les 19 membres de la liste Dialogue et Action et leur demande de trancher. Ils le font en sa faveur, mais elle ne leur en apporte pas la preuve et MM. Pontillon, Le Maulf et Mme Coudreau n’accordent donc pas de légitimité à cette consultation. C’est leur texte qui est finalement publié sous leurs trois noms.
Le bulletin d’Autre Regard d’octobre 2018 fait le récit de ces péripéties sous la plume de Roger Paslier qui s’insurge contre le choix des trois conseillers, « en contradiction totale avec leurs engagements éthiques de 2014 ». Un autre article, signé par le « Conseil d’Administration d’Autre Regard », juge leur texte « creux, lénifiant et démagogique ».
Le 1er novembre, MM. Pontillon, Le Maulf et Mme Coudreau adressent au Maire et au Conseil Municipal une lettre indiquant que désormais les prises de positions de Mme Dupé « n’engageront plus (leur) groupe ». Dans un mail du 2 novembre, ils en envoient une copie à Mme Dupé et indiquent : « Il est clair que notre collaboration commune s’arrête là. » Les dés sont jetés…
Scission ou exclusion ? On peut être tenté de dire que la scission date d’il y a un an et que cette dernière étape ressemble plutôt à une exclusion.
Épilogue…
Le lundi 26 novembre en Conseil Municipal, le Maire Jean-Claude Baudrais donne lecture de la lettre reçue de MM. Pontillon, Le Maulf et Mme Coudreau. Il indique que « cette information remet en question la clause de responsabilité dans les commissions », ce qui semble signifier qu’elle ne pourra plus siéger en commission Urbanisme. Mme Dupé se lève alors et quitte la salle.
Le 28 novembre, Ouest France donne une version simplifiée de l’événement en 30 lignes sous le titre « Scission dans le groupe d’opposition municipale ».
PS1. Dans cet article, je me suis efforcé d’être précis et de citer des faits vérifiables. A 2 ou 3 reprises, il m’a fallu pour rester concis utiliser des formules synthétiques que l’on aurait tort, selon moi, de considérer comme des jugements de valeur.
PS2. J’ai fait relire cet article avant publication aux personnes qui y sont citées. Mme Dupé a demandé deux corrections qui ont été intégrées au texte. M. Pontillon, contacté hier après-midi, devait se concerter avec les deux autres conseillers et n’a pas encore repris contact à cette heure (l’article a été publié hier à 20 h et nous sommes vendredi 8 h 45). Autres informations : l’Echo de la Presqu’île de ce matin ne traite pas le sujet ; le blog Penestinmacommune (http://penestinmacommune.blogspot.com/) a publié un post le 28.11 sous le titre « C’est donc fait ! »
PS3. J’ai reçu vendredi 30 au matin un mail de M. Pontillon indiquant : « Après consultation de notre groupe ,nous vous laissons la responsabilité de votre texte bien qu’il soit selon nous inexact .Nous ne souhaitons ni polémiquer ni faire de commentaires. » Ce même jour, je lui ai demandé en réponse s’il aurait la gentillesse de m’indiquer certains des points « inexacts » de mon article. A ce jour, lundi, 16 h, je n’ai pas encore reçu de réponse.
Autre Regard et Dialogue et Action.
(Ce commentaire n’engage bien entendu que son auteur.)
Autre Regard avait présenté, une liste intitulée « Dialogue et Action », aux élections municipales de Mars 2014.
Résultat des élections :
Voix % inscrits % exprimés sièges
« Ensemble » 720 38,32 % 52,02 % 15 Tête de liste : M. BAUDRAIS
« Dialogue et Action » 664 35,34 % 47,98 % 4 Tête de liste : M. PONTILLON
Si nous avion eu 29 voix de plus, selon le scrutin majoritaire, le résultat aurait été inversé. On peut s’interroger sur la validité du scrutin majoritaire dans une commune qui comporte environ 1880 personnes inscrites sur les listes électorales. Un scrutin proportionnel serait mieux adapté.
Voilà ce que nous écrivions le 28 Avril 2014, suite à ces élections municipales.
« Dialogue et Action » est une liste politique dont les élus siègent au Conseil Municipal. « Autre Regard » est une association à caractère politique, puisqu’elle a des idées sur la conduite de la politique municipale, qui vivra sa vie d’association avec ses Assemblées Générales, ses débats internes, son Conseil d’Administration, ses choix politiques, ses moyens d’expression, ses activités.
La liste politique et l’association coopéreront, travailleront ensemble, s’informeront réciproquement. « Autre Regard » informera « Dialogue et Action » de ses propres choix pris au sein de son association, de la vie des quartiers. « Dialogue et Action » informera « Autre Regard » de la vie du Conseil Municipal, des contraintes budgétaires, et autres sujets difficiles. Ainsi chacun s’enrichira, et pourra préparer les prochaines élections de manière encore plus efficace. « Autre Regard » sortira bientôt de l’ombre de « Dialogue et Action » où la campagne électorale l’avait placée, et pourra construire son avenir si chacun de vous y contribue. ».
Procès fait par M. BAUDRAIS, Maire de Pénestin en Janvier 2017 à « Autre Regard ».
A l’occasion de ce procès, tous les élus de « Dialogue et Action », avaient certifié par écrit et publiquement, qu’ils ne s’associaient pas à la démarche de M. BAUDRAIS, ce qui indique la solidarité qui existait encore avec « Autre Regard ».
Les actions d’Autre Regard.
L’article de Pénestin-Infos évoque une raison de choix politique « écologique », et un rapprochement avec l’association « Les amis de Mès et Vilaine ».
– Nous n’avons pas fait que des choix écologiques, puisque nous avons rédigé de nombreuses propositions. (Piste cyclable séparé vers Pont-Mahé, démolition de la ruine à l’entrée de Pénestin, opposition à une 2° cale à Tréhiguier, réaménagement du Centre-Bourg, urbanisme à Pénestin de Juin 2015, réhabilitation du sentier côtier, aménagement d’une maison des services dans l’ancienne gendarmerie près de la poste, les aires de jeu, pose de bancs, etc …).
– Au sujet du choix écologique, il me semble qu’il correspond à une nécessité. Tous les jours, on nous annonce que le réchauffement climatique aura des conséquences très graves sur les populations de la Terre. N’est-il pas judicieux de relayer ces prévisions dans nos bulletins et sur notre Blog ?
– Quant au rapprochement avec « Mès et Vilaine », je pense personnellement, qu’il serait judicieux que le public de Pénestin, fasse bien la différence entre « Autre Regard » et « Mès et Vilaine ». Notre association a un caractère politique consacré aux affaires communales. Elle fait des propositions en particulier sur l’urbanisme. Je ne préside plus Autre Regard, mais je souhaite personnellement que les responsables d’Autre Regard, soient différents de ceux de Mès et Vilaine, pour éviter toute confusion.
Pourquoi cette dissension entre les élus de « Dialogue et Action ».
Personnellement, je ne comprends pas bien. Notre association « Autre Regard », aurait pu être le lieu de concertations, de discussions, de recherche d’une conciliation. Seule Bénédicte DUPE est venue nous parler de ses difficultés. Bien que je conserve de bonnes relations avec les trois autres élus, aucun n’est venu nous voir pour nous en parler.
Je pense que M. Gérard LEMAULF a des ambitions politiques personnelles et qu’il souhaite devenir le Maire de Pénestin. Avec qui fera-t-il une liste ? Certainement pas avec des adhérents d’Autre Regard. Alors avec qui ? Telle est la question !
Paul DAULON
Ex-président d’Autre Regard. (2014 – 2018)