A Saillans, un village de la Drôme, l’ancien maire s’appelait François. « Il gère la commune de façon classique, c’est-à-dire verticale, autoritaire et pyramidale », explique Tristan Chedid. 6 mois avant les Municipales de 2014, le bruit court d’une catastrophe annoncée : François se représente et il n’y a personne en face. L’heure de l’action a sonné pour un collectif d’une douzaine d’habitants constitué un an plus tôt pour s’opposer à l’installation d’un supermarché à 1 km à peine du centre ville, soit la mort assurée pour les petits commerces.
Comme dans un conte de fées moderne, ils avaient lancé une pétition, recueilli 800 signatures (sur 1200 habitants !) et remporté une victoire éclair sur la grande distribution. Les grandes marques avaient alors renoncé au projet.
En octobre 2013, le groupe se retrouve donc au café des Sports. Au deuxième verre de Clairette de Die, le breuvage local, l’idée est là, ils vont organiser une réunion publique et diront aux gens : « On vous a fait venir, mais en fait, nous n’avons ni programme, ni candidat. »
Au Bateau Livre ce vendredi 2 novembre, la quarantaine de présents suit ce récit avec une extrême attention. Tristan, le conférencier, parcourt la France afin de raconter cette success story qui a fait le tour des médias et de proposer des outils pour ceux qui souhaiteront s’engager en 2020 dans une démarche similaire de démocratie participative. Entendons-nous : pas appliquer la même démarche, mais s’en inspirer pour inventer sa propre histoire.
Mais poursuivons. Le public de Saillans, venu nombreux, réagit comme beaucoup d’autres l’auraient fait à sa place, par un silence réprobateur… Il n’est pas long, toutefois, à comprendre que c’est lui qui tient le programme entre ses mains. Pour la première fois, il faut bien le dire ! En deux heures ce jour-là, il élabore d’abord un diagnostic du village, puis la première ébauche d’un futur projet.
Il ne faut pas croire que c’est facile. La deuxième réunion dure 4 h 30, mais les habitants du village se sont pris au jeu. Par binômes, ils remplissent pas moins de 66 pages de paper board. 66 projets qu’il faut ensuite synthétiser. Ils constituent aussi une liste. La feuille d’émargement compte trois cases : c’est nul / c’est bien / c’est tellement bien que je veux participer à la liste.
Le choix de la tête de liste est un cas à part. A l’inverse de ce qui se pratique le plus souvent, on commence par définir les qualités que l’on en attend. Pas spécialement le verbe ou le sens du leadership. Non : l’écoute, l’empathie, le sens de la médiation. En un mot : la capacité à rassembler. Le public de Pénestin se trémousse quelque peu. Tristan poursuit : « Le futur maire doit savoir faire le grand écart. Il doit aimer réunir des gens que tout oppose. Il faut sortir des postures idéologiques : sur les sujets de la vie locale, je suis d’accord à 95 % avec les gens du Front National. On doit arriver à faire travailler les gens ensemble. »
La liste l’emporte au premier tour avec un taux de participation de 80 %. La Clairette de Die coule à flot. « Nous à Pénestin, remarque quelqu’un dans l’assistance, on fait la fête même quand on perd ! »
Les années qui suivent ont le goût du travail. Des commissions extramunicipales abordent toutes les grandes questions, des rythmes scolaires au PLU en passant par l’aménagement des voies et des parkings. Le conseil municipal se double d’une réunion hebdomadaire, en présence du public et avec compte rendu obligatoire, où toutes les décisions sont prises. Au total, 350 réunions ont eu lieu dans les 4 premières années du mandat. Les élus paient de leur personne et frôlent l’épuisement. Comme le résume une participante : « Ils sont au service des habitants. »
Pour Tristan, la démocratie participative n’est pas une mode, ni un choix parmi d’autres, mais une nécessité. « Nous vivons l’hiver de la démocratie représentative. Les partis politiques sont ‘morts’. Dans le monde entier, on assiste à la montée des pensées extrêmes. Il est indispensable de renouveler les pratiques à l’échelon communal, même s’il se vide progressivement de sa substance au profit des intercommunalités. En Espagne, Madrid, Barcelone et Valence sont gérées par des majorités proches de nos idées. En France, c’est plus difficile, car nous sommes les champions de la fausse participation… » Sans commentaire.
La démocratie participative prend ses racines dans des courants comme l’autogestion ou le « municipalisme libertaire ». Elle se fonde largement sur l’idée d’une expertise des habitants : « la sagesse de la foule est l’idée qu’un grand nombre d’amateurs peut mieux répondre à une question qu’un seul expert. » (James Surowiecki, La sagesse des foules, 2004). Des auteurs comme Pierre Rosanvallon et Paul Ricoeur mettent l’accent sur la dimension du conflit et conduisent à considérer que l’on a intérêt à mettre autour de la table les gens les plus différents. Il faut être « gourmand » des différences plutôt que privilégier l’entre-soi ou chercher à tout prix à convaincre l’autre.
C’est à la fois la force de cette réflexion et l’un des points où peuvent apparaître de nouvelles dérives. La passion de la politique est aussi un goût pour la stratégie, le combat et les rapports de force. Elle peut aller jusqu’à cette idée qu’« il faut mettre en place des règles d’exclusion pour ne pas mettre en danger le collectif. » Sans toujours beaucoup d’états d’âme. La recherche d’efficacité conduit aussi à vouloir tout transformer en « outils », jusqu’à l’écoute, capacité humaine par excellence. Tout est technique, orienté vers le résultat. Le discours est parfois abrupt. Tristan aime la rigueur et ne cherche pas beaucoup à aller butiner aux limites du cadre ou à laisser les autres le faire. A chacun, finalement, de se faire sa propre idée : le message importe plus que le messager.
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A Penestin , en 2008 , il y a eu un shéma qui s’est apparenté à celui de Saillans . 2 électeurs de la commune s’étaient présenté “sans programme ” ou plutôt ; rejoignez nous avec vos idées . face à eux , le maire autocrate que l’on connaît et une liste d’opposition . A cette époque le scrutin était celui du panachage c a d que tout était possible . Ils ont fait 12 % et ont été méprisé ( suivez mon regard) comme ” vous n’ êtes pas d’ici ! )
Donc ici , cela n’a pas marché , sans doute un problème de sociologie de la population …. Pourquoi la liste de l’opposition n’ a pas voulu les rejoindre ?? Alors , l’ intervenant qui dit :” à Penestin , on fait la fête même quand on perd ” C’est de toute évidence ce que l’on ne peut que faire . A Penestin , c blanc bonnet et bênet blanc .
En attendant , on peut toujours rêver mais Penestin reste une anomalie de la démocratie ……
Dominique B