Si j’aurais su…

Lorsque je suis allé voté…

La personne avant moi dans la file d’attente s’est humectée les doigts avant de prendre l’un des bulletins.

La plupart des personnes ne se sont pas lavé les mains à l’entrée du bureau de vote, ni à la sortie.

On m’a dit que les lingettes, etc. étaient « mises à disposition » et que c’était la « responsabilité de chacun ». On m’a même dit que c’était affaire de « civisme ». On aurait peut-être pu au moins les leur proposer, avoir quelqu’un à l’entrée des toilettes, pas très engageantes en elles-mêmes.

Dans les autres bureaux de vote que j’ai vus ensuite à la télé, les gens se lavaient les mains, en général au point de passage où l’on vérifie les cartes d’identité. Ici non.

Je n’étais pas enthousiaste pour venir voter. Hier soir, 6 présidents de régions (Xavier Bertrand, Valérie Pécresse…) ont réclamé le report des élections, compte tenu de la dégradation de la situation sanitaire. Décréter le stade 3 et confiner l’ensemble de la population était contradictoire, selon eux, avec le maintien des élections. Je vous mets ci-dessous l’article du Monde.

Ce matin, le préfet du Morbihan déclarait dans Ouest France que les chiffres des malades atteints du virus (fournis quotidiennement depuis une dizaine de jours par ses propres services) « sont très en dessous du nombre de cas réels ». (cf. ci-dessous)

Je pensais qu’au moins, la commune prendrait les choses suffisamment au sérieux, plutôt que de s’en remettre au civisme des personnes au moment où Édouard Philippe vient de faire le constat de l’indiscipline des Français. Les élus ou responsables avec qui j’ai parlé m’ont dit : « c’est pareil quand on vous rend la monnaie », « ils se sont peut-être lavé les mains chez eux avant de venir », « ils ont peut-être un flacon de produit hydroalcoolique dans leur sac ». “De toutes façons, on ne peut pas les forcer.”

Moi, je me dis : « si j’aurais su… »

C’est d’autant plus bête qu’aujourd’hui, les constitutionnalistes disent que si on est conduits à annuler le second tour, ce qui est relativement plausible, eh bien il faudra refaire aussi le premier tour. On se croirait dans un roman de Milan Kundera.

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Le Monde, 15 mars 2020

Coronavirus : l’exécutif mis sous pression pour avoir maintenu le premier tour des municipales

A midi, le taux de participation n’était que de 18,38 %, contre 23,17 % pour le précédent scrutin municipal, en 2014.

Par Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié et Olivier Faye Publié aujourd’hui à 15h37

La Macronie s’est réveillée, dimanche 15 mars au matin, avec beaucoup de questions en tête. La veille, pour lutter contre la propagation du coronavirus, le premier ministre avait annoncé la fermeture des bars et restaurants « jusqu’à nouvel ordre ». Et cette déclaration du chef du gouvernement a jeté une lumière crue sur l’incohérence apparente que représente le maintien des élections municipales – 47,7 millions d’électeurs sont appelés aux urnes – dans un contexte où la France vient de passer au « stade 3 » de la gestion de l’épidémie.

Sentiment de panique

Immédiatement après la prise de parole du chef du gouvernement, samedi soir, un sentiment de panique a envahi le sommet du pouvoir : comment faire appliquer les consignes de confinement, tout en maintenant le scrutin ? Comment justifier une telle décision, alors que l’organisation du second tour n’est, elle, pas assurée ? « Si le gouvernement a d’ores et déjà pris la décision de reporter le second tour, il est alors inconséquent d’avoir maintenu le premier ! », s’est empressé de dénoncer le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, pointant une « gestion erratique ». Six présidents de région, dont Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, ont demandé au même moment un report des élections.

Le doute a traversé l’exécutif toute la fin de la journée et la soirée de samedi. Selon un habitué de l’Elysée, c’est une « bataille de titans » qui s’est livrée entre les partisans de l’annulation et ceux de leur maintien. Une sorte de répétition des débats qui s’étaient déjà tenus, jeudi, alors que le chef de l’Etat avait hésité à reporter le scrutin. D’un côté, le président du MoDem, François Bayrou, et plusieurs députés importants de la majorité, ont plaidé en faveur d’un report. « Dès jeudi, étant donné l’aggravation de la situation sanitaire, j’ai soutenu l’idée d’une annulation et d’un report des élections. Une conviction renforcée après les déclarations du premier ministre samedi soir. La situation pose beaucoup de questions pour le second tour », estime M. Bayrou, candidat à sa réélection comme maire de Pau.

De l’autre côté, à l’Elysée, le secrétaire général de la présidence Alexis Kohler aurait poussé dans le sens inverse, tout comme le directeur de cabinet d’Edouard Philippe à Matignon, Benoît Ribadeau-Dumas. Une position également tenue, selon plusieurs sources, par le premier ministre lui-même. « Remettre en cause des élections n’est pas un acte anodin dans une démocratie », explique un conseiller au fait des discussions. Mais la gravité de l’intervention du chef du gouvernement a semé le trouble. Que faire, dès lors ? « A vrai dire, je ne sais plus… », soufflait un ministre, samedi soir. Sur les coups de 23 heures, certains membres du gouvernement se demandaient encore si un conseil des ministres extraordinaire n’allait pas être convoqué avant minuit pour prendre un décret annulant la convocation des élections.

« Allocution inexpliquable »

Selon différentes sources, pourtant, le sort en était jeté depuis jeudi. Tout au long de cette journée, Emmanuel Macron s’était interrogé sur l’éventualité d’une annulation, hypothèse qui avait sa préférence. Après les avoir consultés le matin, le chef de l’Etat a demandé à revoir l’après-midi les médecins et chercheurs qui composent le comité scientifique chargé d’éclairer l’exécutif, pour conforter sa décision. « Il y a eu un débat et un consensus s’est forgé sur l’idée qu’il n’y avait pas de risques sanitaires à aller voter et qu’annuler les élections, c’était rajouter une crise politique à la crise sanitaire », explique un proche d’Edouard Philippe.

Après un aller-retour rapide au Havre, samedi, le premier ministre a de nouveau consulté ce conseil scientifique, au côté d’Olivier Véran, le ministre de la santé. Selon un conseiller, si les médecins et les scientifiques se sont montrés inquiets de l’évolution du nombre de personnes contaminées, et ont préconisé des mesures d’endiguement plus contraignantes, personne n’aurait demandé le report des élections. « Notre règle, c’est de dire la vérité aux Français. L’alpha et l’oméga de nos décisions, c’est l’avis du conseil scientifique », explique-t-on à Matignon.

Certains macronistes reprochent néanmoins au chef du gouvernement le tempo choisi pour annoncer les nouvelles mesures de confinement. « L’allocution du premier ministre samedi soir est inexplicable. Il aurait fallu attendre dimanche ! », s’agace un député la République en marche (LRM) qui a ses entrées à l’Elysée. « Le choix fait par le premier ministre d’annoncer la veille des municipales la fermeture de tous les lieux non essentiels à la vie du pays est très étonnant, abonde un autre. Ça a nourri l’angoisse inutilement. Il aurait fallu le faire dès jeudi ou attendre le dimanche soir pour cela. »

Aucune assurance sur le second tour

Le mal étant fait, il convient maintenant de rassurer au maximum. « Il est important de voter dans ces moments-là », a déclaré Emmanuel Macron, dimanche midi, après avoir voté au Touquet (Pas-de-Calais), alors que la participation était en berne à la mi-journée par rapport à 2014 : 18,38 %, contre 23,17 % il y a six ans. « L’annonce de samedi a créé beaucoup de doute, constate le député macroniste, Sacha Houlié. Néanmoins, le choix a été fait de ne pas reporter les élections. A partir de là, notre responsabilité collective est de rassurer autant que faire se peut nos concitoyens. »

Toute la soirée de samedi, des membres de la majorité ont par ailleurs accusé l’opposition d’être responsable du maintien des élections. « Des ténors de l’opposition demandent un report des municipales impossible à quelques heures de l’ouverture des bureaux. Il y a 48 heures, les mêmes ont tout fait pour qu’aucun report ne puisse être envisagé. Relayer les consignes sanitaires serait plus utile qu’un coup politique », a ainsi dénoncé sur Twitter Stéphane Séjourné, député européen LRM et ancien conseiller d’Emmanuel Macron.

Le hic ? Jeudi et vendredi, l’exécutif avait assuré que l’opposition, à commencer par le président du Sénat, Gérard Larcher, n’était pour rien dans le choix de maintenir les élections dimanche. La droite en particulier avait donné de la voix pour protester contre une éventuelle annulation. « Il n’y avait sur cette décision ni l’ombre de Larcher ni celle de Fabius, et encore moins celle de François Baroin », expliquait ainsi un proche du chef de l’Etat, assurant que « la droite LR et Larcher » se mettaient « en scène ».

Toujours est-il qu’aucune assurance n’est brandie quant à l’organisation du second tour dans une semaine. « Nous verrons », dit un proche d’Emmanuel Macron. De quoi conduire à une possible annulation pure et simple du scrutin ? « Imaginez qu’on ne puisse pas tenir le second tour, qu’est-ce qu’on fait des élus du premier tour ? Car il y en aura ce soir », souligne un macroniste. « Occupons-nous déjà du premier tour », élude pour sa part un ami d’Edouard Philippe.

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