« Je suis profondément désolé. Je comprends que les gens soient déçus. »
Ce sont les mots d’Alok Sharma, le président de la COP 26. Il s’excusait les larmes aux yeux, le 13 novembre dernier, de la faiblesse des résultats obtenus, alors que nous demeurons sur la pente « catastrophique » de 2,7 % d’augmentation des températures en 2100 par rapport aux débuts de l’ère industrielle et que « chaque dixième de degré compte. »
De son côté, M. Puisay, maire de Pénestin, vice-président de Cap Atlantique à la transition écologique, est content. Sur la page facebook « Osons Pénestin », il claironne :
« Je sors à peine d’un conseil communautaire où je devais défendre le PCAET (Plan Climat Air et Énergie Territorial) devant l’assemblée des maires de Cap Atlantique. Défendre l’avenir de notre planète et convaincre les plus sceptiques qu’il faut poser la première pierre. Défendre que si ce n’est pas suffisamment ambitieux qu’il faut faire sa part (sic), tel le petit colibris (sic) qui s’efforce d’éteindre un feu de forêt avec la conviction qu ‘il fait sa part. »
Même le colibri de Pierre Rabhi est récupéré… pour justifier les limites du Plan climat
Autosatisfaction, sentiment du devoir accompli… Il parle de poser « la première pierre », faisant injure à ceux qui, avant lui, ont affronté les lobbies du pétrole ou de l’agroalimentaire, ceux qui ont lutté pour que les lois sur l’urbanisme, sur l’écologie, sur la biodiversité, soient respectées par ceux-là même qui les ont promulguées. Même le colibri de Pierre Rabhi, dont l’idée est de motiver chacun à faire du mieux qu’il peut à son échelle, est récupéré pour justifier les limites d’un plan dont lui-même s’accorde à reconnaître qu’il n’est « pas suffisamment ambitieux ».
Point 18 : à partir de 1h 00’ 30 ‘’
Une voix d’opposition s’est levée ce 9 décembre, durant la réunion du conseil communautaire, celle de Jean-Noël Desbois, conseiller de la minorité à la commune de Guérande. C’est rare :
« Je n’adopterai pas ce nouveau PCAET, car pour notre groupe celui-ci manque de souffle, de dynamique, pour entraîner nos concitoyens dans la nécessaire transition énergétique et écologique. (…) Nous avons l’impression que ce PCAET a été fait seulement dans les bureaux. Pourquoi ne pas l’avoir construit avec nos concitoyens alors qu’on va leur demander de changer leurs habitudes de vie. (…) Quelles ont été les remontées de cette consultation ? Pourquoi ne pas nous présenter les modifications apportées s’il y en a. La démocratie participative, il ne faut pas seulement en parler, il faut aussi l’appliquer. Et je termine par une citation de Pierre Rabhi qui nous a quittés samedi dernier : ma philosophie est la transformation de soi et non du monde. »
Face à ces arguments, M. Puisay a répondu… à côté. Quelle manie !! Il s’est même surpassé. Face à l’intervention de M. Desbois, dont il ne connaissait pas, en principe, la teneur, il a lu un texte écrit à l’avance… Etrange conception du débat public !
Pourquoi était-il si urgent d’évacuer les objections de M. Desbois ?
M. Puisay égrène un historique destiné à démontrer la somme de travail fournie depuis début 2018 : argument d’autorité destiné à envoyer l’accusation se rhabiller ! Il s’étend entre autres sur le recueil des données auprès des partenaires, un travail qui relève des techniciens plutôt que des politiques, peut-on supposer : M. Desbois avait raison de parler d’un plan « fait dans les bureaux ». Pas de précisions sur l’« assez faible participation » aux « ateliers participatifs » lancés en 2019. M. Desbois demandait pourquoi le PCAET n’avait pas « été construit avec nos concitoyens ». A côté… L’exposé de M. Puisay entend bétonner face aux objections : pourquoi était-il si urgent de les évacuer ? Un débat libre et respectueux est utile, pensiez-vous… Les colibris aussi ont un cerveau, non ?
Cependant, il relève la tête, restée penchée sur sa feuille jusque là, et annonce… qu’il a 64 ans ce jour. « Mais là n’est pas la question », ajoute-t-il : « J’ai un petit-fils qui en a 50 de moins. Quel sera l’état de la planète et de notre territoire lorsqu’il atteindra mon âge, en 2071 ? Comme vous, j’ai tout lieu de m’en inquiéter. Mais c’est aussi pour cela que je me suis engagé dans cette voie de la transition écologique au sein de ce conseil. Oui, j’ai conscience que c’est un début, et qu’il nous faudra aller plus loin. Maintenant, comme moi, je vous invite à être colibris, qu’à notre petit niveau nous envisagions de le voter en l’état, mais bien évidemment, son contenu, son enveloppe et sa gouvernance devront évoluer. »
Que dire, à présent que les arguments de M. Desbois ont été si magistralement balayés ? Espérons d’abord que dans 50 ans, la planète sera toujours là. Que la Presqu’île ressemblera encore à une Presqu’île malgré la montée des eaux. Espérons aussi que le petit-fils de M. Puisay, que l’on imagine harnaché de pied en cap pour résister à la chaleur et à la pollution, enfermé dans un appartement climatisé au gré des approvisionnements en électricité, nourri à l’aide de gélules de diverses couleurs à défaut d’avoir des goûts variés, expert en langue et culture chinoises, ne sera pas de surcroît forcé de cacher son nom de famille si les politiciens des années 2020 restent dans l’histoire comme ceux qui, par paresse ou par vanité, auront laissé passer les dernières chances d’éviter le pire.
Dans son exposé de présentation du Plan climat, M. Puisay parlait d’un cadre dans lequel les acteurs sont appelés à se mobiliser. Il ajoutait : « cette mobilisation est à massifier ». A massifier… Zéro effort en ce sens, je l’ai déjà écrit à deux reprises ( http://www.penestin-infos.fr/le-pcaet-une-consultation-pour-lavenir-de-nos-petits-enfants/ ;http://www.penestin-infos.fr/si-vous-nallez-pas-a-glasgow-faites-des-travaux-pratiques/ ). « Une attention particulière est à prévoir concernant la concertation et la communication autour de ce PCAET. » Zéro à nouveau. Des paroles en l’air.
Pas un mot dans le Bulletin municipal d’octobre, de juillet, d’avril : les bras vous en tombent !
Et si on avait commencé par dire « Plan climat » au lieu de « PCAET », comme les trois-quarts des intercommunalités en France ? Et si on avait vérifié que les liens depuis le site de la mairie de Pénestin et celui de Cap Atlantique ne débouchent pas sur une « Page introuvable » ? Et si M. Puisay avait pris le temps d’organiser une réunion publique sur ce sujet ? S’il avait intégré dans le dossier les points de vue des associations ? S’il avait mobilisé la presse ? S’il s’était exprimé par écrit autrement que pour s’autocongratuler ? Pas un mot dans le Bulletin municipal d’octobre, de juillet, d’avril… Pas un mot ! Les bras vous en tombent. La concertation et la communication reposent sur une volonté. Lorsqu’elle est absente à ce point, mais que le maire fait malgré tout du mélo à propos de son petit-fils, on ne sait plus que dire. Je m’autocensure ici pour ne pas risquer d’être blessant avec mes interlocuteurs.
Quant aux avis reçus lors de la consultation, « quelles ont été les remontées ? pourquoi ne pas présenter les modifications apportées s’il y en a ? », avait raison de demander M. Desbois. M. Puisay dit avoir dû défendre le PCAET et « convaincre les plus sceptiques ». Son seul adversaire a été M. Desbois, fermier bio à La Madeleine. De qui se moque-t-on ? Par ailleurs, la présentation de Cap Atlantique promettait une synthèse des avis recueillis. 28 personnes et 4 associations se sont exprimées. On attend, puisque rien n’a encore été publié : sur les sites de la mairie et de Cap, le Plan climat est toujours en cours d’examen.
Résultat des courses, résumé des contradictions : il a fallu 4 ans pour accoucher de ce Plan climat, et tous s’empressent de préciser qu’il est adaptable et évolutif, qu’il n’est pas figé, façon de minimiser ses limites et ses défauts. Sur 34 actions, aucune n’est citée : les politiques laissent cela aux techniciens. Voilà au sens propre ce qu’on appelle une technocratie. Paradoxalement, c’est de là que vient une lueur d’espoir. Il semble que ces techniciens, au premier rang desquels M. Clément Mahé (cf. photos), aient appris depuis longtemps à suppléer aux manques des politiques supposés les encadrer, et qu’ils assument plutôt intelligemment la place laissée vacante par ces derniers.
LA LÉGENDE DU COLIBRI
Elle tire son nom d’une légende amérindienne, racontée par Pierre Rabhi :
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : “Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! “
Et le colibri lui répondit : “Je le sais, mais je fais ma part.”
Ping : La mairie de Pénestin utilise les derniers raffinements de Facebook dans l’art de ne pas répondre aux questions : les ciseaux magiques ! - penestin-infos
Merci Gerard de tes analyses, tu as le reflexe de regarder sous la surface…