Les stations d’épuration posent des problèmes techniques, mais aussi de démocratie

Mardi matin, Ouest-France s’est fait l’écho d’une réunion tenue à Vannes entre la direction départementale des finances publiques et une délégation d’ostréiculteurs (« Les ostréiculteurs mécontents des aides »). On se souvient qu’en décembre 2019, une épidémie de norovirus (le virus responsable de la majeure partie des cas de gastro-entérite et de diarrhée) avait entrainé la fermeture de nombreuses exploitations dans l’Ouest du Morbihan. La cause : les rejets côtiers suscités par le ruissellement d’eaux viciées et contaminées lorsque les stations d’épuration débordent (http://www.penestin-infos.fr/une-pollution-des-huitres-par-les-rejets-cotiers-suscite-la-colere-des-ostreiculteurs-dans-le-morbihan/ ).

Le préfet avait alors promis aux ostréiculteurs une exonération de 50 à 90% des redevances domaniales selon le nombre de jours de fermeture. Un an plus tard, cette proposition d’exonération n’est plus que de 20%. Frédéric Coudon, président du syndicat ostréicole Locmariaquer Rivière d’Auray, proteste : « On loue nos parcelles à l’État. Il nous doit une bonne qualité de l’eau, mais ces conditions ne sont pas remplies, alors pourquoi on paierait des redevances ? » Une expertise judiciaire avait été demandée en mai 2020 pour déterminer les responsabilités de cette crise : à ce jour, l’expert n’a même pas encore été nommé… Les syndicats qui avaient organisé une pétition l’an dernier et avaient été reçus au ministère de l’Agriculture en sont réduits à consulter leur base pour « décider des actions à venir ».

Des mécanismes afin de protéger les plus faibles

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, dit-on souvent, comme s’il fallait se résigner à ce que la parole des puissants ne soit pas tenue. L’État de droit est pourtant censé réguler les rapports de forces dans notre société et proposer des mécanismes afin de protéger les plus faibles.

À Pénestin, la situation des stations d’épuration pose aussi problème. L’été dernier, les plages avaient été fermées et la pêche à pied interdite jusqu’à Assérac en raison de fortes précipitations qui avaient entrainé le débordement dans la mer des eaux usées au niveau de la station de relevage de Poudrantais (http://www.penestin-infos.fr/leau-des-egouts-a-encore-pris-le-chemin-de-la-mer/). Interdiction peu respectée d’ailleurs, faute d’une information suffisante, et les estomacs de certains amateurs de coquillages s’en souviennent encore. Quant à la faune et à la flore aquatique, mieux vaut ne pas en parler ! Cette station est défectueuse depuis des années, à ce que disent les riverains, mais chaque période de fortes pluies occasionne de nouvelles pollutions qui mettent en péril les deux activités phares de la commune que sont le tourisme et la mytiliculture, et dégradent un peu plus la nature dont les richesses permettent à ces deux activités de s’exercer.

Une « surverse » de 3682 m3

Justement, le conseil municipal de lundi soir devait acter le rapport annuel sur les services publics de l’eau potable et de l’assainissement de Cap Atlantique. Le rapport de l’année 2019, il est vrai (https://www.cap-atlantique.fr/services-a-la-population/dechets/rapports-annuels-sur-le-prix-et-la-qualite-du-service-public-delimination-des-dechets). Pages 102 à 107 en tous cas, les chiffres sont clairs : le poste de relevage de Poudrantais dépasse de très loin tous ceux de l’intercommunalité avec une « surverse » de 3682 m3 le 20 décembre 2019. Celui de Vilaine n’est pas mal non plus…

Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Page 72 : « Décembre 2019 : Suite aux fortes pluies ayant entrainées (sic) des débordements, déclenchement de plusieurs protocole (sic) d’alerte ». Lesquels, avec quels résultats ? Page 73 : « L’automne et l’hiver 2019 ont été particulièrement pluvieux. Les forts évènements pluvieux et la saturation des sols ont occasionné de nombreux déversement (sic) de postes vers le milieu (sic), liés aux surcharges hydrauliques occasionnées. Toutefois, les analyses effectuées à ces occasions n’ont pas mis en évidence de contamination bactériologique du fait principalement d’un effet de dilution à l’échelle de la très forte pluviométrie sur le territoire. » Tout va bien alors…

Bref, le niveau d’un rapport de stage de BTS rédigé par un élève qui viendrait de découvrir les ressources du logiciel Excel pour tout mettre en courbes, fromages et statistiques, et aurait par ailleurs compris la facilité avec laquelle on peut faire illusion avec quelques termes techniques en lieu et place d’une véritable analyse. Benoîtement, le rapport présente les tarifs du SEPIG auprès des usagers et explique que les redevances somme toute assez confortables qu’il perçoit servent à l’entretien des stations d’épuration. CQFD…

Cela ne veut pas dire que Cap Atlantique ou le SEPIG ne font rien. Cela signifie simplement qu’ils ne jugent pas utile de nous en informer et qu’ils nous réservent, ainsi qu’à nos élus, un discours publicitaire où tout va pour le mieux dans l’univers riant de la technocratie. Certains, apparemment n’en demandent pas plus. Présenté sous forme d’un powerpoint accompagné d’un commentaire truffé de chiffres, le rapport n’a suscité aucune remarque au conseil municipal de Pénestin ce lundi. On est vite passé au point suivant.

Ça râle dans le quartier

Quant aux habitants, eh bien ça râle dans le quartier ! On voit régulièrement des engins s’affairer autour de la station de la rue des Coquelicots. Et rien ne s’améliore. De l’avis même des techniciens envoyés sur place, on essaie de colmater les conséquences, mais on n’agit pas sur les causes. Pourtant, certains riverains ont leur idée sur la question. Les racines des arbres endommageraient les canalisations, des branchements non conformes, ainsi que le mauvais état des réseaux d’eaux usées génèreraient un ruissellement d’eaux noires visibles en bas des ferrés près de l’école de voile. Ces riverains sont les premiers concernés, ils observent, ils discutent, certains d’entre eux ont des compétences techniques ou sont tout simplement doués d’un certain sens pratique. C’est tout cela qu’on appelle la « compétence d’usage », que l’on aurait tort de négliger. Et pourtant…

Le président de l’association des usagers des plages de Poudrantais et du Maresclé a écrit au maire le 22 novembre, il y a deux mois. Il sollicitait des explications sur la fermeture des plages l’été dernier, sur les travaux prévus, et il faisait des propositions. Il n’a reçu aucune réponse à ce jour. Il n’est pas le seul. J’ai connaissance d’au moins 7 ou 8 courriers adressés au maire, certains il y a 6 mois déjà, et qui sont toujours en attente de réponse. Ils n’ont pas même reçu un accusé de réception.

Comment une telle chose est-elle possible ? Pénestin est une commune rurale de 2000 habitants. Dans toutes les communes avoisinantes, le maire, ses adjoints et ses conseillers entretiennent une relation de proximité avec les habitants. Ici, la mairie ne répond même pas aux courriers. On en est réduit aux hypothèses : le maire dit toujours qu’il est débordé, qu’il reçoit des centaines de mails chaque jour. Est-il mal organisé ? Est-il mal secondé ? Sait-il déléguer ? Ses fonctions à Cap Atlantique, comme vice-président chargé d’un domaine, la transition écologique, dont il avouait durant sa campagne qu’il ne le connaissait que très peu, sont-elles trop prenantes, au détriment de la gestion de la commune ?

Une simple question de respect, d’un côté, et d’efficacité de l’autre

On sait que la loi NOTRe, qui a renforcé les pouvoirs des intercommunalités, a déplacé encore un peu plus le centre de gravité vers celles-ci et dépouille les communes de leurs prérogatives. Le problème est-il structurel ou personnel ? Ou bien Pénestin souffre-t-elle encore de la division de sa population en clans et est-ce cela qui transparaît lorsque le maire donne l’impression de faire une différence entre ses électeurs et les autres ? Plût au ciel que notre maire ait écouté Joe Biden hier, qui répétait une fois de plus, et avec talent, qu’il s’adresse à tous les Américains et non à ses seuls électeurs…

La démocratie représente beaucoup de contraintes : ce n’est pas simple de devoir écouter, de devoir convaincre, de devoir rechercher un accord entre des positions divergentes. Il est plus facile d’agir dans son coin sans avoir de comptes à rendre, sans avoir à argumenter, sans avoir à se justifier. Plus facile aussi de faire des promesses sans être tenu de les respecter. Le maire de Pénestin avait promis l’écoute, le dialogue, la concertation. Répondre à son courrier est un minimum, une simple question de respect, d’un côté, et d’efficacité de l’autre. On est en droit d’attendre les deux, face à des questions aussi essentielles que celles de l’eau et de la pollution. Cela vaut d’ailleurs dans tous les domaines.

3 commentaires sur “Les stations d’épuration posent des problèmes techniques, mais aussi de démocratie”

  1. Ping : Quelques précisions sur les stations « de relèvement » à l’occasion des travaux sur la station de la Poudrantais - penestin-infos

  2. Sans désir de polémique :
    Oui la qualité de nos eaux littorales est essentielle.
    Chacun de nous est responsable des eaux qu’il salit et envoie (ou non) au réseau vers STEP. Ces derniers vieillissent mal sans plan de révision organisé, d’autant qu’on leur en demande toujours plus.
    Pour nos milieux naturels massacrés, la pluie, l’argent, les incompétences, …, ne seront jamais des excuses valables. Et les pertes d’usage liées aux dégâts peuvent être indemnisées un moment (les mêmes paient…) mais à terme on arrêtera ou on ira voir ailleurs si c’est mieux…
    Les collectivités littorales doivent aussi définitivement intégrer qu’elles gèrent des trucs à deux niveaux : la routine de l’hiver n’est déjà pas simple, mais il faut composer avec les nombreuses périodes où les populations sont multipliées par jusqu’à 10.
    Oui, l’individu, le quartier, l’association, la commune, l’intercommunalité, … ont leur rôle pour une action collective, qui effectivement impose à chacun des partenaires de lui reconnaître sa place, et un échange responsable des infos. L’objectif n’est pas négociable.

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