Première partie du débat public sur le projet Loscolo : « Avoir les chiffres en tête » (Mao Tsé Toung cité par Jean-Luc Godard)

18 h 15 le jeudi 7 mars : le commissaire enquêteur Jean-Marie Zeller n’aime pas commencer en retard. 45 personnes sont assises dans la salle du Complexe Petit Breton qui en aurait volontiers accueilli le quadruple, comme pour la première enquête publique en septembre dernier. 20 mytiliculteurs occupent la partie droite. Ils font bloc. Dispersés dans la salle, 25 résidents avec, peut-être, un léger plus pour l’opposition au projet, mais aussi des conseillers municipaux et des proches du maire. La moyenne d’âge est « soutenue », mais on ne le remarque presque plus, tellement c’est habituel !

Les officiels, au nombre de 5, occupent une rangée de tables à gauche. Seul Jean-Marie Zeller dispose d’une petite table légèrement décalée des autres. Nous voici engagés dans 1 heure et 10 minutes d’exposés : c’est la partie information, destinée à fournir matière à  la discussion qui suivra. Je renonce à retracer le contenu de ces exposés, souvent intéressants, d’ailleurs. Mais le commissaire enquêteur et Alain Dreano, Président du Comité régional de la conchyliculture, disent tous deux qu’il s’agit de « montrer l’intérêt du projet pour la profession ». Peut-être un jour parviendra-t-on enfin à introduire ce type de débat par des questions plutôt que par des réponses… Informer et consulter, ce n’est pas la même chose que vouloir convaincre à tout prix.

« Pourquoi les mytiliculteurs ne se sont-ils pas rués pour investir à Loscolo ? »

Pierre Blaize pose la première question

La première question est posée par Pierre Blaize, résident, qui dit avoir apprécié l’exposé de M. Dreano et l’avoir trouvé convaincant. Mais dans ces conditions, il s’étonne qu’il n’y ait pas eu une ruée des mytiliculteurs pour investir dans les parcelles de Loscolo. M. Dreano lui répond en dressant une typologie des mytiliculteurs : les volontaires, ceux qui réfléchissent encore, d’autres encore qui n’ont pas les moyens d’investir. « Un projet met toujours du temps pour atteindre un taux de remplissage satisfaisant. Pour le moment, 35% du foncier est réservé », précise-t-il. Le commissaire enquêteur demande : « je veux être sûr de bien comprendre. Cela représente combien d’entreprises : 5, 6 ? » C’est Chloé Denise, chargée d’opérations à Loire-Atlantique Développement, qui lui répond : « 4 sûres. » On sent à ce moment un léger flottement.

Mais il est vrai que le Groupement « La Pénestin » représente 8 entreprises à lui tout seul, ce qui fait un total de 11, indique Sylvain Chiquet, son président, qui ajoute : «  Dans 20 ans, ce sera peut-être 100%. » Le rôle de Cap Atlantique est d’investir sur le long terme, ce qui, effectivement, suppose toujours une prise de risque. Au moins sur le présent, nous sommes maintenant fixés sur les chiffres.

Vincent Brié, gérant de l’entreprise L’Estran au Logo, précise pour sa part que les volontaires pour s’installer au Parc de Loscolo représentent 50% de la production totale de Pénestin. Lorsqu’il dit qu’il quittera son emplacement pour rejoindre Loscolo, Bénédicte Dupé, ex conseillère municipale d’opposition lui demande s’il compte bien revendre son terrain à un organisme public pour qu’il soit « renaturé », mais il ne semble pas convaincu : « Je vous laisse mon numéro de portable. Appelez-moi si vous êtes acheteur ! »

Sylvain Chiquet, entouré d’autres mytiliculteurs

Dominique Boccarossa pose ensuite une série de questions. Tout d’abord sur le chiffre d’affaires réel de la profession. Selon lui, il varie selon les sources de 7 à 12 millions d’euros, ce qui dénote une certaine opacité. Sylvain Chiquet lui répond en prenant l’exemple du Groupement : « Sur les 8 associés, certains sont des revendeurs qui ne font pas de production, d’autres sont des producteurs purs qui ne pratiquent pas de transformation, d’autres font les deux. Si l’on s’en tient à la seule production, le CA est de 8 à 9 millions d’euros. »

« C’est tout bête : 4000 tonnes par 2 euros le kilo, ça fait 8 millions d’euros ! »

Gilles Foucher, mareyeur et patron d’entreprise, reprend le calcul par un autre biais : « 4000 tonnes produites à Pénestin à 2 euros le kg, cela fait 8 millions d’euros, c’est tout bête. Et avec une TVA à 5,5%, nous rapportons à l’Etat chaque année entre 400 et 500 000 euros. » Tout bête ? Oui, dans ce cas c’est vrai : le raisonnement est convaincant et moi comme d’autres sommes reconnaissants à Gilles d’apporter de la clarté à ce sujet. Mais les économistes et quelques autres savent la difficulté de trouver les bons chiffres et de les interpréter correctement. Si on me pardonne cette emphase, mais le sujet est important, je ne remplacerais ni Keynes, ni Picketty et les problématiques qu’ils élaborent, par des commerçants (ou des banquiers !) qui abusent parfois du ton de l’évidence, parce qu’ils savent compter (mes deux grands-pères étaient l’un épicier et l’autre banquier…)

D’ailleurs, la discussion se poursuit. Dominique Boccarossa indique que l’emploi à diminué en 30 ans d’une vingtaine de postes pour se fixer entre 90 et 100 emplois à temps plein. Gilles Foucher reprend : « J’ai 5 salariés. Pour regarnir plusieurs milliers de pieux, c’est clair qu’on a besoin de personnel. Il y a un phénomène de concentration dans la mytiliculture, mais c’est comme partout. Et le temps d’une marée est de 4 heures, cela, ça ne change pas… »

Dominique Boccarossa touche aussi au point sensible de la qualité de l’eau. Il fait remonter la question à la construction du barrage d’Arzal, facteur d’envasement, auquel les mytiliculteurs avaient tenté à l’époque d’opposer des alternatives. « On en paie aujourd’hui encore les dégâts. La mytiliculture réclame une eau propre. Or, l’ensemble de la baie de Vilaine est classé en catégorie B, et pourrait même être dégradé à terme en C. » S’élève un brouhaha d’où émerge l’affirmation que la plage du Maresclé, où se situera la station de pompage / rejet, est en catégorie A. D. Boccarossa : « Dans ce cas, il faut transmettre l’info à IFREMER, car ce n’est pas ce qu’ils disent. » « Délirant ! », lâche Sylvain Chiquet.

A suivre…

2 commentaires sur “Première partie du débat public sur le projet Loscolo : « Avoir les chiffres en tête » (Mao Tsé Toung cité par Jean-Luc Godard)”

  1. Contribution de grande qualité à stimuler le débat public sur un thème complexe qui nous concerne tous!
    J’attends la suite!

    1. merci pour ce compte rendu . pas beaucoup de monde effectivement mais l’horaire y est peut être pour quelque chose ! perso , impossible pour moi de m’ y rendre à cette heure . j’attends avec envie la 2eme partie .

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