Le procès-verbal du Conseil municipal du 15 février a été édité la semaine dernière sur le site de la mairie de Pénestin. Pour ma part, je m’aperçois que j’avais commencé à rédiger un article sur ce Conseil et… que j’ai oublié de le terminer et de le publier. A la place, vous avez eu mon récit sur les bernaches reparties en Sibérie, l’enquête sur les fouilles archéologiques de la friche de Loscolo, etc. Mais pas de compte-rendu… J’ai déjà dit plusieurs fois que je recherchais de l’aide. Je n’ose pas dire du secours, mais la différence est ténue.
Je vais me rattraper partiellement en reprenant deux points de ce Conseil du 15 février, puis je passerai à celui du 15 mars.
La (dés)-approbation du PV du Conseil du 18 janvier
L’approbation du procès-verbal du Conseil précédent est une sorte de rituel qui ressemble à celui dont beaucoup parmi vous ont eu l’expérience dans leur vie professionnelle en rédigeant des comptes-rendus de réunions. On corrige une ou deux erreurs, puis on approuve et on passe aux choses sérieuses. Mais depuis plusieurs mois, il se passe quelque chose au Conseil municipal de Pénestin. M. Boccarossa et Mme Peneau-Mirassou réclament à chaque séance des corrections et votent contre l’approbation du PV. Cette fois-ci, la liste des corrections demandées est longue, elle représente une page entière. Ne sautez pas cette partie si vous lisez ce PV du 15.2 sur le site de la mairie. Elle donne à réfléchir…
Des questions transformées en affirmations, le point d’interrogation ayant été omis. Des phrases rendues incompréhensibles par une quantité de fautes de français plus élevée que la moyenne. Des propos cités alors qu’ils n’ont pas été prononcés. Ainsi, M. Le Maire aurait déclaré que les plans de la recyclerie proposée par l’opposition ont été approuvés et que la proposition de l’opposition sera examinée lors d’une réunion dans les semaines suivantes : en fait, il avait avoué ne pas se souvenir de ce qui avait été dit sur le sujet, ce qui est moins flatteur. Quant à M. Boccarossa, il est supposé avoir dit : « retranscrire mot à mot est dangereux… cela enlève du sens aux paroles lorsqu’il manque de la ponctuation ». Soyons sérieux ! Vous diriez ça, vous ? Lui non plus, et c’est facile à vérifier. Je ne cite pas plus d’exemples pour ne pas vous ennuyer, mais vous l’aurez remarqué : les « déformations » sont à l’avantage du maire et au désavantage de son opposant. Vérifiez vous-même la suite des corrections demandées. Cela pose question. Je ne me risquerai pas à analyser les causes et les implications de cet état de faits, vous pouvez le faire par vous-même.
Ce n’est pas tout. A la fin de cette énumération, si l’on se réfère au procès-verbal : « Monsieur le Maire demande à Madame Armelle PENEAU-MIRASSOU si elle peut fournir son texte afin d’être le plus précis possible, ce à quoi Madame Armelle PENEUA-MIRASSOU refuse. (sic) » Vous en déduirez que Mme Peneau-Mirassou n’est pas très gentille… En réalité, le maire a déclaré, mot à mot : « Votre texte sera intégré, vous nous le transmettrez avec les virgules, les points d’exclamation, les deux-points et compagnie, pour porter trace de votre texte qui sera donc intégré au prochain procès-verbal. » « avec les virgules, les points d’exclamation, les deux-points et compagnie » : vous avez bien lu. Une pique bien sentie contre une femme qui est en même temps une opposante. M. Baudrais ne se comportait pas autrement lorsqu’il répondait à Mme Dupé qui lui disait « je ne vous jette pas la pierre » : « Moi non plus, mais il m’arrive d’y penser. » Dans les deux cas, on a affaire à une récusation du droit de penser autrement et de s’exprimer dans le cadre d’un débat d’idées : d’un côté, on substitue par la pensée des pierres aux arguments, et de l’autre, on disqualifie le point de vue de l’opposition en laissant entendre qu’elle ne ferait qu’ergoter sur des « virgules et compagnie ».
Oui, il y a un problème à Pénestin avec les procès-verbaux des Conseils municipaux. Il vaudrait mieux rechercher des solutions, plutôt que de s’attaquer à ceux qui ne font qu’en dresser le constat. D’autant plus que cette question fait partie de la « gouvernance ».
Un contentieux qui a déjà fait couler beaucoup d’encre
La partie 7 de l’ordre du jour concerne les informations municipales présentées par le maire et qui ne donnent pas lieu à un vote. Au point 7.2, il est question d’un contentieux qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et qui porte désormais un nom. Je m’étais étonné il y a quelque temps que l’on cite nommément des habitants de Pénestin lorsqu’ils étaient impliqués dans un contentieux judiciaire. Désormais, le nom de M. Robert Crusson apparaît à la lumière, et il y a une bonne raison pour cela : il a gagné son recours engagé en 2018 contre la mairie de Pénestin qui avait d’abord autorisé, puis interdit le « détachement de quatre lots à bâtir » sur un terrain situé sur le lieu-dit de Kerséguin.
Le maire commence par lire le jugement du Tribunal administratif de Rennes, puis il répond aux arguments de M. Boccarossa. A part M. Lebas, personne d’autre ne s’exprime. Vous trouverez ci-dessous la partie correspondante du procès-verbal paru sur le site de la mairie. Il en est également question dans la Lettre ouverte n°2 de la liste « Le Bon Sens pour Pénestin » que j’ai brièvement commentée hier, et il est intéressant de revenir plus en détails sur le sujet.
Le jugement fait référence à l’article L121-8 du code de l’urbanisme, dont on en vient à se dire qu’il est profondément lié à l’histoire de Pénestin ! C’est au nom de cet article que le PLU de la commune voté en octobre 2010 a été partiellement annulé par un jugement du même tribunal de Rennes le 16 avril 2013. Et dans l’affaire qui a opposé, pour la forme tout au moins, M. Crusson à la mairie de Pénestin, le PLU actuellement en cours de révision n’est jamais très loin.
Que dit cet article qui sera bientôt aussi connu dans les localités du littoral que les tables de multiplication ? « L’extension de l’urbanisation [pas celle de « l’urbanisme » comme indiqué dans le PV, ce qui ne veut rien dire, et dont le rédacteur recopiera 10 fois la table de 2 !] se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. » Soit l’un, soit l’autre, ce dont on peut penser que cela signifie en droit : pas ailleurs, et surtout pas en continuité d’un hameau préexistant ! Mais justement, Kerséguin était jusqu’à présent considéré comme un hameau. Et M. Crusson, qui avait le projet d’y construire des maisons d’habitation, a obtenu du tribunal le soutien, l’appui – le renfort, devrais-je dire -, pour infliger une sévère dérouillée à ceux qui croyaient avoir la loi de leur côté.
Prouver que Kerséguin n’est pas un hameau, mais un village
Mais comment faire ?? De l’ambition ! Voyons grand, ne soyons pas petit-joueur ! La défense de M. Crusson semble avoir considéré que la solution n’était pas de démontrer, contre la loi et la jurisprudence, que l’on peut construire en continuité d’un hameau. Elle était de prouver que Kerséguin n’est pas un hameau, que c’est un village. Et voilà le travail : « Ainsi, le lieu-dit « Kerséguin » peut être regardé comme formant un ensemble urbanisé cohérent, caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. Il constitue donc un village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, en continuité duquel des nouvelles constructions peuvent être autorisées. » La mairie de Pénestin se serait défendue, disons, mollement…
Mais que fait-on alors du Conseil municipal du 5 février 2018 !? Celui où M. Baudrais, l’ancien maire, reprenait le décompte des « centralités secondaires » de la commune de Pénestin, autrement dit de ses « villages » : Tréhiguier, Kerfalher, et le Haut-Pénestin. Pas trace de Kerséguin parmi les villages intégrés à la commune de Pénestin… Et que fait-on du SCOT (schéma de cohérence territoriale), qui définit les grandes orientations à l’échelle de l’intercommunalité, des 15 communes de Cap Atlantique ? Le SCOT planifie une politique à long terme du logement et de l’occupation de l’espace. Ses « enveloppes urbaines » définissent les zones où l’on peut construire : Kerséguin, situé, qui plus est, aux trois-quarts en EPR (Espace Proche du Rivage), n’en fait pas partie si l’on se réfère aux cartes et aux textes.
Mais alors, distinguer villages et hameaux, comme nous l’avons fait plus haut, ne suffit donc pas pour savoir que l’on peut construire dans l’extension des uns, les villages, et que cela est interdit pour les autres, les hameaux ? Malheureusement non : plus on avance et plus les choses deviennent complexes. L’article L121-8 indique dans son deuxième paragraphe : « Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage (…) » Fichtre ! Il existe des « secteurs déjà urbanisés » qui ne sont ni des villages, ni des agglomérations ! Des pseudo-hameaux alors ? Ou des pseudo-villages ? En fait, l’article indique plus loin : « Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics [eau, électricité, ordures], ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs. »
L’article L121-8 ne fait pas référence à la distinction entre villages et hameaux et d’ailleurs, la notion de hameau n’y apparaît pas : il fait une distinction entre « secteurs déjà urbanisés » et « espaces d’urbanisation diffuse ». Les premiers ne sont pas nécessairement des villages, et pour les seconds, ce n’est pas dit, mais je serais bien étonné que cela ait un lien avec la définition des hameaux. Tout cela vient s’ajouter aux « centralités secondaires » et aux « enveloppes urbaines ».
Qu’ont donc à cacher ces aménageurs pour dresser de tels murs face aux citoyens !?
Faisons une pause ! On dit que nul n’est censé ignorer la loi. Là, il ne s’agit pas seulement de connaître la loi, mais de savoir si elle répond à une quelconque cohérence. Je vous ai pourtant épargné la loi ELAN de 2018 dont l’article 42 modifie sans le simplifier notre vaillant article L121-8. Une recherche sur internet montre que les spécialistes eux-mêmes sont souvent perplexes. Qu’ont-ils donc à cacher, tous ces aménageurs, juristes et technocrates divers, pour dresser de tels murs face à la curiosité légitime des citoyens pour des affaires qui les regardent, tout de même !?
Mais si la lettre de la loi est aussi confuse, ne peut-on pas essayer d’en définir au moins l’esprit ? Parmi les documents que j’ai consultés, il y a une « Instruction » du Gouvernement datée du 7 décembre 2015, destinée à remettre les choses au clair après l’arrêt dit de Porto Vecchio qui avait accru encore, si c’est possible, la confusion dans ce domaine. Et miracle ! Voici un texte qui propose même d’expliquer la distinction entre villages et hameaux. Enfin !
Selon cette « Instruction », le village se distingue du hameau par la taille, mais aussi « par le fait qu’il accueille encore ou a accueilli des éléments de vie collective, une place de village, une église, quelques commerces de proximité ou services publics, même si ces derniers n’existent plus compte tenu de l’évolution des modes de vie ». Eh bien, voilà ! Ce n’était pas si compliqué. Kerfalher avait son café, le Haut-Pénestin son épicerie-café, et Tréhiguier, même s’il a perdu quelques cafés et commerces, en conserve certains. Quant à l’idée de « vie collective », associée à la proximité des habitants dans un hameau, elle est facilement compréhensible. C’était d’ailleurs l’un des objectifs de la loi Littoral, au-delà de la protection de l’environnement et du paysage, que de défendre cette forme de ruralité face à l’uniformisation qui gagne progressivement les territoires à coups de lotissements et de grandes surfaces.
Alors, Kerséguin : hameau ou village ? Structuré autour de voies de circulation, doté d’une relative densité, équipé de réseaux d’accès à l’eau, à l’électricité et au tout-à-l’égoût, Kerséguin n’a cependant ni commerces, ni autre trace de « vie collective ». M. Crusson et le maire sont d’accord pour y voir un « village ». M. Lebas, qui fut adjoint à l’urbanisme de M. Baudrais, cherche à minorer la part de Kerséguin située en Espace Proche du Rivage, qui constitue l’un des critères interdisant les constructions. Quant à M. Boccarossa, il recommande au maire de faire appel du jugement. Pourquoi ? Parce que le jugement Crusson vs. mairie de Pénestin va faire jurisprudence. Quiconque souhaitera construire dans un autre hameau de taille équivalente à celle de Kerséguin pourra l’invoquer pour prétendre qu’il s’agit aussi d’un « village », et ses chances de réussite seront assez bonnes. Ce sera même possible en dehors des limites de Pénestin, dans les autres communes de Cap Atlantique, voire au-delà.
Le maire a-t-il eu raison d’avoir tort ?
C’est l’anarchie qui guette, et qui porte un nom : la perte de la « sécurité juridique », terme utilisé à deux reprises dans la Lettre ouverte n°2 du Bon Sens pour Pénestin. Il faut entendre par là la situation des citoyens lorsque les incohérences et la complexité des lois et règlements deviennent telles que ces derniers ne parviennent plus à remplir leur office de régulation des relations sociales. La situation pourrait d’ailleurs empirer rapidement avec des rebondissements imprévisibles : des conflits au sein de Cap Atlantique, une intervention du préfet, une médiatisation de l’affaire ?
Une dernière question : pourquoi M. Puisay refuse-t-il aussi vivement de faire appel d’un jugement favorable à M. Crusson et défavorable à la mairie ? Les voies du maire sont difficilement pénétrables, mais on peut lui reconnaître de la constance. Cette affaire se situe en effet dans le prolongement d’une autre, déjà à Kerséguin. En décembre 2020, la commission d’urbanisme avait déjà délivré un permis de construire sur un terrain mitoyen, avant même ce jugement dont elle tirera prétexte. Le maire avait fini par le reconnaitre après avoir prétendu le contraire dans Ouest-France. Une lettre de Cap Atlantique l’avait au préalable averti que le permis risquait d’être entaché d’illégalité : la fameuse lettre que ses services avaient subtilisée du dossier (cf. http://www.penestin-infos.fr/des-accusations-graves-sont-portees-a-propos-dune-decision-de-la-commission-urbanisme/ et http://www.penestin-infos.fr/que-se-passe-t-il-a-la-mairie/ ). Le maire avait répondu : « Cap Atlantique nous avait mis en garde, mais nous ensuite on décide » (Ouest-France du 30 janvier 2021).
Ce jugement du 15 janvier apporte de l’eau à son moulin, et c’est bien pour cela que le maire le lit devant le Conseil municipal. La question peut se poser ainsi : le maire a-t-il en fin de compte eu raison d’avoir tort ? Rappelons une fois encore que ce jugement donne raison à M. Crusson contre la mairie de Pénestin, qui est condamnée à lui verser 1500 euros, mais ne semble guère s’en émouvoir. Ce ne serait qu’un paradoxe de plus de cette affaire. A moins que l’on se trouve face à un choix politique qui consisterait à « ouvrir les vannes », quitte à « dépenser » en un mandat les possibilités de constructions prévues par le SCOT sur une période qui mène jusqu’à 2035 ? C’est une question que l’on peut se poser. Si c’était le cas, le risque serait de mettre en danger l’équilibre précaire qui prévaut actuellement entre terres agricoles, espaces naturels et espaces artificialisés. Et ce choix serait en porte-à-faux avec les déclarations et les responsabilités du maire à Cap Atlantique concernant la « transition écologique ».
A suivre la deuxième moitié de cet article sur le Conseil municipal du 15 mars 2021.
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